Pour la plupart des gens, acheter une maison apparaît comme un investissement sûr, un gardien de valeur. Une «croyance populaire» qui pourrait être «mise à rude épreuve», mettent en garde des économistes de la Financière Banque Nationale.

En plus d'entrer dans une décennie où les prix devraient suivre une tendance à la baisse, la démographie pourrait bien venir mêler les cartes à plus long terme et modifier la valeur des maisons. Les économistes de la Financière Banque Nationale Stéfane Marion et Matthieu Arseneau exposaient au début du mois un phénomène méconnu qui chamboule déjà certaines économies, soit la diminution du nombre de personnes âgées entre 20 et 44 ans, et par ricochet le nombre d'acheteurs d'une première maison. Au Japon, la baisse de cette cohorte depuis 35 ans a participé à la chute des prix (- 47 %) depuis maintenant 15 ans, bien qu'elle ne soit pas le seul facteur. En Allemagne, une baisse des prix de 10 % a été observée. Sur un horizon de cinq ans, le Canada sera épargné, plaident les économistes. Mais selon diverses sources, la baisse de la cohorte devrait diminuer de 7 à 15 % d'ici 2050. «Nous sommes donc d'avis que la croyance populaire voulant que l'immobilier représente un gardien de valeur sera mise à dure épreuve», écrivent les économistes.

«Il y a toujours des cycles plus favorables que d'autres, mais il reste que les changements démographiques au Québec comme dans les autres pays avancés, c'est sûr que ça va limiter le potentiel aussi pour l'immobilier résidentiel», croit M. Arseneau.

Vieillissement de la population

Car à l'autre bout du spectre, le vieillissement de la population pourrait créer une véritable vague de propriétés à vendre dans 20 ou 30 ans, quand les baby-boomers voudront se départir de leur propriété en masse. Le déséquilibre entre le nombre d'acheteurs et de vendeurs pourrait faire baisser les prix drastiquement.

Un scénario qui a été exploré la première fois à la fin des années 70 par des professeurs de Harvard, remarque François Des Rosiers, professeur de gestion urbaine et immobilière. Ils prévoyaient alors que les maisons perdraient 50 % de leur valeur en 2000 à cause de ce phénomène, ce qui ne s'est pas produit. Si l'hypothèse demeure plausible, selon M. Des Rosiers, il faut faire attention aux raisonnements linéaires, car ceteris paribus («toutes choses étant égales par ailleurs») ne tient pas dans la réalité. De nombreux autres facteurs peuvent venir contrebalancer ces effets. Il donne comme exemple le mini baby-boom des dernières années, qui entraînera une cohorte de jeunes plus importante qu'on l'avait estimé. Et où en sera le Québec en termes d'immigration? demande-t-il. Si, pour combler des pénuries de main-d'oeuvre, on ouvre les portes toutes grandes aux nouveaux arrivants, le portrait pourrait aussi être grandement modifié.

M. Des Rosiers croit par ailleurs que ce phénomène devrait toucher principalement les maisons en zones périphériques.

L'accession à la propriété encouragée

Au Canada, près de 7 ménages sur 10 sont propriétaires. Ici comme dans de nombreux pays, l'accession à la propriété est encouragée par des mesures fiscales car elle responsabilise les citoyens et, de façon générale, elle enrichit les ménages. Car en plus de forcer l'épargne, elle permet dans la plupart des cas d'accumuler du capital à l'abri de l'inflation, explique François Des Rosiers, professeur de gestion urbaine et immobilière à l'Université Laval. Au Canada, les propriétaires qui vendent leur maison ont droit à l'exemption du gain en capital. Ils n'ont donc pas à payer d'impôts sur le profit qu'ils font lors de la vente de leur résidence principale. «C'est sûr que ça augmente le taux de rendement par rapport à un investissement alternatif», note M. Des Rosiers.