Le quartier situé au pied du mont Royal, entre les rues Guy et University, au nord du boulevard René-Lévesque, est en effervescence. Pas moins de 13 projets immobiliers résidentiels y sont en construction ou en préparation! Tout un changement pour ce coin huppé du centre-ville où les jolies maisons victoriennes, les chic boutiques et les restaurants branchés côtoient depuis plusieurs décennies de vastes terrains à l'abandon servant de stationnements.

Deux raisons expliquent cet intérêt soudain pour le quartier jadis adopté par les familles fortunées de Montréal, surnommé le Golden Square Mile (Mille carré doré), estime Sylvain Villeneuve, chef de la division de l'urbanisme de l'arrondissement de Ville-Marie.

D'abord, plus généralement, le centre-ville attire une nouvelle population, qui désire s'y installer. «Depuis deux ans, plus de 2000 logements par année ont été créés dans l'arrondissement, surtout à l'ouest du boulevard Saint-Laurent, indique-t-il. Depuis les années 90, nous voulons avoir un centre-ville plus habité, donc plus animé en tout temps, avec plus de commerces pour les résidants. La cadence de la construction s'est accélérée.»

Le quartier profite aussi de la révision des hauteurs et des densités dans plusieurs zones situées aux abords du centre des affaires, réalisée au début de 2012. Un nouveau découpage a été fait à la fois pour mieux protéger le patrimoine et le paysage et pour favoriser la disparition de stationnements à ciel ouvert.

Nouvelles hauteurs

Au nord de la rue Sherbrooke, sur une partie du flanc sud du mont Royal, même s'il y a peu de terrains vacants, le plafond de hauteur a été réduit de 25 m à 16 m (l'équivalent de cinq étages résidentiels) pour préserver l'omniprésence de la montagne et mettre en valeur les bâtiments patrimoniaux.

Dans d'autres secteurs, les plafonds ont plutôt été haussés. Des résultats se font déjà sentir dans la partie sud du secteur Bishop-Crescent, où la zone s'étendant de la rue Sainte-Catherine au boulevard René-Lévesque Ouest a été subdivisée en trois et passe de 25 m à 35 m, 65 m et 80 m (11, 21 et 25 étages), à mesure que l'on se rapproche du coeur du centre-ville.

La hauteur permise grimpe à 120 m (40 étages), sur une partie de la rue Mackay. Elle demeure à son plus haut (environ 210 m, soit 70 étages) le long du boulevard René-Lévesque Ouest.

Relancer la construction

«Dans les années 90, les normes ont été réduites pour éviter la démolition des immeubles victoriens, explique M. Villeneuve. Or, il n'y a pas eu de revitalisation dans ce quartier.»

Pour la favoriser, une nouvelle catégorie de hauteur a été créée (35 m), afin de permettre la construction d'immeubles de 11 étages résidentiels, entre les rues Guy et de la Montagne, au nord du boulevard René-Lévesque Ouest. Pour être rentable, ont fait valoir plusieurs promoteurs, une construction de béton doit en effet avoir au minimum 10 étages. En contrepartie, pour que la rue demeure animée, les tours devront être construites en retrait au-dessus d'un basilaire d'environ trois étages (comme les maisons victoriennes aux alentours), avec des commerces au rez-de-chaussée. Les complexes Flex et Viva Lofts Bishop, en construction rue Bishop, ont été conçus selon ce principe.

«Le quartier, délaissé depuis plus de 40 ans, va devenir plus homogène, avec une architecture qui se distinguera de ce qui se fait ailleurs au centre-ville, estime Éric Huot, de l'agence Geiger " Huot Architectes, engagé dans trois projets résidentiels dans le Mille carré doré. Le nouveau zonage amène une autre vision des choses.»

La Ville tient à préserver son patrimoine, constate de son côté l'architecte Karl Fischer, qui intègre la façade d'une maison victorienne dans le projet Les Condos Crescent. «En devant marier le vieux avec le neuf, cela nous oblige à être plus créatifs», souligne-t-il.

Jean-Yves Bourdages, responsable du comité d'habitation et d'urbanisme à la table Interaction du quartier Peter-McGill, voit d'un bon oeil la densification du centre-ville, qui découle de la mise en valeur des terrains vagues. «L'arrondissement devrait par contre s'efforcer d'implanter de façon permanente l'inclusion de logements abordables, indique-t-il. Si on veut avoir une vie intéressante au centre-ville, il faut qu'il y ait une mixité sociale et qu'y habitent des étudiants, des enfants, des retraités et des gens avec de hauts et de faibles revenus.»