Au lieu de payer un logement pour les études postsecondaires des enfants, des parents choisissent d'acheter un condo à leur progéniture qui étudie à l'extérieur de leur ville ou de leur pays de résidence. Est-ce un bon investissement?

Acheter, étudier et revendre

Acheter un condo plutôt que de payer un loyer pour loger son enfant aux études, l'idée peut sembler séduisante. Or, s'il faut le revendre rapidement ensuite, le rendement risque fort d'être assez limité... Tour d'horizon.

Le phénomène n'est pas nouveau, mais depuis cinq ans, de plus en plus de parents veulent acheter un condo à leur enfant étudiant, constate Nathalie Clément, courtière immobilière chez Via Capitale. 

«Les baby-boomers ont vieilli et ils ont accès à plus de capital que les générations précédentes, explique-t-elle. Et leurs valeurs sont également différentes. Traditionnellement, les parents laissaient un héritage et leurs enfants en faisaient ce qu'ils voulaient. Mais aujourd'hui, les parents soutiennent beaucoup plus leurs enfants financièrement de leur vivant.» 

Lui aussi convaincu de la popularité croissante de ce type de démarches immobilières, Georges Bardagi, de Re/Max, croit que la durée des études influence la décision des parents.

«On voit de plus en plus d'étudiants cumuler les bacs ou poursuivre au deuxième cycle. Donc, au lieu de rester à l'université trois ans, ils y sont parfois cinq ans ou davantage. Ça vaut encore plus la peine d'acheter un condo quand son enfant y reste sur une longue période.»

Il note également que ces parents acheteurs vivent souvent à l'étranger. «Plusieurs d'entre eux viennent d'Asie et du Moyen-Orient. Je vois beaucoup de Chinois acheter au centre-ville. Et il faut dire que c'est particulièrement avantageux pour les Européens et les Américains d'acheter ici, grâce au taux de change.» 

Les Canadiens qui habitent loin des pôles universitaires ont eux aussi ce réflexe. «J'ai plusieurs clients du Saguenay, de la Gaspésie et de l'Ouest canadien qui achètent pendant les études de leurs enfants», dit Mme Clément. 

«On voit aussi des Abitibiens qui travaillent dans les mines, qui font un bon salaire et qui veulent investir en achetant un condo ou un immeuble à revenus, dont la gestion sera confiée à leur enfant», révèle M. Bardagi. Il ajoute que l'aventure immobilière devient encore plus intéressante lorsque les parents ont plus d'un enfant. «Si on a deux chambres, un premier enfant peut habiter le condo avec un coloc, et lorsque son frère ou sa soeur arrive, il ou elle peut prendre la deuxième chambre.»

Une affaire de proximité

L'université est souvent l'épicentre de la recherche de propriétés. «Plus on s'éloigne de l'école, moins il y a d'achats, indique M. Bardagi. À Montréal, il y a plusieurs transactions du genre dans Côte-des-Neiges, près de l'Université de Montréal, dans le ghetto McGill ou dans Ville-Marie, près de l'UQAM.»

Nathalie Clément croit pour sa part que l'emplacement de l'université ne fait pas foi de tout. «Les enfants vont acheter dans un quartier qu'ils aiment, point final. Montréal, c'est petit, alors rien n'est jamais très loin. Et si, par exemple, on cherche près de l'Université McGill, dans des secteurs comme le Golden Square Mile, Ville-Marie ou Westmount, il faut avoir un budget beaucoup plus élevé.» 

Or, peu importe le quartier, la question qui compte reste la même: est-ce rentable d'être propriétaire d'un condo pendant quelques années seulement? 

Georges Bardagi croit que oui. «Depuis 20 ans à Montréal, le marché immobilier n'a jamais reculé, même pas de 1 %. L'immobilier est un investissement stable. Ce n'est pas difficile de revendre, mais c'est parfois ardu de revendre avec un profit intéressant. Surtout quand il y a eu un surplus de construction de condos.»

La courtière de Via Capitale rappelle pour sa part que tout est une question de timing. «Au cours des trois dernières années, à Montréal, on n'a pas vu beaucoup de plus-value. Mais ça reprend depuis l'an dernier. Si quelqu'un a revendu le printemps dernier, après trois ans, il n'a probablement pas fait de profit. Mais 18 mois plus tard, ce serait sûrement différent.» 

Ce constat l'amène à préciser que quelques années peuvent faire toute la différence en immobilier.

«Si vous achetez un condo en espérant faire de l'argent dans trois ans, sans effectuer beaucoup de rénovations, ne l'achetez pas.»

«Mais à moyen terme, il y a toujours de l'argent à faire en immobilier», conclut Mme Clément.

Même sans profit de revente faramineux, l'idée d'acheter un condo pour son enfant demeure potentiellement bonne, croit M. Bardagi. «Si le condo n'a pas pris de valeur, le parent acheteur aura quand même remboursé une partie du capital. Et au lieu de payer des centaines de dollars par mois pour une location, il aura investi.»

