Les protecteurs du patrimoine ont en commun une mission: celle de prolonger le passé. Quand ils s'approprient des maisons anciennes, ils les protègent férocement pour en faire profiter d'autres générations. Certains passionnés n'accepteront aucun compromis: les boiseries doivent être d'origine. Les sols, conservés à tout prix. Les poutres, exposées et sans apparat. Des puristes iront jusqu'à rejeter toute modernité et consacreront leur vie à dénicher des objets incontestablement authentiques, même s'ils ne sont pas toujours pratiques.

La maison du couple Nadeau-Proietti est un heureux mélange de patrimoine et de modernisme... pratique. De l'extérieur, la maison Pierre-Beauchamp, telle qu'elle est connue dans les milieux patrimoniaux, est rigoureusement conservée: des pierres grises, un toit incliné percé de lucarnes, des ouvertures d'origine. Bâtie entre 1764 et 1790, elle est classée immeuble de valeur patrimoniale exceptionnelle, selon le grand répertoire du patrimoine bâti de Montréal. Et elle est charmante pour qui apprécie les grandes galeries et le cachet d'une maison ancestrale.

 

À l'intérieur, toutefois, surprise! Ici, la rigueur patrimoniale cède sa place au contemporain: les murs, qui sont en lambris de bois en bas des cimaises, sont en plaques de plâtre au-dessus, à la suite de travaux effectués pour isoler la maison. Les poutres sont cachées par le même matériau. La cuisine a complètement été rénovée. Elle comprend maintenant un comptoir en granit noir moucheté et des armoires en bois sans moulures, couleur beurre. L'escalier qui mène à l'étage et aux chambres est sans contremarche!

Autre surprise: presque toutes les boiseries ont été peintes en blanc. Seuls le sol et les marches ont conservé leur couleur miel. Un atout pour le rez-de-chaussée, où se trouvent les pièces communes (cuisine, salle à manger et salon ainsi qu'une autre chambre et une salle d'eau). Même par ciel tristounet, pas besoin d'allumer les lumières le jour pour voir clair. Les ouvertures des fenêtres, percées dans les murs de 23 pouces (32 avec l'isolant) d'épaisseur, suffisent à éclairer.

Le couple a acquis la maison en 2002. Elle répondait à plusieurs de ses critères. «On voulait une propriété au bord de l'eau, ancestrale si possible, confortable, avec un grand terrain». M. Nadeau, qui a passé une partie de sa jeunesse dans divers pays africains, n'avait pas véritablement de racines au Québec quand sa famille est revenue au pays après avoir travaillé pour l'ACDI. «Ça me manquait, précise l'homme de 37 ans. Cette maison m'a fait renouer avec notre passé.»

Au fil des ans, la propriété a évidemment connu de nombreuses modifications. «Nous-mêmes avons changé bien des choses pour la mettre à notre main», constate Nathalie Proietti. Son mari, Audrey Nadeau, opine. «L'isolant dans les murs, la toiture, le garde-fou de la galerie... Je suis très manuel, c'est mon passe-temps.» Puisque le couple croyait vivre dans la maison encore plusieurs années, il a utilisé des matériaux de qualité lors des rénovations. Par exemple, le garde-fou de la galerie est en bois torréfié et ne craquera pas.

Le terrain fait près de 10 000 pi2. Avec les arbres, la grande haie de cèdres, on se sent à la campagne... dans l'île de Montréal. M. Nadeau confie qu'il apprécie le calme des soirs d'été avec le fleuve à ses pieds. «J'ai amassé quelques pierres pour faire un foyer extérieur. On fait des feux de camp le soir.» Il y a aussi une piscine hors terre entourée d'une terrasse, une remise et un garage détachés sur le terrain. Ces derniers sont recouverts de bardeaux en cèdre «pour mieux s'agencer au style de la maison». En prime, comme la plupart des propriétés construites au XVIIIe siècle, elle est à quelques jets de pierre du fleuve. La vue sur l'eau et sur l'île Sainte-Thérèse (4,8 km sur 1,6 km) est jolie, été comme hiver, assure le couple.

Le couple Nadeau-Proietti vend la maison parce que la famille vient de s'agrandir. Mais ils resteront tout près, et au bord de l'eau, assurément.

 

La maison en bref

> Prix demandé: 449 000$

> Année de construction: entre 1764 et 1790

> Superficie du terrain: 9780 pi2

> Nombre de pièces: 7, dont 3 chambres

> Une salle de bains, une salle d'eau

> Chauffage à l'huile et air soufflé et à l'électricité

> Foyer au bois, de nombreuses boiseries, beaucoup de rangement

> Agent: Hélène Patenaude, La Capitale. 514-644-1844