Le ski, un accès illimité à la montagne et le confort du foyer au pied des pentes, pour bien des amateurs de sports de glisse, c'est le rêve ultime. À l'heure où les promoteurs immobiliers multiplient les annonces de projets, la question se pose: devenir propriétaire à la montagne, est-ce un investissement ou un luxe?

Miser sur quatre saisons

La clé du succès pour un investissement à la montagne? Une station de ski dynamique et attrayante et une offre de services qui s'étale sur toute l'année. Et pour du «ski in, ski out» aussi plaisant que bon pour le portefeuille, on doit surtout miser sur les revenus de location plutôt que sur une augmentation de la valeur marchande d'une propriété.

On s'établit à la montagne pour différentes raisons et les profils d'acheteurs varient selon les besoins exprimés. «Il y a trois types: le propriétaire occupant qui aime le ski, aime la région et ne pense pas nécessairement à l'investissement. Il y a celui qui achète pour faire de la location à l'année, à la saison ou à court terme. Puis il y a celui qui achète pour de la location à court terme et qui arrête son choix sur une montagne qui possède des attraits quatre saisons», énumère Ghislain Larochelle, formateur en immobilier et fondateur du site Immofacile.ca.

Une montagne en santé

Dans les dernières années, des montagnes ont freiné les investissements ou carrément fermé, alors que d'autres ont investi massivement dans des projets d'envergure.

«Il faut choisir une montagne en santé. Plus la montagne investit dans ses installations et infrastructures, plus les gens voudront y aller, plus la propriété prendra de la valeur. Peu importe la montagne, c'est toujours une question d'offre et de demande, résume M. Larochelle. Tant et aussi longtemps que la montagne reste dynamique et attire des touristes, je ne crois pas que les prix diminueront.»

Les revenus locatifs

Parmi les montagnes qui ont le vent dans les voiles et qui sont en activité 12 mois par année, Tremblant est certainement dans le peloton de tête. Jennifer McKeown est présidente des Immeubles Mont-Tremblant, entreprise qu'elle a fondée en 1996. Elle connaît très bien le secteur. Elle estime qu'il y a encore de très bons coups à faire dans l'immobilier de villégiature, particulièrement avec la formule condo-hôtel (les propriétaires achètent un logement qui est loué à des touristes par une firme de gestion).

«Je trouve que c'est encore un bon temps pour investir. Les revenus de location ont augmenté beaucoup cette année, dans tous les bâtiments du secteur», pense Jennifer McKeown, présidente des Immeubles Mont-Tremblant.

Selon elle, les futurs acheteurs doivent surtout considérer les revenus locatifs potentiels pour évaluer le rendement de leur investissement plutôt que d'espérer voir la valeur de la propriété augmenter. «En 1992, on vendait des unités au Hilton à 189 $ le pied carré. Aujourd'hui, ça se vend jusqu'à 400 $ le pied carré. Même chose au Fairmount. En 1996, les deux chambres à coucher se vendaient 360 000 $, aujourd'hui, ça joue autour de 585 000 $. Pour les gens qui ont acheté au début, la propriété a pris beaucoup de valeur, estime Jennifer McKeown. Mais aujourd'hui, je ne crois pas qu'il y ait une grande marge d'appréciation possible quand, déjà, on achète à 585 000 $. En revanche, en tenant compte des revenus, c'est une façon d'avoir un condo qui se paie par la location.»

De belles ambitions

À l'ombre des grandes stations de ski, plusieurs autres montagnes tentent de tirer leur épingle du jeu. C'est le cas du Valinouët, au Saguenay, qui a tout pour plaire. Catherine Morissette est mairesse de Saint-David-de-Falardeau, municipalité de 2500 habitants située non loin de Saguenay. Les Monts-Valin et le centre de ski Le Valinouët constituent un joyau inestimable pour la région. «C'est une station 100 % naturelle, un créneau qui est peu développé au Québec. Nous avons déjà 585 chalets d'une valeur de 250 000 $ à plus de 1 million. Ce qu'il nous faut maintenant, ce sont des condos "ski in, ski out", avec un taux de location obligatoire», explique Mme Morissette. D'ailleurs, le groupe C Hotels a dévoilé l'an dernier un projet de condotels appelé La Cache des Monts-Valins, mais les détails de ce projet se font toujours attendre.

Principalement fréquentée en hiver, la montagne pourrait plus tard proposer une offre de service estivale pour séduire les investisseurs et les touristes.

«Le Valinouët a fait un plan de développement intéressant et la municipalité les accompagne par l'entremise de la société Développement Falardeau», indique Catherine Morissette, mairesse de Saint-David-de-Falardeau.

«Nous avons des pistes de fatbike et de vélo de montagne, des activités de pêche à proximité, nous avons aussi le spa scandinave Éternel, les yourtes, énumère Mme Morissette. Nous avons tout ce qu'il faut pour attirer une clientèle sur toute l'année.»

