Laver les murs, les repeindre, et le tour est joué? Détrompez-vous. La fumée de cigarette s'imprègne partout. Les substances chimiques qui se libéreront au fil des mois pourraient même nuire à votre santé.

Manuelle Langlois, sa conjointe et un couple d'amis ont entamé la semaine dernière des travaux dans le duplex qu'ils viennent d'acheter à Verdun. «On "strippe" au complet!», dit-elle.

Le duplex servait de maison de chambres à une clientèle de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas. Les murs et les plafonds étaient jaunis. Impossible d'y entrer sans en ressortir les vêtements imprégnés d'une vilaine odeur de cigarette.

«Au début, on croyait conserver des bouts de murs et certains plafonds, raconte la nouvelle copropriétaire. On a décidé de tout enlever. La plupart des fenêtres seront changées. On aurait pu les faire nettoyer, mais elles sont tellement jaunies, et certaines d'entre elles sont endommagées.»

Sage décision.

Emménager dans le logement d'anciens fumeurs, c'est accepter de vivre avec les odeurs persistantes et les possibles effets nocifs de la fumée de tabac tertiaire. Vider un bâtiment de toute sa finition intérieure est le seul moyen de se débarrasser définitivement des contaminants.

La fumée de tabac tertiaire est celle qui pollue encore l'environnement après le départ des fumeurs. Ses effets sur le confort et la santé des non-fumeurs sont encore peu connus et largement banalisés.

Nettoyer et encapsuler

Si l'odeur de fumée n'est pas très prononcée, on peut nettoyer les murs, appliquer un scellant et repeindre.

«Il faut nettoyer la surface au phosphate trisodique (TSP) et ensuite appliquer un apprêt à base de shellac (gomme-laque), pour bien sceller l'odeur de fumée et les taches. Finalement, on applique le revêtement de finition», explique Geneviève Paiement, directrice du marketing chez le fabricant de peinture Sico.

En encapsulant des polluants dans les murs à l'aide d'un produit qui est à la fois un scellant et un apprêt, on peut arriver à éliminer une bonne partie des odeurs. Dans bien des situations, cela pourrait toutefois s'avérer insuffisant.

«Le problème avec la fumée de tabac, c'est qu'elle passe partout et s'imprègne sur toutes les surfaces. Elle s'infiltre par toutes les fissures et elle peut même contaminer l'isolant derrière le gypse», affirme François Damphousse, porte-parole de l'Association pour les droits des non-fumeurs.

Rideaux, tapis, matelas, coussins: aux déchets! «Dans les rideaux et les armoires de mélamine, l'odeur est tellement imprégnée qu'il n'y a rien à faire», dit l'entrepreneur David Fall, propriétaire de Dacka Construction. Les murs peuvent être lavés et repeints, mais dans le cas des portes, aussi bien s'en procurer des neuves à 50 $ l'unité, suggère-t-il.

Il pourrait aussi s'avérer préférable de remplacer les électroménagers, les luminaires, les thermostats et les plinthes chauffantes, plutôt que de déployer des efforts pour les nettoyer.

Remettre en état l'ancien logement d'un fumeur peut coûter très cher. Cela doit donc se refléter dans le prix de vente. Dans un sondage auprès de courtiers immobiliers ontariens commandité par la société pharmaceutique Pfizer en 2003, le tiers des répondants ont indiqué que la fumée de cigarette réduisait la valeur d'une propriété de 10 à 19 %. Un autre tiers étaient d'avis que la réduction de la valeur était de 20 à 29 %. Plus du quart (27 %) des courtiers ont déclaré que la plupart des acheteurs de maisons ne choisiraient jamais la propriété d'anciens fumeurs.

Libération lente

La libération graduelle des contaminants de la fumée de cigarette imprégnés dans les matériaux et leurs impacts sur la santé sont des phénomènes peu étudiés. On sait cependant que dans un logement qui a été nettoyé, les odeurs persistent. On les perçoit notamment lorsqu'on rentre chez soi après quelques jours d'absence et qu'il n'y a eu aucune circulation d'air.

En 2010, la revue scientifique Tobacco Control a publié une étude de l'Université d'État de San Diego qui révèle que les nouveaux occupants de logements d'anciens fumeurs sont exposés à la fumée de tabac tertiaire. Les chercheurs ont détecté des taux de nicotine plus élevés sur les doigts et des taux de cotinine plus élevés dans l'urine chez les non-fumeurs ayant emménagé chez d'anciens fumeurs plutôt que chez d'autres non-fumeurs.

Les auteurs en concluent que «la fumée de tabac tertiaire s'accumule dans les logements des fumeurs et demeure en place après leur départ, même quand le logement demeure vacant pendant deux mois et qu'il est nettoyé et préparé pour de nouveaux occupants».

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