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Investissement parental

Acheter un condo à son enfant n'est pas un simple cadeau, mais une forme d'investissement, un héritage hâtif ou un moyen de créer du capital à sa descendance.

Investir en double

Quand son fils est parti étudier à l'UQAM en 2014, le Gatinois Harris Caron a été découragé par le prix des loyers. «Après plusieurs recherches en ligne et trois fins de semaine à Montréal pour faire des recherches, nous n'avons rien trouvé sous les 800 $ par mois pour un 4 et demie. Et c'était plutôt miteux... Ça commençait à être potable vers 1100 $.»

Ayant toujours voulu investir en immobilier, il a saisi l'occasion de faire ses débuts. «Notre hypothèque est de 1300 $ par mois et le condo est pratiquement neuf.» 

Il a payé 300 000 $ pour une propriété moderne sur deux étages, avec deux chambres, deux balcons et deux salles de bains. «C'est immensément plus confortable que tout ce que nous aurions pu trouver en location à prix raisonnable. Heureusement, nos frais de condo sont minimes.» 

L'investissement était d'autant plus rentable que M. Caron a utilisé ses placements au Régime enregistré d'épargne-études (REEE) pour payer les mensualités. «L'argent placé nous revient donc indirectement puisqu'il sert à payer une hypothèque qui devient l'un de nos actifs.» 

Héritage

Il y a quelques années, Pierre Band et sa femme Michelle ont eu l'idée d'acheter un condo à leur fille et leur garçon, qui ont une seule année de différence. «Ce sont deux enfants très proches qui s'aiment beaucoup et on a imaginé qu'ils pourraient vivre ensemble un certain temps, pendant leurs études, dit M. Band. Et comme le condo que nous avons trouvé est bien situé, on se disait qu'on pourrait louer ou vendre lorsqu'ils le quitteraient.» 

En acceptant la proposition de leurs parents, les deux enfants ont également bénéficié d'une forme d'héritage en avance. «On voulait d'abord faciliter leur transition entre la vie chez leurs parents et leur indépendance, mais c'est également un héritage que nous voulions leur laisser. Et c'était très important pour nous de les soutenir dans l'accès à la propriété.» 

Chaque enfant a payé 25 000 $ de mise de fonds et les parents se chargent de 80 % de l'hypothèque. 

Deux villes, trois gars

En 2012, Benoit Bergeron, d'Amos, a acheté deux condos: un à Québec pour son plus vieux et un à Gatineau pour ses jumeaux, qui étudiaient à Ottawa. 

Après avoir accompagné son aîné dans plus d'un déménagement, le père a eu envie de se simplifier la vie. «À chaque déménagement, on devait se rendre à Québec pour l'aider et racheter des meubles, de plus ou moins bonne qualité, parce que les besoins changent d'un loyer à l'autre, dit-il. Avec les condos, on a acheté des bons meubles qui vont durer. Et c'est un stress de moins.» 

Une paix d'esprit qui n'est pas nécessairement synonyme de profits. «C'est intéressant d'investir dans l'immobilier au lieu de payer un loyer, mais je ne sais pas si je vais faire des sous en revendant. À Québec, le marché est très difficile présentement. Et à Gatineau, il se construit des condos à la pochetée, alors la revente est longue et complexe.» 

Prévoyant être propriétaire pendant de quatre à six ans, il était conscient que les condos ne prendraient jamais autant de valeur qu'en 10 ou 20 ans. «Je ne fais pas ça par appât du gain, mais par tranquillité d'esprit et pour que mes enfants soient en sécurité.» 

Papa poule

Quand sa fille a quitté La Baie pour étudier à l'Université Laval en 2006, Michel Charest a vite considéré l'achat d'un condo. «C'était une petite fille de 18 ans qui arrivait à Québec et je ne voulais pas qu'elle aille dans une place pas sécuritaire, explique-t-il. C'est mon coeur de père qui parlait.» 

Il planifiait en outre prendre possession du condo quelques années plus tard, une fois à la retraite, afin d'être plus proche de ses enfants établis à Montréal et à Québec. «J'ai trouvé un beau condo neuf de 1600 pi2, avec deux stationnements intérieurs, pour 225 000 $. C'était avant l'explosion des prix qui a débuté en 2007 à Québec.» 

Il n'avait pourtant aucune préoccupation financière. «Je n'ai jamais pensé à la difficulté de vendre ou au risque de perdre de l'argent. Mon seul objectif était de loger ma fille et d'avoir un endroit potentiel pour ma retraite. Finalement, on a vendu en 2013 pour 365 000 $.» 

L'expérience a été si positive qu'il regrette de ne pas avoir fait de même avec ses fils plus vieux. «Mes deux garçons voulaient aller en appartements et ils vivaient avec leur blonde. Mais si c'était à refaire, j'aurais acheté plus tôt.»

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE