Terrasses et piscines sur le toit, centre de conditionnement physique, stationnement intérieur. Ces avantages ne sont pas réservés aux tours de condos. Une nouvelle vague d'immeubles locatifs est en construction ou en préparation, pour séduire une clientèle qui désire goûter à la vie de condo pendant quelques mois ou quelques années, sans nécessairement devenir propriétaire.

À Montréal et en banlieue, une nouvelle vague d'édifices locatifs, dotés de terrasses sur le toit, d'ascenseurs et de stationnements souterrains, prend le marché d'assaut.

«Il y a un regain important du locatif depuis trois ans, constate Charles-André Latour, directeur de la division du multirésidentiel locatif au sein du Groupe Altus. Il s'était construit très peu d'immeubles locatifs depuis une quinzaine d'années. Plusieurs locataires veulent des logements au goût du jour, de style condo, et sont prêts à payer plus cher.»

Le ralentissement du marché du condo explique en partie pourquoi plusieurs promoteurs se tournent vers le marché locatif.

«L'augmentation de la valeur des condos est stagnante depuis deux ans, souligne Philippe Bernard, président de Pur Immobilia, qui se prépare à réaliser un édifice locatif haut de gamme de 14 étages à Brossard. Cela démotive les gens d'acheter. Au lieu de geler leur capital dans un condo, ils décident d'attendre pour voir où se situe le marché. Ils louent, mais ils veulent être dans un immeuble moderne avec des espaces communs de qualité.»

Le resserrement, en 2011 et 2012, des règles d'emprunt, qui a fait passer de 35 à 25 ans la période d'amortissement des prêts hypothécaires assurés par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), contribue aussi à l'essor des immeubles locatifs.

«Plusieurs ont de la difficulté à passer à l'achat», note Jacques Vincent, copropriétaire de Prével, qui propose pour la première fois un volet locatif dans l'un de ses complexes, le 21e Arrondissement, juste à l'ouest du Vieux-Montréal. Locataires et copropriétaires auront chacun leurs propres ascenseurs, entrée, piscine et terrasse sur le toit.

Le fait d'avoir intégré des logements locatifs a permis à son entreprise de commencer plus tôt la construction de l'immeuble. Les banques étant plus enclines à financer des projets locatifs, le promoteur Luc Poirier a lui aussi décidé de réaliser un immeuble locatif haut de gamme boulevard René-Lévesque Est. En construction, le Rubic comptera 47 logements répartis sur 10 étages. Outre la terrasse sur le toit, il comportera des appartements avec des fenêtres allant du plancher jusqu'au plafond, des armoires de cuisine en acrylique et des plans de travail en quartz.

Un marché en progession 

Les mises en chantier de logements locatifs (excluant les résidences pour personnes âgées et les logements coopératifs) sont à la hausse, confirme Francis Cortellino, analyste principal de marché à la SCHL. La majorité des nouveaux immeubles locatifs sont construits en banlieue et comportent moins de 50 logements, révèle-t-il.

«Certains promoteurs voient des occasions d'affaires dans des secteurs où le taux d'inoccupation est faible, dit-il. C'est un marché en expansion.»

Les logements locatifs sont en concurrence directe avec les condos loués par des investisseurs locaux ou étrangers.

Ils attirent une clientèle qui recherche le confort de la vie en copropriété sans les tracas, souligne Sylvain Robitaille, président de Syscomax. En collaboration avec le promoteur Ingesca et d'autres investisseurs, il érige la première des deux tours locatives Axial, de 12 étages, à Laval, et en planifie deux autres dans le même secteur. Un édifice locatif à Brossard pourrait aussi être réalisé.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

L'intérieur d'un logement de l'immeuble locatif l'Hexagone. 

Devimco Immobilier, qui construit plusieurs édifices en copropriété dans Griffintown, a voulu atteindre une autre clientèle en bâtissant l'Hexagone, un édifice locatif de 257 logements répartis sur 15 étages. Il est ouvert depuis le mois d'avril, 190 de ses logements sont loués, à des prix variant entre 1370$ (1 chambre, 538 pi2) et 2600$ (3 chambres, 1076 pi2). À noter, les prix incluent l'électricité, le chauffage, l'air conditionné, les électroménagers et l'internet, un portier à l'entrée, une piscine et une terrasse sur le toit, ainsi que des plans de travail en quartz dans la cuisine.

«La cadence de location est plus rapide que ce qui avait été anticipé, sans que cela nuise aux ventes de condos», indique Marco Fontaine, directeur principal, ventes et marketing, des projets District Griffin, O'Nessy et Shaughn.

Plus cher au centre-ville 

Les prix de location demandés par les promoteurs et les propriétaires-investisseurs se ressemblent beaucoup dans les tours du centre-ville et de Griffintown, révèle Charles-André Latour, du Groupe Altus. Le coût moyen d'un loyer y oscille entre 1,90$ et 2,40$ le pied carré, selon les services inclus (électricité, chauffage, eau chaude). Un logement de 600 pi2, à 2,15$ le pied carré, par exemple, reviendrait à 1290$ par mois. «Le coût dans Griffintown est un peu plus faible que dans le centre-ville», soutient-il.

Les appartements situés aux étages supérieurs d'un immeuble très haut de gamme, au coeur du centre-ville, comme le V, récemment construit par le Groupe Canvar et jumelé à un hôtel Marriott Courtyard, ont un loyer supérieur à 2,40$ le pied carré.

Opération séduction

Les nouvelles tours résidentielles locatives se multiplient dans la région de Montréal. Plusieurs offrent un mode de vie calqué sur celui des condos haut de gamme. Voici quelques exemples.

Rubic

Investissement Poirier fait appel à un nouveau procédé de construction (upbrella) pour ériger une tour locative de 10 étages dans un petit terrain de 3800 pi2 en bordure du boulevard René-Lévesque Est, de biais avec la Maison de Radio-Canada. Les 47 logements seront haut de gamme (fenêtres du sol au plafond, armoires de cuisine en acrylique, plans de travail en quartz, etc.). Il y aura une terrasse sur le toit et un garage souterrain. L'immeuble devrait être complété à temps pour le 1er juillet 2016.

Ancienne Gare Viger 

L'ancienne Gare Viger reprend vie graduellement, en bordure du Vieux-Montréal. Le Groupe Jesta compte construire une tour résidentielle locative d'environ 20 étages jumelée à un hôtel, dans le cadre de la deuxième phase de revitalisation du site, situé près du futur CHUM. Les travaux devraient débuter en avril 2016. Les logements seraient compacts, avec des superficies variant entre 450 et 800 pi2, afin que les loyers ne soient pas trop élevés (à compter d'environ 1000$ par mois). Les locataires auraient accès aux services de l'hôtel.

21e arrrondissement 

Au croisement du Vieux-Montréal et de Griffintown, la deuxième tour du 21e arrondissement comptera 125 logements locatifs du 2e au 6e étage et 86 condos du 7e au 14e étage. Les locataires auront leur propre entrée, leurs ascenseurs et leurs espaces communs (vaste hall d'entrée inspiré des lobbys d'hôtel propices aux rencontres, salle d'entraînement, piscine extérieure et terrasse sur le toit, au 7e étage). La construction a débuté. Les logements locatifs devraient être présentés en janvier et prêts en mai prochain.

Arbora

Le complexe Arbora, qui prendra racine dans le Quartier de l'innovation, à Griffintown, se distinguera avec ses immeubles à structure de bois lamellé-croisé (CLT). Réalisé sous la direction de LSR GesDev et Sotramont, il visera une certification LEED Platine. Le premier des trois édifices de huit étages comprendra 130 appartements locatifs et des commerces au rez-de-chaussée. Les travaux débuteront en octobre pour accueillir les locataires à l'automne 2016. Condos et maisonnettes urbaines suivront. Des espaces verts occuperont plus de 40% de la superficie du terrain.

Shaughn 

Dans le village Shaughnessy, au centre-ville de Montréal, le complexe O'nessy prend forme. Devimco Immobilier construit simultanément un immeuble en copropriété de 15 étages (130 condos), ainsi que le Shaughn, une tour locative de 20 étages (297 logements). Une terrasse sera aménagée sur le toit. Les locataires pourront aussi profiter, au même titre que les copropriétaires du complexe, de la piscine, de la salle d'entraînement et du salon qui seront aménagés dans une ancienne chapelle datant de 1837. Les logements devraient être prêts au printemps 2017.

