Si vous fréquentez l'ouest de la ville, vous aurez peut-être remarqué le Linton, cet immeuble emblématique de la rue Sherbrooke, à deux pas du Musée des beaux-arts.

Sa construction a commencé en 1907 et s'est terminée l'année suivante; l'immeuble de logements visait des clients fortunés, des femmes seules surtout, qui cherchaient à remplacer leur grande maison par un appartement au centre-ville. Il était devenu difficile de trouver du personnel domestique à cette époque, mais ces Montréalais privilégiés cherchaient à préserver leur confort.

Le Linton offrait des attraits hôteliers, comme des services de nettoyage et de traiteur (chaque appartement possédait son monte-plats) ainsi que des atouts rares comme des ascenseurs et des sonneries électriques. Une téléphoniste acheminait les appels aux locataires qui possédaient un téléphone. En 1908, l'édifice était le plus grand immeuble résidentiel de la ville.

Les intérieurs comme les extérieurs avaient été soigneusement dessinés et comportaient des éléments nobles comme le marbre, le bois travaillé, des vitraux, une façade en terracotta, etc. En 1953, l'immeuble s'est converti en copropriété multilogement par actions.

C'est un peu ce passé qui a convaincu Howard et Barbara J. Mitnick d'acheter un appartement au Linton en 2003. Historienne de l'art, Mme Mitnick cherchait un immeuble «avec du charme ancien, mais qui avait été joliment conservé et bien entretenu».

«Un petit coin charmant d'Europe»

Jusqu'ici, rien de singulier. Sauf que le couple d'Américains vivait à Philadelphie et convoitait l'appartement pour s'en servir comme résidence secondaire, une sorte de refuge pour s'y loger durant ses excursions à Montréal. «Nous venions trois fois par année, pour des périodes de deux ou trois semaines», nous a expliqué Mme Mitnick au téléphone pendant que nous visitions son appartement.

Après le départ de ses enfants, le couple avait entrepris de voyager à l'étranger. Mais après les événements du 11 septembre 2001, ils ont plutôt limité leurs déplacements à l'Amérique du Nord. «Montréal, pour nous, c'était un petit coin charmant d'Europe, à moins de six heures de la maison en voiture. Du vrai bonheur.»

Après quelques visites dans les immeubles de la ville, le couple avait porté son choix sur le Linton, un appartement «lovely!»... qui leur a échappé. Plusieurs mois ont passé avant qu'on ne leur en propose un autre. «On m'a téléphoné un dimanche de janvier pour m'en offrir un, j'ai répondu que nous irions le visiter le week-end suivant. Le courtier m'a mise en garde: cet appartement se vendrait rapidement. J'ai annulé mes cours à l'université et j'ai pris l'avion le lendemain matin!»

Ni le vent glacial ni la distance ne pouvaient les faire changer d'idée: c'était l'appartement qui leur était destiné. Ils ont immédiatement signé l'offre d'achat. 

Avec ses quatre chambres, ses deux salles de bains sur 2400 pieds carrés, l'appartement présentait un beau défi. Surtout qu'au fil des ans, plusieurs des modifications effectuées ne répondaient pas aux exigences du couple. 

Restauration

Les travaux de restauration ont pris une bonne année (grâce à l'apport de corps de métiers recommandés par leurs nouveaux voisins), et l'appartement était enfin à leur image. «On a d'abord ajouté une salle de bains et remplacé la cuisine par une nouvelle, plus pratique. Dans les couloirs, on a ajouté des portes, des moulures en bois et des vitraux, et amélioré l'assise et l'habillement des deux foyers.» Entre autres choses. Les salles de bains sont maintenant modernes et enveloppées de marbre de Carrare, un fil conducteur de l'appartement.

Puis, le couple a sillonné la ville à la recherche d'antiquaires et d'encanteurs pour meubler sa résidence. «On cherchait à aménager l'appartement dans le respect de l'édifice.»

Le mélange des genres représente l'effet souhaité par le couple. Des meubles stylés, majoritairement nord-américains, des XVIIIe et XIXe siècles en grande partie, qui ont probablement appartenu à des familles aisées, comme celles qui ont habité au Linton au fil des ans. 

Le couple a beaucoup reçu dans cet appartement, même qu'il y a déjà eu une cinquantaine de personnes lors d'une visite. «Elles n'étaient pas assises à table, mais pouvaient se promener sans problème.»

Pourquoi vendre après avoir consacré autant d'énergie à bichonner la propriété? Mme Mitnick a perdu son complice il y a six ans. À 77 ans, elle aimerait passer plus de temps auprès de sa petite-fille, qui habite en Virginie. «Je n'oublierai jamais Montréal, une ville que nous avons adorée.»

Photo fournie par Sotheby’s International Realty Québec

L'appartement s'étend sur près de 40 pieds et est divisé en trois parties. Au loin, trois des chambres et deux des trois salles de bains. Les pièces communes sont à droite et il y a une autre chambre plus petite à gauche.

La propriété en bref

Prix demandé: 1 595 000 $

Année de construction: 1907

8 pièces comprenant 4 chambres, 3 salles de bains, 2 foyers, 2 stationnements au garage

Superficie intérieure: 2400 pi2

Charges annuelles de copropriété (indivise): 34 836 $. Ce montant comprend taxes, chauffage et entretien général.

Note: on ne peut ici calculer l'évaluation municipale de l'appartement puisque l'édifice appartient à une société par actions mise sur pied dans le cadre d'une structure juridique bien précise; lors de sa création en 1953, la société a attribué un lot d'actions à chaque logement. Dans le cas d'une vente, ce sont ces actions que l'acheteur acquiert et non l'appartement. La vente privée se fait devant le registraire de la société et non un notaire. Elle n'apparaît pas au registre foncier et ne comprend pas de taxe de mutation.

Courtière: Karen Karpman, Sotheby's International Realty Québec, 514 287-7434

Consultez la fiche de la propriété: https://www.centris.ca/fr/condo~a-vendre~ville-marie-montreal/18657871?view=Summary

Photo fournie par Sotheby’s International Realty Québec

On voit bien de cet angle les pièces communes. Les moulures entre les corbeaux qui semblent soutenir la poutre sont des ajouts récents des propriétaires. Ils s'agencent aux caissons d'origine du plafond. Les portes françaises qui mènent à l'arrière de l'appartement vers les chambres sont surmontées d'un encastré en vitrail trouvé chez un antiquaire.