Après chaque naissance, tout parent se pose inévitablement la question : mon nouveau-né sera-t-il mon dernier bébé ? Parents de la famille nombreuse la plus connue du Québec, Tara Lawson et Pascal Groulx ont eu cette réflexion 11 fois déjà. À l’approche de la nouvelle saison de La famille Groulx et de la sortie de leur deuxième livre, La Presse les a rencontrés.

Tara Lawson entrouvre la porte, l’air surpris de nous voir. Le rendez-vous avait été reporté à la semaine suivante sans que nous le sachions. Malgré tout, elle nous accueille chaleureusement dans sa grande demeure.

Dans la cuisine, il y a de l’agitation en ce vendredi de congé. Installés autour de l’immense îlot, les enfants, tous en pyjama, terminent leur déjeuner. La photo de famille, ce sera pour la prochaine fois. De toute façon, aujourd’hui, c’est l’expertise des deux parents que l’on souhaite mettre de l’avant. Après l’arrivée d’un nouveau bébé, comment font-ils pour décider de poursuivre ou non leur famille ?

« On se donne toujours un an pour profiter du bébé, répond la mère, assise sur l’un des longs bancs de la salle à manger. On ne veut pas juste faire des enfants pour faire des enfants. On veut pouvoir les voir grandir. La première année, il y a tellement de changements. »

Le 12membre de la famille n’étant âgé que d’un mois et demi, la question d’un possible 13bébé n’a pas encore été abordée. « On s’est mis d’accord pour dire que ce n’était pas le temps », dit en rigolant Pascal Groulx qui, entre deux téléconférences pour le boulot, a pu participer à notre entrevue inopinée.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le couple doit être au diapason pour que le bonheur règne.

Et après un an ? « On regarde comment ça va dans la famille : les finances, la maison, ce qui se passe dans notre vie. C’est là qu’on prend une décision, poursuit sa femme. Il y a ma santé aussi, c’est certain. »

Un enfant, ça se fait à deux. Les décisions aussi. S’il y en a un qui n’est pas d’accord, on essaie d’en discuter et de partager nos points de vue [...]. Ç’a toujours été comme ça qu’on a fonctionné.

Pascal Groulx

Un membre du couple a-t-il déjà été plus pressé que l’autre d’accueillir un poupon dans la maisonnée ? « Tara est toujours plus vite à aborder le sujet, répond son mari. Si moi, je lui dis : “Écoute, non, pour l’instant je ne suis pas prêt”, elle dit : “OK, c’est beau, on en reparlera plus tard”. »

Une décision familiale

Chez les Groulx, les enfants aussi ont leur mot à dire quand vient le temps de décider si la famille s’agrandira. « Ils font partie de notre vie et on respecte leur opinion. Loin de nous l’idée de les rendre malheureux dans tout ça. On veut que ce soit une décision avec laquelle ils sont à l’aise », explique Pascal Groulx.

PHOTO AMY GRAUER, FOURNIE PAR BELL

La famille Groulx au grand complet

Cette façon de faire plaît aux jeunes, confient les deux plus grandes filles du clan, venues rejoindre leurs parents dans la salle à manger. « Je trouve que c’est bon que mes parents nous demandent ce qu’on en pense, parce que si on ne voulait vraiment pas [d’un nouveau bébé], ils accepteraient notre décision », explique Sasha, 19 ans. « Mais, on ne dit jamais non », ajoute Bianca, 17 ans, en riant.

Éviter les tabous

Sans commenter spécifiquement la démarche du couple Lawson-Groulx, deux spécialistes consultées par La Presse insistent sur l’importance de la communication entre les conjoints lorsque vient le temps de décider d’avoir ou non un autre enfant.

« Souvent, ce que j’observe en clinique, c’est que le sujet devient un tabou. Par exemple, madame voudrait avoir un autre bébé, alors que monsieur n’en veut plus. Puisqu’on n’en parle pas, le sujet devient de plus en plus conflictuel. Alors que si on en parlait, on finirait par essayer de mieux comprendre pourquoi l’un en veut encore et que l’autre n’en veut plus », explique Lory Zephyr, psychologue et auteure des livres Ça va, maman ? et Maman en construction.