Tour axial 

Syscomax, en collaboration avec le promoteur Ingesca, a entamé au printemps la construction de la première des deux Tours Axial, à Laval. Le complexe est érigé dans un secteur en ébullition, en bordure du boulevard Saint-Elzéar Ouest, à côté du marché public 440. Les deux immeubles locatifs haut de gamme de 12 étages, entièrement en béton, compteront chacun 106 logements aux grandes fenêtres et spacieux balcons. Les locataires profiteront d'un stationnement souterrain et d'une terrasse sur le toit. Ils devraient pouvoir emménager en avril 2016.

Condos locatifs M3 

Dans la Cité de Mirabel, qui comprend notamment les Premium Outlets, Construction Danam Bonzaï prévoit réaliser 344 logements locatifs répartis dans huit immeubles. Trois bâtiments de 16 appartements sont déjà érigés. La construction d'un édifice de 62 logements avec stationnement intérieur, planchers de béton et grandes penderies de style walk-in débutera prochainement. Il n'y aura ni piscine ni salle de conditionnement pour que les loyers soient le plus bas possibles. De 800$ (studio) à 1200$ (3 chambres).

La Loggia 

Le Groupe Leclerc architecture + design construit un immeuble locatif de 13 logements, à Saint-Hubert, pour mettre à profit l'expertise cumulée au cours des 25 dernières années. La Loggia servira de laboratoire, avec sa structure en bois lamellé-croisé (CLT), ses systèmes performants visant à réduire la consommation d'eau et éliminer les dégâts d'eau, ses capteurs solaires fournissant l'eau chaude et le chauffage, etc. Une terrasse, avec un espace pour le barbecue, sera aménagée sur le toit. L'édifice devrait pouvoir être habité à compter du 1er novembre.

Photo Archives La Presse

Le Groupe Jesta compte construire une tour résidentielle d'environs 20 étages jumelée à un hôtel, dans le cadre de la deuxième phase de la revitalisation de l'ancienne gare Viger. 

Qui loue du neuf?

Depuis quelques années, des investisseurs locaux et étrangers achètent des condos au centre-ville et dans Griffintown pour les louer. Au tour maintenant des promoteurs d'offrir des logements en location dans une nouvelle génération d'immeubles à Montréal et en banlieue. Qui courtisent-ils?

Les jeunes branchés 

Ils n'ont pas les fonds nécessaires pour acheter un condo, mais ils désirent vivre dans des immeubles neufs offrant plusieurs commodités.

Les travailleurs mobiles 

Ils ont une maison à la campagne ou habitent dans d'autres villes et ont besoin d'un pied-à-terre au centre-ville, avec un certain luxe.

Les étudiants étrangers fortunés 

Ils viennent étudier à l'université pendant quelques années et recherchent un appartement haut de gamme bien situé.

Les nouveaux arrivants 

Ils s'installent provisoirement, le temps de découvrir la ville et de décider où ils désirent prendre racine.

Les futurs acheteurs 

Ils ont les moyens d'acheter un condo, mais ils attendent de voir où se situe le marché. Ils sont prêts à patienter un an ou deux.

Les indécis 

Ils vendent leur maison devenue trop grande et ne sont pas certains d'aimer la vie en copropriété. Ils font un test.

Les retraités 

Ils se libèrent de leur propriété et ne veulent plus de responsabilités. En pleine forme, ils ne s'identifient pas aux résidences pour aînés.

En chiffres 

Nombre de mises en chantier de logements locatifs dans des immeubles de trois logements et plus, dans la région de Montréal.

De janvier à juillet 2015

1580 (dont 450 dans des immeubles de 100 logements et plus, soit 28%)

De janvier à juillet 2014

1019 (dont 166 dans des immeubles de 100 logements et plus, soit 16%)

De janvier à juillet 2013

588 (dont 108 dans des immeubles de 100 logements et plus, soit 18%)

*Excluant les résidences pour personnes âgées et les immeubles communautaires.

Source: SCHL