Un pied-à-terre en ville pour le travail, un point d’ancrage à la campagne pour vivre autrement. MC Gilles partage son temps et de grands pans de sa vie entre le quartier Rosemont et Sainte-Anne-de-la-Pérade, à deux pas du fleuve Saint-Laurent. Entrevue-parcours.

« Si j’en avais la possibilité, je serais toujours à la campagne, lance d’entrée de jeu l’animateur radio et télé. Mais en raison de mon travail, et parce que les médias sont concentrés à Montréal, je passe la semaine en ville et le plus de temps possible en Mauricie. »

Il se dit très attaché à son coin de pays et à sa maison de briques rouges. La vieille dame de la rue Sainte-Anne a atteint, en 2020, l’âge vénérable de 140 ans.

PHOTO OLI CROTEAU, COLLABORATION SPÉCIALE

La maison a été construite en 1880.

« Quand je l’ai acquise, il y a un peu plus de 20 ans, indique-t-il, je peux témoigner qu’elle avait vraiment besoin d’amour. Après toutes ces années, je continue de la restaurer, je veux la remettre comme elle était avant. »

Mais il ne cache pas que c’est un projet de toute une vie qui risque de l’occuper à temps plein, le jour où il sera à la retraite. Il a eu 49 ans le 11 mai.

Les gens pensent que c’est bucolique, posséder une maison plus que centenaire. L’été dernier, j’ai fait remplacer le toit de tôle. On m’a dit : « T’es fou raide ! »

MC Gilles

Pendant trois semaines, il a payé trois employés à temps plein pour plier de la tôle, en plus d’une semaine pour monter les échafaudages.

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Le toit en tôle a été remplacé l’été dernier.

« C’était de l’artisanerie, du découpage, dit-il. On oublie que les anciens faisaient les choses pour toujours. À la fin, ça m’a coûté plus cher que le prix d’achat de la maison ! »

Un riche banquier

La propriété, qu’il a payée « sous les 50 000 piastres », a déjà connu un passé glorieux. C’était avant la crise de 1929, avant la Banque du Canada, à une époque où les banques imprimaient de l’argent.

« Ma maison a déjà été une banque privée et son premier propriétaire s’appelait J. A. Rousseau, député libéral sous Wilfrid Laurier », rappelle le féru d’histoire.

Plus d’un siècle plus tard, on devine bien qu’il ne reste plus rien de cette ancienne banque, si ce n’est quelques billets disposés dans un modeste cadre, à l’entrée de la propriété.

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Dans sa cour, la rivière Sainte-Anne coule de source.

Aujourd’hui, c’est le refuge à la campagne de MC Gilles, avec la rivière Sainte-Anne dans la cour arrière, là où fraye le poulamon. Les plus anciens du village continuent néanmoins de l’appeler « la maison de Ti-Bi Lanouette ».

« C’est drôle, s’amuse le propriétaire des lieux, c’était un ramasseux, tout comme moi ! ».

Un ramasseux qui a récupéré deux bancs d’église et une grande table en bois massif qui occupent une place de choix dans une des nombreuses pièces de la propriété, où les planchers en planches de bois sont d’origine.

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L’église Sainte-Anne a été construite en 1855.

« Ils viennent de l’église Saint-Roch. C’était toute une job à transporter ! », dit-il avec un sourire satisfait.

Au premier étage se trouve également une porte de confessionnal. Au deuxième, un prie-Dieu.

« J’aime les bondieuseries ! », assume-t-il avec une pointe d’humour bien sentie, tout en nous faisant faire le tour du propriétaire.

Il aime aussi ce qui a du vécu. Comme la cuisine chromée des années 1950. Et cette radio à lampe qui appartenait à l’une de ses tantes.

Nous n’avons pas parlé de sa passion pour les vieux disques. « J’en ai déjà eu 40 000, calcule-t-il. Là, j’en ai 10 000. »

Près de la porte d’entrée, une boîte de ces vinyles, dont certains datent d’il y a plus de 40 ans et qui sont encore dans leur emballage d’origine.

