Les chiffres sont clairs : les maisons restent moins longtemps sur le marché dans le Grand Montréal. Ce dégel printanier dans le marché de la revente est-il un mouvement temporaire ou une tendance de fond qui est là pour durer ? État des lieux.

Le retour des vendeurs

Pour la première fois en six ans, le marché immobilier semble vouloir tourner à l'avantage des vendeurs, observe Paul Cardinal, économiste à la Fédération des chambres immobilières du Québec.

« C'est perceptible dans plusieurs secteurs de la grande région de Montréal, résume le directeur, analyse du marché, en entrevue à La Presse. Ça vise essentiellement la maison unifamiliale. Ce n'est pas le cas pour la copropriété. »

Plusieurs facteurs contribuent à ce renversement de situation, selon l'analyste. Mais le plus important, c'est le baromètre permettant de mesurer le nombre de propriétés à vendre sur le marché.

« Dans la région de Montréal, révèle-t-il, le nombre de maisons inscrites [sur le site Centris] a baissé de 10 % en 2016, tandis que pour l'ensemble de la province, la diminution a été de 5 %. »

« On n'avait pas vu cela depuis 2010, une baisse des inscriptions. Ça change la donne. »

Autre élément indicateur d'un vent de reprise : le nombre de transactions complétées avec succès a augmenté de 5 % l'an dernier.

Des points chauds



Il va sans dire que le retour à un marché de vendeurs ne s'étend pas à l'ensemble du Québec, convient l'économiste. Il a toutefois identifié plusieurs « points chauds » dans des secteurs où l'activité est soutenue depuis au moins une année.

Par exemple, des villes de l'Ouest-de-l'Île (Dorval, Pointe-Claire, Kirkland, Beaconsfield, Dollard-des-Ormeaux) sont très recherchées.

Idem pour le sud-ouest de Montréal - un marché de condos -, de même que L'Île-des-Soeurs, le quartier Villeray, Outremont, Côte-des-Neiges, Notre-Dame-de-Grâce, Mont-Royal et Westmount.

Sur la Rive-Sud, ça se passe à Saint-Lambert et dans certaines municipalités situées à proximité de Saint-Hyacinthe. Sur la Rive-Nord et à Laval, on parle plutôt d'un marché « équilibré ».

Chose certaine, Paul Cardinal considère qu'un « nombre important de conditions sont réunies », à l'heure actuelle, contribuant à redynamiser un marché qui tourne au ralenti depuis plusieurs années. « Ça va bien dans l'emploi, dit-il. Le crédit hypothécaire est solide et, comme on sait, le solde migratoire est passablement élevé, ce qui laisse présager que la demande va se maintenir, sinon augmenter, pour de nouvelles propriétés. »

Montréal et les régions



L'économiste s'avance à prédire qu'au rythme où vont les choses, la région de Montréal, où les immigrants s'installent généralement dès leur arrivée au Québec, continuera sur sa lancée, « en 2017 et possiblement en 2018 ».

« Le solde migratoire positif et la création d'emplois vont accentuer cette tendance positive », prévoit-il.

Ailleurs en province, la réalité du marché est toutefois moins spectaculaire, bien que certaines régions fassent relativement bien. Dans Lanaudière, par exemple, on observe une hausse marquée des transactions, et du prix de vente.

« C'est évident que les ventes de maisons sont parfois plus lentes dans des régions-ressources qui tournent au ralenti, soumet-il. C'est aussi le propre des économies moins diversifiées. »

Fait à souligner, seule la région métropolitaine de Québec, qui connaît pourtant une forte activité économique, a connu en 2016 une augmentation du nombre d'inscriptions (+ 6 %) des propriétés à vendre sur son territoire.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

En 2016, 78 195 ventes ont été réalisées dans le secteur résidentiel au Québec.

Acheter dans la bonne ville, et au bon prix

Dorval ou Westmount ? Pont-Rouge ou Thetford Mines ? Saint-Amable ou Trois-Rivières ? Chaque maison a un prix ; chaque ville a ses avantages. Des villes se sont démarquées, en 2016, en affichant une vigueur jamais vue auparavant. Voici quelques-unes des villes qui sont sorties du lot dans le marché de la revente de propriétés.