PHOTO FOURNIE PAR JULIE C. LAURIN

Julie C. Laurin, professeure adjointe au département de psychologie de l’Université de Montréal

« Pour que la discussion se passe bien, il faut que les deux réussissent à avoir beaucoup d’empathie pour la position de l’autre », ajoute Julie C. Laurin, professeure adjointe au département de psychologie de l’Université de Montréal, qui souligne que même si le sujet est fréquemment abordé en thérapie de couple, il fait l’objet de peu de recherches.

Pour s’aider dans la prise de décision, les parents vont souvent dresser une liste de pour et de contre, note Lory Zephyr.

PHOTO FOURNIE PAR LORY ZEPHYR

Lory Zephyr, psychologue et auteure des livres Ça va, maman ? et Maman en construction

Ce n’est pas tant de savoir s’il y a plus de pour que de contre, mais plutôt de voir, dans ce qu’on a relevé, ce qui est le plus important pour nous.

Lory Zephyr, psychologue

Les finances, la santé mentale ou la santé physique sont autant d’éléments qui peuvent peser dans la balance.

Les deux expertes sont également d’accord sur un point : même si les adolescents de la famille peuvent être consultés, la décision finale revient aux parents. « Le nombre d’enfants, c’est une décision de couple, seulement de couple », insiste Julie C. Laurin.

Le deuil de la famille

Renoncer à donner la vie une nouvelle fois n’est ni plus ni moins qu’un deuil, affirment les deux spécialistes. « Comme pour n’importe quel deuil, ça va se vivre de façon très différente d’une personne à l’autre. Et c’est ça qui blesse parfois dans un couple. On a l’impression que l’un des deux partenaires est passé à autre chose, alors que l’autre est encore pris dans sa douleur », explique Lory Zephyr, cofondatrice de Ça va maman ?, plateforme qui parle de santé mentale parentale.

Bien que le couple n’ait pas encore pris de décision quant à la poursuite ou non de sa famille, Tara Lawson redoute le moment où elle renoncera à la maternité. « Juste savoir qu’un jour tout va tirer à sa fin [...], qu’il n’y aura plus de bébés, plus de grossesses [...] c’est un peu épeurant, confie-t-elle. Cette décision-là va vraiment être la plus grosse de ma vie. »

Les Groulx au petit écran…

Accouchement, projet de rénovation, démarches pour créer une entreprise, cérémonies de finissants, sorties en famille : la cinquième saison de La famille Groulx, qui commencera le 28 octobre sur les ondes de Canal Vie, s’annonce chargée. « En raison de la pandémie, les plans ont changé en cours de route, donc la saison n’a pas été axée sur un gros évènement, mais sur plusieurs choses », explique Pascal Groulx. Au fil des émissions, les téléspectateurs pourront notamment découvrir le sexe du 12enfant Groulx, né le 28 août dernier, date du 22e anniversaire de rencontre de ses parents. Les fins détectives l’auront toutefois déjà deviné.

En quoi la nouvelle saison se démarque-t-elle des précédentes ? Une plus grande place est accordée aux enfants. « Ils sont plus vieux, ils s’expriment plus. Il y a plus d’entrevues avec les jeunes », s’enthousiasme Tara Lawson, qui croit que l’émission a évolué en mieux. « C’est le fun qu’il y ait plus d’entrevues avec les enfants. J’aime ça, dire mon opinion », ajoute Bianca.

… et sur papier

Le nouveau livre de la famille Groulx, offert en librairie dès le 11 novembre prochain, propose lui aussi le point de vue des enfants. Chacun y prend à tour de rôle la parole pour répondre à certaines des 89 questions imaginées par leur mère et présentées au début du livre. « À quoi ressemblent les sorties avec une grande famille ? » ou « À quel âge as-tu réalisé que ta famille était différente de celle des autres enfants à l’école ? » sont deux exemples de questions abordées. Interrogées sur le projet, Bianca et Sasha ont dit avoir aimé l’expérience. « C’était un peu dur parce que je n’avais jamais écrit un livre », a toutefois soulevé Bianca. « Je voulais vraiment que les enfants soient capables de s’exprimer à leur façon, dans leurs mots », termine la maman.

La famille Groulx – La parole aux enfants

La famille Groulx – La parole aux enfants

Les Éditions La Presse