Habitué d'officier aux fourneaux d'un chic hôtel de Vancouver, le chef Robert Le Crom mitonne ces jours-ci ses plats dans la cuisine exiguë d'un appartement de Pékin. Et il adore ça. «On fait partie d'une organisation fantastique, dit-il. Les Jeux olympiques, c'est le plus grand show du monde. Il n'y a pas grand-chose de mieux que ça!»

Pour la durée des Jeux, Le Crom et son acolyte Sean Murray, chefs aux hôtels Fairmont et Four Seasons de Vancouver, travaillent bénévolement pour le Comité olympique canadien (COC). Leur bistro, aménagé dans le Centre de performance du COC, accueillera une centaine de convives chaque soir au cours de la prochaine quinzaine.

Vous vous demandez sans doute ce qu'un centre de performance peut bien manger en hiver (ou dans la chaleur étouffante de l'été pékinois)? Normal. Le COC ne s'était jamais doté d'un tel outil avant les Jeux de cette année.

On y trouve de tout, dans un labyrinthe légèrement bordélique d'appartements en enfilade: salles d'entraînement, de massothérapie et d'analyse vidéo, agence de voyages, billetterie olympique et même un service téléphonique de traduction - aussi utile pour l'entraîneur qui a un pépin aux douanes que pour l'athlète qui essaie de faire comprendre à son chauffeur de taxi qu'il souhaite se rendre à la place Tiananmen et non à la Grande Muraille.

Le centre est situé dans deux tours d'habitation, juste à l'extérieur du périmètre olympique et à quelques centaines de mètres à peine du Nid d'oiseau, où aura lieu la cérémonie d'ouverture, vendredi. Il s'ajoute aux ressources considérables disponibles à l'intérieur du village des athlètes et sera le pied-à-terre d'environ 225 personnes - entraîneurs, massothérapeute, nutritionniste, etc. - qui logeront dans ses chambres à un moment où l'autre des Jeux.

«On a établi ce centre parce qu'on a vu que ça répondrait à un besoin», dit Caroline Assalian, directrice de la préparation olympique et des Jeux du COC. «De Jeux en Jeux, il y a toujours plus de personnes qui sont là pour encadrer les athlètes. C'est comme un pit crew de F1: pour un pilote, il peut y avoir 200 employés. Le sport est devenu tellement précis et sophistiqué qu'on ne peut plus se contenter du duo athlète-entraîneur. Il faut entourer l'athlète avec toute une équipe d'experts: nutritionniste, psychologue, etc.»

Malheureusement, le nombre d'accréditations olympiques reste limité. D'où l'idée de créer un endroit où le personnel de soutien non accrédité peut habiter et travailler. «C'est un satellite du village olympique, explique Michel LeBlanc, directeur du Centre de performance. Avant, c'était éparpillé: deux ou trois condos par ici, deux ou trois hôtels par là. Là, on est choyés, surtout que le Centre est à proximité du village.» À exactement 17 minutes et 52 secondes en vélo, précise en riant cet expert du vélo de montagne, qui n'a visiblement pas perdu sa fibre compétitive même s'il n'est plus l'entraîneur de Marie-Hélène Prémont et de l'équipe nationale.

Cette initiative s'inscrit dans le virage amorcé par le COC depuis quelques années. Pour dire les choses crûment: au lieu de se contenter d'apparaître tous les quatre ans pour distribuer les uniformes olympiques des athlètes et réserver leurs chambres lors des Jeux, le COC s'occupe finalement de sport. Des programmes de mentorat d'athlètes et d'entraîneurs ont été créés et un soutien financier est apporté aux sports qui présentent les meilleurs espoirs de médaille, par exemple. «Après les Jeux d'Athènes, on a compris que le COC devait devenir un partenaire dans la performance des athlètes», résume Caroline Assalian.

Un partenariat qui passe par toutes sortes de détails, y compris d'offrir de bons repas à l'entourage des athlètes, voire aux athlètes eux-mêmes. Mardi soir, une quinzaine de nageurs avaient réservé une des salles à manger du bistro olympique canadien. Un appétissant buffet les attendait: porc à la compote d'abricots, de prunes et de canneberges, pennes aux artichauts, olives et tomates, etc.

«On veut les déstresser, dit le chef Le Crom. La nourriture au village est excellente, mais il y a cinq ou six mille personnes, c'est bruyant. Ici, ils vont pouvoir manger à l'aise, dans le calme. Ça leur permet de sortir de la bulle olympique.»