Le facteur météo

Bien entendu, le fait que certaines montagnes se préparent à accueillir plusieurs nouveaux copropriétaires, comme ce sera le cas au Valinouët, peut faire varier la valeur marchande des propriétés déjà construites. Une augmentation de l'offre peut certainement changer la dynamique du marché et avoir un impact à plus ou moins long terme sur les prix.

Finalement, comme il s'agit essentiellement de lieux où l'on pratique des activités extérieures, la météo peut aussi avoir une incidence sur les prix. Cela pourrait s'avérer d'autant plus pour les stations dont l'offre se limite aux sports d'hiver. Après une mauvaise saison de ski, les mises en vente pourraient augmenter alors que l'intérêt pour acheter est plus faible. Inversement, après une excellente saison sur les pistes, le nombre de propriétaires désirant tourner le dos à la montagne risque d'être moins grand, alors que plusieurs souhaiteront enfin concrétiser leur rêve de posséder une propriété au pied de la montagne.

Photo Bernard Brault, Archives La Presse

Les chalets ont la cote à Bromont.

La montagne en chiffres

Avec ou sans montagne? Une récente étude réalisée par la firme JLR indique que pour des propriétés similaires, le prix de vente médian de celles situées dans une ville avec une station de ski est de 10 % supérieur à celui des villes adjacentes.

Il n'y a pas eu d'analyse quant aux propriétés au pied des pentes, mais de façon générale, la présence d'un centre de ski dans une ville fait augmenter la valeur d'une propriété. «Il y a une partie de cette prime de 10 % qui provient du fait que le centre de ski amène une certaine envergure à la ville, explique Joanie Fontaine, économiste à la firme JLR. Ça peut aussi s'expliquer par le fait que des propriétés plus luxueuses ont été construites dans ces villes : avec un attrait comme celui de la montagne, on peut avoir tendance à construire des propriétés plus coûteuses.»

Cette prime n'a cependant pas beaucoup varié dans le temps, comme le précise Mme Fontaine: «De 2005 à 2017, elle est restée similaire. Une maison près d'un centre de ski ne semble donc pas avoir pris plus de valeur qu'une autre propriété.» À la lumière de ces chiffres, acheter une résidence près des pistes n'aura donc pas été un meilleur investissement que d'acheter dans une ville adjacente sans station de ski, même si la valeur est supérieure.

PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, archives LA PRESSE

De façon générale, la présence d'un centre de ski dans une ville fait augmenter la valeur d'une propriété.

Des projets qui retiennent l'attention

Avant d'investir son argent dans un projet «ski in, ski out», l'acheteur doit se documenter. Évaluer le potentiel locatif de la propriété, l'avenir du centre de ski, les activités de villégiature en périphérie et le calendrier touristique. Voici cinq projets résidentiels dans des secteurs actifs à longueur d'année.

Mont-Orignal (Beauce)

Près du lac Etchemin, des promoteurs privés, dont Construction Claude Gagné & Fred, s'apprêtent à investir 6 millions de dollars au pied des pentes du mont Orignal. Marc Lacroix, directeur général de la coopérative du Mont-Orignal, est très enthousiaste face à ce projet qui comprendra de 27 à 33 chalets individuels: «On ajoute de 5000 à 7000 jours/ski de plus. On se prépare à l'arrivée de ces chalets et on aménage la montagne en conséquence. Ça passe par une piste additionnelle, deux sous-bois de plus et l'élargissement de deux pistes.»

La plaisance sur le lac Etchemin, les glissades d'eau Éco-Parc des Etchemins et la pêche figurent déjà sur la liste des activités estivales. «Nous avons également des projets de développement pour l'été : vélo de montagne, sentiers pédestres, accès à la rivière, poursuit M. Lacroix. On vise un aménagement qui permet une utilisation des espaces à l'année.»

Les premiers chalets devraient être prêts pour la saison 2018-2019.

Photo fournie par la Coopérative du Mont Orignal

Le projet immobilier de Mont Orignal

Mont Sauvage (Laurentides)

Le projet Via Sauvagia, situé à la fois à Sainte-Adèle et à Val-Morin, comprend des maisons unifamiliales, des maisons de ville et des condos au design contemporain. «Géographiquement, la montagne est divisée en deux. Du côté sud, nous sommes à Sainte-Adèle, et du côté nord, nous sommes à Val-Morin. Au sud, c'est un projet de maisons contemporaines unifamiliales. Au nord, c'est un projet de plus haute densité, avec maisons de ville et condominiums», précise Claude Trudeau, directeur des ventes pour le projet Via Sauvagia.

Fait intéressant, les propriétaires du domaine Via Sauvagia sont également copropriétaires de la station de ski Mont Sauvage, une station de huit pistes qui a rouvert ses portes en 2014. Dans un rayon de 15 minutes en voiture, on compte également la station de ski Chanteclerc, de même que les Sommets Olympia, Gabriel, Saint-Sauveur, Morin-Heights et Mont Habitant. Ce bouillant secteur des Laurentides accueille les touristes sur quatre saisons.