Un gars de région

Pas de doute, le « gars de Québec » qui gagne sa vie à Montréal a plusieurs champs d’intérêt. Il s’intéresse au patrimoine, au vieux bâti. Il demeure sensible à la réalité montréalaise. Il a sa vision des choses, de l’urbanité, du développement ordonné.

Aussi porte-t-il un jugement critique à l’égard des spéculateurs qui sont en train de briser la vie de quartier en achetant tout sur leur passage, au détriment des jeunes familles.

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MC Gilles aime ce qui a du vécu, comme la cuisine chromée des années 1950.

Il y a un risque réel que Montréal devienne comme ces villes américaines qui se sont vidées de leur centre-ville en raison du prix élevé des propriétés.

MC Gilles

Cela fait une bonne vingtaine d’années qu’il vit et qu’il dort à Montréal, pour le boulot. On le voit à Infoman avec Jean-René Dufort, on l’entend au 98,5 avec Patrick Lagacé, et depuis peu, ses prestations sont remarquées à Tout le monde en parle avec Guy A. Lepage.

« J’ai été longtemps en appartement dans Hochelaga-Maisonneuve, je me suis senti bien là-bas, dit-il. Ça me rappelait un peu la campagne, avec du monde ordinaire. »

Dans Rosemont, il a acheté un ancien commerce qu’il a transformé en condo, il y a deux ans à peine, dans un marché spéculatif où les prix étaient à leur plus haut en raison de la surenchère.

Il ne s’attarde pas sur cette transaction, aussi referme-t-il la parenthèse aussitôt. Ça s’entend, c’est à Sainte-Anne-de-la-Pérade qu’il est dans son élément. C’est là, à mi-chemin entre Montréal et Québec, qu’il laisse le temps prendre son temps.

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Dès que MC Gilles ne travaille pas, il prend la direction de Sainte-Anne-de-la-Pérade où il profite de son jardin.

« Montréal, pour moi, c’est très travail, dit-il. Dès que j’ai un break, je flye ! Là, les semis sont commencés. Je ne pense qu’à mon jardin, ça occupe mon cerveau ! Quand la Saint-Jean pogne, je passe mes deux mois et demi d’été en Mauricie. J’essaie de tirer la plug ! »

Un étrange apprécié dans son village

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Le village de Sainte-Anne-de-la-Pérade

« Quand je suis arrivé ici, j’étais un étrange, dans les deux sens du terme ! J’ai eu droit aux fameuses questions, du genre : t’es le fils de qui ? T’es né où ? »

Deux décennies plus tard, ses voisins, ceux qui lui font la jasette au coin de la rue, savent d’où il vient. Ils savent surtout où il s’en va, avec sa façon de tisser des liens durables dans sa communauté.

L’étranger est devenu un visage familier. Il aime rallier le monde, son monde, autour de projets collectifs et communautaires. Il est ici question d’occupation du territoire, du retour des jeunes pour redonner aux villages une vitalité perdue, des immigrants à qui il faudra faire de la place pour combler des emplois laissés vacants, avec cette pénurie de main-d’œuvre préoccupante.

Pour cela, il concède qu’il faudra travailler davantage à changer les mentalités. « On voit des gens de la ville arriver dans les régions, avec le télétravail et la pandémie, mais chacun doit faire ses efforts, soumet-il. Les nouveaux arrivants doivent savoir que la vie à la campagne, ce n’est pas comme la vie en ville. »

Il ajoute : « Oui, il se peut que ça sente le purin quand il y a de l’épandage, qu’on va entendre siffler le train à 4 h du matin. On est à la campagne, on est en territoire agricole. Il y a de la mouche ! »

MC Gilles ne se contente pas de parler au monde. Il lui est arrivé, et il lui arrive encore, d’apporter son soutien financier à des œuvres de charité pour aider les moins nantis du village.

Pas étonnant que Dave-Éric Ouellet soit devenu, au fil des années, le citoyen le plus en vue de Sainte-Anne-de-la-Pérade… bien au-delà des petits poissons des chenaux !