Deux buts de la tête contre le Brésil (3-0) scellant le premier titre mondial des Bleus l'ont propulsé dans une autre dimension: ce 12 juillet 1998, Zinedine Zidane entrait dans l'Histoire de France et le coeur de ses compatriotes, sur la route du Panthéon du football.

À 26 ans, il est avec Youri Djorkaeff l'un des «deux soleils» sur lesquels compte Aimé Jacquet, mais son rayonnement est terni dès le deuxième match de poule par un carton rouge reçu contre l'Arabie saoudite pour s'être essuyé les crampons sur un adversaire. Un geste d'énervement, et un premier contre-pied dans une carrière qui en sera jalonnée.

Le meneur de jeu est suspendu pour deux matches: le premier, anecdotique, des «coiffeurs» (remplaçants) face au Danemark (2-1), et le second, plus gênant, en 8e de finale contre le Paraguay. La stérilité des Bleus se heurtant au bloc guarani, jusqu'au but en or de Laurent Blanc en prolongation, souligne, en creux, l'influence du N.10.

Zidane, transparent à l'Euro 1996, se doit une double revanche: il revient en force à partir des quarts de finale, jusqu'à finir par décrocher les étoiles pour en coudre une au maillot bleu. Avec la surprise du chef de ce doublé de la tête, sur corner à chaque fois. «J'avais envie de marquer un but dans cette Coupe du monde, j'en ai inscrit deux et en plus de la tête, ce qui n'est pas mon point fort», commente le héros national, avant d'insister sur la performance de l'équipe.

Un héros très discret

La France découvre alors un joueur qui se fait violence pour parler de lui-même et refuse de se mettre en avant en dehors de l'aire de jeu. Didier Deschamps est le capitaine, le relais de Jacquet sur le terrain, le premier à brandir la Coupe, mais c'est autour de Zidane, le patron technique, que la gloire se cristallise. Et se matérialise ensuite en Ballon d'or.

Symbole des Bleus qui gagnent enfin et de la France qui se reconnaît +Black-Blanc-Beur+, expression martelée à l'envi, il incarne l'euphorie nationale, lui le fils d'immigrés algériens kabyles. Mais il rejette l'enfermement communautaire ou social et le rôle de porte-voix qu'on voudrait lui assigner. Car c'est d'une voix douce, presque inaudible, que ZZ s'exprime, mal à l'aise devant les médias. Et c'est aussi cet étrange charisme, exemple d'humilité et de dévouement au collectif, qui séduit le public.

Yazid de Marseille (son 2e prénom, celui que ses proches emploient) devient Zizou de France - «Zizou», ce sobriquet affectueux adopté par le monde entier qui avait été inventé par Rolland Courbis, son ancien entraîneur à Bordeaux où son talent avait éclaté au grand jour.

«Zizou président !»

«Zizou président !», scande la foule spontanément, tandis que son visage et son nom s'affichent sur l'Arc de Triomphe. La presse internationale salue son «génie» et le couvre d'éloges. «Génie"? La qualification n'est pas usurpée, tellement ZZ assoira, à la Juventus Turin puis au Real Madrid, sa légitimité dans le Panthéon du ballon rond, dans la lignée des grands N.10 (Pelé, Platini, Maradona).

Passes improbables, dribbles chorégraphiques, gestes magiques (avec sa +spéciale+, la roulette), feintes étourdissantes, coups francs magistraux et buts décisifs (et certains splendides, comme la reprise de volée en finale de Ligue des champions en 2002): sa panoplie de grand joueur, à la fois efficace, esthétique et gagneur, se confirmera tout au long de sa carrière.

Qui s'achève un 9 juillet 2006 à Berlin, lors d'une autre finale de Coupe du monde, perdue celle-là, et marquée par son penalty sur panenka et son fameux coup de boule sur Marco Materazzi. Dernier coup double, et ultime contre-pied.