D'abord, une petite confidence. On s'est souvent demandé ce que cachaient les façades colorées du quartier Saint-Louis dans le Plateau Mont-Royal. Vous savez, celles qui sont ornées d'azulejos peints sur la céramique? Derrière ces paravents multicolores, les intérieurs sont-ils actualisés? Ou, au contraire, trouve-t-on des reliquats du patrimoine qui auraient traversé le temps?

La réponse se situe quelque part entre les deux. Certaines ont subi des rénovations importantes, voire radicales, tandis que d'autres n'ont été que retouchées.

Celle qui nous intéresse est un heureux mélange de patrimoine et d'audace. Sa façade émeraude et ses fioritures en bois nous ramènent à la date de construction, en 1875, tandis que les intérieurs nous catapultent au XXIe siècle.

À l'origine, croit la propriétaire Tania Fugulin, les maisons de son quartier avaient été construites pour des familles relativement aisées. Peut-être pas la grande bourgeoisie de l'époque, mais on sent dans celles qui ont survécu qu'elles ont fait l'objet de beaucoup de soins. Construites dès les années 1870 pour des familles, elles étaient spacieuses et souvent bâties sur trois paliers.

Au fil du temps, le quartier a perdu de son lustre, si bien qu'au milieu du siècle dernier, l'endroit baignait dans la pauvreté et les espaces verts se faisaient rares, pour ne pas dire inexistants.

Le début du siècle avait vu arriver des immigrants grecs, italiens, polonais, yougoslaves et ukrainiens près du boulevard Saint-Laurent, qui cherchaient des maisons à coût abordable situées à proximité du centre-ville. À partir des années 50, ce sont des familles portugaises qui s'y installent. Si bien que durant les années 70, plus de 12 000 Portugais y vivent.

La communauté transforme ce paysage montréalais. Outre les images religieuses sur céramique peinte à la main, les nouveaux propriétaires aménagent des potagers, cultivent les vignes et, surtout, ajoutent de la couleur aux façades de leur propriété. Les rues redeviennent accueillantes.

En 1975, l'Ordre des architectes du Québec récompense les efforts des Portugais en leur remettant leur prix annuel de restauration domiciliaire du Plateau Mont-Royal.

Changements démographiques

Mais, le quartier n'échappe pas aux changements démographiques. Ces désormais célèbres maisons appartiennent maintenant à des propriétaires d'un peu partout qui y voient les mêmes qualités qui avaient séduit les premiers résidants : proximité des services, tranquillité, ruelles vertes et arbres matures. Mieux, grâce à la mobilisation des résidants durant les années 80, le joli parc Jean-Jacques-Olier, aménagé pour les enfants, est au centre de la vie citoyenne.

C'est d'ailleurs là que jouent les fils de 8 et 11 ans de Mme Fugulin. «Il y a tellement d'enfants dans le quartier qu'ils se trouvent toujours des copains.»

Avant de penser aux jeux de ses fils, Mme Fugulin avait d'abord été séduite par la maison. C'était il y a 14 ans, avant leur naissance. «Nous habitions dans un loft du Vieux-Montréal et je savais que je voulais des enfants. Pas question de les élever là-bas!»

Jeune adulte, elle avait habité le secteur et souhaitait offrir à son éventuelle progéniture un lieu sécuritaire et à proximité de tout.

«Quand j'ai vu la façade, j'ai su immédiatement qu'elle était pour moi. Elle avait du caractère, du vécu.» Pourtant, la maison était inhabitable. Le propriétaire précédent l'avait laissée à l'abandon. «Le mur arrière menaçait de s'effondrer et la cuisine gisait au sous-sol. Il n'y avait ni eau chaude ni toilette. » Mais, il y avait une cour. Et beaucoup de potentiel. «Il fallait être un peu visionnaire et un brin téméraire. Mon père m'avait dit: "Tu t'embarques dans un paquet de troubles et appelle-moi pas!"»

«Et vous l'avez appelé?

- Des tonnes de fois!»

En 2003, la maison a subi un agrandissement et de vastes rénovations qui ont duré 12 mois. Puisque les travaux précédents avaient été faits à la va-vite et sans vision, plusieurs éléments patrimoniaux avaient disparu. Mais pas tous. «On a récupéré les lattes du parquet de la nouvelle cuisine et on les a réinstallées à l'étage.» L'escalier aussi, qui avait été retiré par les ouvriers pendant l'absence de la propriétaire et remplacé par un nouveau, a été rebâti... avec les pièces d'origine.

Malgré son attachement à la maison, il est temps pour la famille de passer à autre chose. Où? Dans le même quartier, assurément.

Photo fournie par Groupe Sutton Centre-Ouest

Le rez-de-chaussée est complètement décloisonné. Ici, l'espace salon et son foyer. Les pièces en bois ont besoin d'un léger rafraichissement (peinture, surtout).

La propriété en bref

Prix demandé: 899 000 $

Année de construction: 1875

6 pièces comprenant 3 chambres, 1 salle de bains, 1 foyer au bois. Également, un appartement au sous-sol (salon, salle à manger, cuisine, 1 chambre et 1 salle de bains) est actuellement loué.

Superficie du terrain: 1431 pi2

Évaluation municipale: 749 000 $

Impôt foncier: 6010 $

Taxe scolaire: 1262 $

Courtière: Ana Duque, Groupe Sutton Centre-Ouest, 514 483-5800

La fiche de la propriété: https://www.centris.ca/fr/maison~a-vendre~le-plateau-mont-royal-montreal/16943889?view=Summary

Photo fournie par Groupe Sutton Centre-Ouest

Les propriétaires ont demandé l'aide de l'architecte Hélène Fortin, qui les a conseillés tout au long des rénovations. C'est elle qui a suggéré la disposition des éléments de la cuisine ainsi que le revêtement en plaqué de chêne des armoires.