Une allée plantée d'arbres relie ce manoir à la rue Main. Sitôt le porche à colonnes franchi et les présentations faites, Pierrette Murphy s'exclame: «Il n'y aucune maison comme celle-là».

Une maison unique au monde, à Hudson? Permettez-nous d'en douter, Madame Murphy. «Cette maison est unique. Je suis sûre de ça: j'ai les plans originaux», affirme-t-elle.

Si la dame n'était pas aussi attachante, on s'arrêterait à l'argumentaire de vente d'une passionnée de belles maisons devenue agent d'immeubles sur le tard et maintenant retraitée.

Mme Murphy est tout aussi certaine du style architectural: c'est géorgien. Plutôt fédéral, rectifie le courtier.

Un sujet fait toutefois consensus chez ces deux amateurs d'antiquité, c'est la beauté du village, un lieu resté vert comme l'Irlande malgré la banlieusardisation du Grand Montréal. Ce paysage a déjà attiré des réalisateurs à Hudson, y compris dans le manoir de 20 pièces des Murphy.

«Hollywood est venu tourner ici! Bette Midler est venue jouer ici (pour Isn't She Great). Hein, Sean?» Son fils acquiesce. On dirait un Irlandais avec son air rouquin et sa veste.

Des scènes d'un téléfilm sur Mackenzie King y ont aussi été tournées. «C'était la maison de Churchill dans le film», précise Sean Murphy.

Sean Murphy, 43 ans, est le fils de Pierrette et, accessoirement, l'agent d'immeuble mandaté pour vendre la propriété de ses parents.

Résidence familialedes Pyke

Pierrette Murphy n'a pas seulement retrouvé des plans détaillés sous une couche de poussière au grenier. Elle a aussi trouvé de vieux relevés de compte attestant de la fortune des premiers propriétaires. «Les Pyke avaient investi dans le Grand Tronc... 100 000 $ au début du siècle dernier, c'était beaucoup d'argent», note M. Murphy.

Le terrain fut donné comme pension militaire à l'un des frères Pyke, raconte-t-il. «L'un d'eux a décidé de construire cette maison pour sa femme. C'était un cadeau pour elle. La construction s'est échelonnée de 1903 à 1910.» Les demeures emblématiques de Charleston et de Savannah avaient charmé l'épouse, d'où le style américain de cette habitation.

Pyke Steel fabriquait des poutres d'acier. On en retrouverait donc dans la charpente d'après M. Murphy. C'est une «construction d'une grande qualité», fait-il valoir. Les parquets en érable ne craquent pas sous nos pas. La mouluration est en bois peint et non en plâtre comme les murs, d'après la maîtresse des lieux. Les cloisons intérieures font «deux pouces d'épais» tandis que le revêtement extérieur est en pierre, une pierre rose extraite de l'ancienne carrière locale Quarry Point.

Les murs de pierre et la brise du lac des Deux-Montagnes à quelques arpents de là, les cèdres derrière la maison et le feuillage des arbres étirant leurs branches près de la piscine, tout cela abaisse de quelques degrés la chaleur ressentie dans l'ancienne résidence d'été des Pyke.

De l'Angleterre au Canada

Au bord de la mer d'Irlande vivait le grand-père de Sean Murphy. Ses compétences dans l'industrie navale valaient de l'or durant la Seconde Guerre mondiale. Aussi, cet Anglais fut-il sollicité pour participer à la construction de bateaux au Nouveau-Brunswick. De retour en Angleterre après la guerre, il cassa tellement les oreilles de ses enfants sur la beauté du Canada que son fils Gerard a décidé d'aller voir si l'herbe y était plus verte.

Gerard Murphy rencontra Pierrette Benoît, une francophone pur jus. Il termina un doctorat en sciences et cinq années d'études de plus pour devenir médecin de famille. Ils ont habité Mont-Royal et Baie-d'Urfé avant de venir s'établir à Hudson. «Il était très apprécié à la clinique près d'ici», confie l'épouse du Dr Murphy. Malheureusement, des ennuis de santé l'empêchent de travailler, c'est pourquoi le couple veut vendre la maison dans laquelle ont grandi Sean et ses trois soeurs, Jennifer, Kathleen et Patricia.

Le fils du Dr Murphy se souvient des partys de Noël de son enfance à courir devant les cinq feux de foyer et des réceptions que sa mère organisait au profit de la communauté équestre de la région. Cela reste parmi les plus beaux souvenirs de Madame sa mère.

«Deux vieilles filles habitaient à côté, tu te souviens, hein, Sean? L'une était fermière, l'autre prenait le thé et jasait d'antiquités l'après-midi... La fermière, un samedi, m'a invitée à venir voir ses animaux... Je suis revenue avec un poney!»

«Finalement, j'ai eu quatre chevaux», se remémore Pierrette, clignant ses yeux bleus, humides tout à coup.

«Un jour, ton père, qui voulait me faire plaisir, est revenu du marché avec deux lapins. Après deux mois, on avait 52 lapins! Tu te souviens, Sean?»

Le fils confirme et ajoute que sa mère ne passait pas inaperçue à l'épicerie avec son canard (vivant) dans le chariot. «Ce n'est pas snob à Hudson», dit-il.

Tous ces animaux domestiques se promenaient librement sur les trois acres de la propriété. Une remise avait été transformée en écurie et s'étendait de la maison jusqu'à côté d'un ruisseau privé. La bâtisse est toujours là. Il y a aussi un potager. Fatiguée de s'échiner, Pierrette l'a rapetissé.

Nous sommes assis dans la drawing room, la salle de retrait de jadis meublée d'antiquités où les hommes venaient fumer le cigare. Le temps est venu pour Sean Murphy de prendre congé pour aller aider son père, qui se repose dans une autre pièce. Sa chambre se trouve au rez-de-chaussée, donc au frais, à côté de la pièce préférée de Pierrette donnant sur une cour intérieure couverte d'un jardin à l'anglaise: le boudoir

En bref

Prix demandé : 2 350 000 $

Année de construction : 1910

Nombre de pièces : 15, dont 6 chambres + 4 salles de bains + 1 salle d'eau

Évaluation municipale : 1 268 000 $ (2010)

Impôt foncier : 9147 $ (2010)

Taxes scolaires : 2799 $ (2009)

Courtier : Sean Murphy, Royal Lepage Groupe Newton, 514-481-0241