Photo fournie par Via Sauvagia

Le projet Via Sauvagia, à Mont-Sauvage

Tremblant (Laurentides)

La dernière phase du projet Havre des Légendes vient tout juste d'être complètement vendue. Considéré comme le plus prestigieux projet «ski in, ski out» de la montagne, il proposait 16 logements à des prix variant de 1,9 à 2,1 millions. Le même promoteur a acheté un terrain au Versant Soleil, du côté du casino. «Nous allons lancer le projet Éclipse. Nous avons du terrain pour bâtir jusqu'à 130 unités en "ski in, ski out"», explique André Parisien, courtier chez Engel & Völkers. Il s'agira de maisons de ville de quatre chambres offertes à 1 345 000 $.

Selon le courtier, il y a encore de très bonnes affaires à Tremblant, pourvu que l'on achète le bon produit. «Je travaille ici depuis 1999, c'est la première fois que je vois ça dans ma carrière de courtier: je manque de stock de condos à la montagne. Sur le terrain même, en janvier 2018, il ne nous restait que 64 unités à vendre. C'est pour ça que l'on développe encore de nouveaux projets», avance M. Parisien.

Au calendrier, en plus du ski et du golf s'ajoutent des activités comme le Triathlon Ironman, le Festi Jazz Mont Tremblant, le Festival international de blues de Tremblant, etc. «Avant, les gens achetaient pour investir, note M. Parisien. Aujourd'hui, je vends pour le mode de vie. Les gens habitent Tremblant et achètent pour utiliser leur propriété, pas seulement pour la louer.»

Photo fournie par Engel & Völkers

Le projet Éclipse à Tremblant

Mont Saint-Anne (Québec)

Ce projet de condos-hôtel dans le complexe du Château Mont-Saint-Anne en est à sa dernière phase d'investissement, totalisant 40 millions de dollars. Datant de 1980, les studios et condos ont été complètement reconstruits dans le cadre du projet Espace Nordik. Il s'agit d'appartements condo-hôtel meublées et tout équipées, vendues à partir de 165 000 $. «Étant à l'intérieur d'un hôtel, on bénéficie d'un taux d'occupation supérieur à ce qui se retrouve autour sans services hôteliers, toute la location est gérée par l'hôtel et le partage de revenus est fait de manière très équitable. Mais ce mode de vie ne convient pas à tout le monde», prévient Maurice Ricard, représentant pour Espace Nordik et courtier immobilier chez RE/MAX Fortin Delage. Il faut mettre une limite géographique à ce que l'on considère comme au pied des pentes. «Ce qui est profitable, c'est la notion de "ski in, ski out", qui signifie que l'on ne prend ni sa voiture ni une navette. La télécabine est tout juste à côté. Il faut admettre que le marché est très au ralenti pour des copropriétés qui nécessitent un transport pour se rendre aux pistes», prévient M. Ricard.

Photo fournie par Re/Max Fortin Delage

Le projet Nordik à Mont-Saint-Annex

Bromont, Montagne d'expériences (Cantons-de-l'Est)

Parc aquatique, vélo de montagne, golf, ski, ski de fond, sentiers pédestres, Bromont, Montagne d'expériences a bien compris l'importance d'offrir des activités toute l'année pour attirer investisseurs et touristes. Tout récemment, un nouveau projet a été lancé: Côte Est, qui sera formé d'une centaine d'habitations à haute efficacité énergétique. Les condos et maisons unifamiliales «ski in, ski out» profiteront d'une vue panoramique sur les Cantons-de-l'Est.

La particularité de ce complexe immobilier est l'importance que l'on accorde à la préservation des arbres pour garder bien en vie ce sentiment de vivre dans la forêt. En ce sens, Côte Est est ceinturé d'une zone de conservation qui vise à préserver la biodiversité de la faune et de la flore. «Une évaluation environnementale des caractéristiques naturelles ainsi que des recommandations d'aménagement ont été émises pour chacun des terrains. Bromont immobilier a prévu un plan d'aménagement paysager avec des plantes indigènes pour le projet Côte Est requérant peu d'arrosage, par souci pour l'environnement», peut-on lire sur le site web de Bromont Immobilier.

Cinq questions à se poser pour guider sa recherche

1) Quelle est la capacité d'emprunt pour une résidence de villégiature?

2) Recherche-t-on un condo, un condo-hôtel, une maison de ville, une maison unifamiliale, avec ou sans formule clés en main?

3) Quel type d'utilisation est envisagé: tous les week-ends, quelques fois dans la saison, toute l'année?

4) Est-ce que l'on accepte de prendre sa voiture ou une navette pour se rendre à la montagne?

5) Quel environnement convient à son mode de vie: grand terrain, intimité, proximité des commodités, divertissement, restaurants, spa scandinave?

Photo fournie par Bromont Immobilier

Le projet Côte Est, à Bromont