Quand Gilles Maisonneuve a visité sa maison plus que centenaire la première fois, en 1995, elle était dans un état déplorable. Oui, oui, déplorable, c'est bien ce qu'il nous a dit. Disons qu'aujourd'hui, après des milliers d'heures en travaux de restauration, elle est plutôt... remarquable.

M. Maisonneuve a redonné à cette propriété bourgeoise de la rue Saint-Hubert ses lettres de noblesse. Mais tout ce labeur ne s'est pas fait sans peine. «On a commencé par sortir quatre conteneurs de déchets remplis jusqu'au bord», affirme l'homme d'affaires de 72 ans. 

Ce n'était que le début. Pendant quatre mois, une quinzaine d'ouvriers spécialisés ont décapé, sablé, arraché et raccommodé ce qu'il y avait à réparer.

Ce n'est pas que la propriété avait été délaissée, c'est qu'elle avait été dénaturée. Et peut-être un brin négligée. «Les propriétaires s'en servaient comme bureau», se souvient M. Maisonneuve, qui l'avait lui-même zyeutée pour accueillir les employés de son entreprise, ce qu'il a fait pendant quelques années. Mais, comme cela arrive souvent, la vie change. «J'habitais au Sanctuaire à Outremont et je me suis dit que je pourrais très bien vivre dans cette grande maison.»

Pourquoi pas? Après tout, pendant des générations, elle avait servi à de vraies familles.

Petite histoire

On raconte que la maison a été construite de 1887 à 1888 par le quincaillier John Millen. En 1893, Hector Barsalou, fils de Joseph Barsalou, fondateur de l'entreprise qui fabriquait des savons du même nom, l'achète.

Petite anecdote (qui n'a rien à voir, mais qui peut faire sourire): on doit à cet Hector Barsalou la fameuse courbe du pont Jacques-Cartier. Avant la construction du pont, M. Barsalou avait refusé que son usine soit expropriée; les concepteurs de l'époque ont dû revoir leurs plans. C'est ainsi que les ingénieurs ont redessiné le parcours, imposant une courbe prononcée qui contournerait l'usine de savon. Depuis, l'appellation «pont croche» de l'époque tient toujours... et fait toujours pester. Mais gardons le cap...

Quelques années après son déménagement, M. Maisonneuve a entrepris de rénover la cuisine et la salle de bains. Puis, quand Postes Canada l'a prévenu que le courrier ne pourrait plus lui être livré s'il ne réparait pas son escalier extérieur, il a mandaté la construction d'un nouvel escalier. La Ville suivait de près les travaux compte tenu de l'aspect patrimonial de la résidence. «L'escalier devait obligatoirement être en granite, comme l'ancien, une bagatelle qui nous a coûté 65 000 $!» 

Puis est venu le temps de changer les fenêtres. Elles sont présentes sur trois façades (la propriété est mitoyenne du côté est et comporte un mur aveugle), cela faisait donc pas mal de fenêtres. Ici encore, la Ville imposait ses exigences. «Il nous fallait installer des fenêtres en bois, à guillotine, et qui devaient être peintes. Heureusement, on nous accordait une subvention de 30 %.» Sauf que, par mégarde, les fenêtres ont été teintes plutôt que peintes. La Ville a donc retenu une partie des subventions, raconte notre propriétaire avec une pointe d'humour. 

Parlant peinture, il en a beaucoup été question lors des travaux. «On a mis 40 000 $ juste en peinture», s'étonne encore M. Maisonneuve. Notre propriétaire expose avec force le détail de ses dépenses, mais on le sent fier des résultats.

Partout où il le pouvait, la maison a été restaurée. La rampe de l'escalier a pris quatre mois à décaper. «Elle avait été peinte noir et blanc, je n'aimais pas beaucoup cela. J'ai voulu la remettre dans son état d'origine.» Elle a été reteinte, puis revernie. On a l'impression qu'elle sort tout droit des ateliers d'un ébéniste. Les lattes du parquet ont été retirées une à une. «On a refait le sous-plancher, puis on les a reposées en respectant le motif d'origine de la parqueterie.»

Certains éléments décoratifs sont magnifiques, comme la grille du passage qui recouvre le calorifère et les poignées de porte en laiton. Les ornements du plafond ont été conservés ou réparés. Certains des luminaires sont d'origine, comme celui du studio de peinture de la conjointe de M. Maisonneuve, Lucie Vachon. Quand nous lui avons demandé si la maison avait été électrifiée dès sa construction, il nous a répondu en nous montrant une petite clé en laiton accrochée au chandelier du studio. «C'était pour allumer le gaz, on l'a gardée!»

Les Vachon-Maisonneuve ne savent pas trop où ils iront quand la propriété sera vendue. Ils possèdent une grande maison en Floride qui, manifestement, leur plaît beaucoup. «Ça pourrait être une option!»

Photo fournie par Engel & Völkers

Le rez-de-jardin est loué à des notaires et des avocats.

La propriété en bref

Prix demandé: 1 695 000 $ 

Année de construction: 1887 

10 pièces, comprenant 6 chambres, 2 salles de bains, 1 foyer décoratif avec manteau en marbre. Neuf allées de stationnement et un garage. 

Superficie du terrain: 5096 pi2

Superficie intérieure: 5268 pi2 

Un local commercial pour avocats et notaires est loué par le propriétaire au rez-de-jardin.

Évaluation municipale: 1 105 700 $ 

Impôt foncier: 16 117 $ 

Taxe scolaire: 1939 $ 

Coûts d'énergie: 6099 $

Courtier: Félix Jasmin, Engel et Völkers, 514 886-6620

Fiche de la propriété: http://www.centris.ca/fr/maison~a-vendre~le-plateau-mont-royal-montreal/22741982

Photo fournie par Engel & Völkers

Chacun des éléments décoratifs du salon a été préservé ou restauré.