Pont-Rouge, la plus active

C'est à Pont-Rouge, à une vingtaine de minutes de Québec, que la croissance des ventes de propriétés a été la plus forte, avec une augmentation de 48 % du nombre de transactions immobilières. « Cette ville est faite sur mesure pour les jeunes familles, note Sandra Gagnon, courtière immobilière chez Remax, qui habite là-bas. Nous avons ici des services de qualité et de très bonnes écoles. Je dis à mes clients qu'ils vont en avoir beaucoup plus pour leur argent en achetant à Pont-Rouge. On va trouver une belle maison pour 250 000 $, tandis qu'à Québec, pour le même prix, il faudra se contenter d'un jumelé à rénover. »

Thetford Mines, la moins chère

Vous avez un budget de 100 000 $ ? C'est à Thetford Mines qu'il faut magasiner votre prochaine maison. C'est bien peu cher payé pour une « maison en excellente condition », convient Audrey Sévigny, qui vend des maisons avec son collègue Alexandre Labbé, chez Remax, dans le secteur. « Les prix n'ont pas cessé de diminuer depuis environ quatre ans. La baisse a varié de 5 à 20 %. » Audrey Sévigny tient à préciser qu'elle se plaît dans cette région. « On a une belle qualité de vie, ici ! », s'exclame-t-elle. « On est à une heure et demie des grands centres, Montréal et Sherbrooke, ajoute-t-elle. On a tout ce qu'il faut. »

Dorval, la plus «rapide»

Les acheteurs « se bousculent presque » pour faire des offres d'achat à Dorval, s'étonne le courtier David Farha, chez Royal LePage, qui compte 30 ans d'expérience. « Ça nous arrive de plus en plus de voir cinq ou six offres en même temps sur une même maison », dit-il. Dorval est la ville où les délais de vente sont les plus courts. Il suffit en moyenne de 73 jours pour trouver un acheteur. Pincourt affiche la même moyenne, suivi de Kirkland (74 jours) et Saint-Amable (76 jours). Qu'est-ce qui attire les acheteurs à Dorval ? « Les taxes sont basses pour la qualité des services, dit le courtier. Mais c'est la partie sud qui attire le plus, parce qu'on y entend moins le bruit des avions. »

Sainte-Agathe-des-Monts, la plus «lente»

Vingt-quatre mois, c'est le délai moyen requis pour vendre une propriété à Sainte-Agathe-des-Monts. Mais il ne faut pas voir cela comme une réelle catastrophe pour les vendeurs, observe Lucyne Farand, courtière immobilière chez Sutton. « Ce n'est rien de nouveau. Nous sommes dans un marché un peu plus lent, concède-t-elle, parce que les acheteurs sont souvent à la recherche d'une résidence secondaire qu'ils comptent habiter en vue de la retraite ou pour changer de mode de vie. On note [néanmoins] des améliorations subtiles dans les prix demandés et obtenus, et dans les délais de vente, qui sont moins longs. » Ces délais de vente, à 24 mois, ont d'ailleurs reculé de quatre mois entre 2015 et 2016.

Une vente en 24 heures !

La pancarte « À vendre » a été plantée un samedi en début d'après-midi ; le lendemain, un acheteur s'est pointé et a fait une offre d'achat ; le surlendemain, l'offre était acceptée !

« Ça s'est fait vite ! », raconte Stéphane Mongeau, encore surpris que son cottage « clés en main » du Carré du Boisé, à Saint-Liboire, près de Saint-Hyacinthe, se soit envolé aussi rapidement.

Encore plus surprenant : dans les jours suivant l'inscription de la maison sur Centris, le site internet des courtiers immobiliers, d'autres acheteurs potentiels se sont manifestés.

Dans sa rue, un de ses voisins vient de lui annoncer qu'il songe à son tour à mettre une pancarte « À vendre » devant sa maison pour profiter de cet engouement.

Un marché vigoureux



Son cas n'est pas unique, relève Julie Fontaine, courtière immobilière chez Via Capitale.

« Les délais de vente sont de plus en plus courts dans la région de Beloeil, Sainte-Julie et Saint-Hyacinthe, note-t-elle. Une maison inscrite au bon prix se vend en l'espace d'un mois, et même en quelques semaines, parfois. »

La vigueur du marché, dans ces villes de la Montérégie, tourne à l'avantage des vendeurs, qui sont désormais en meilleure position pour négocier.

« On assiste à un nouveau phénomène. Il y a de plus en plus d'offres multiples pour une seule maison. C'est sans contredit un revirement de situation. »

« Mais ça ne signifie pas que toutes les maisons se vendent rapidement, relativise-t-elle. Les acheteurs demeurent pointilleux quand vient le moment de faire une offre et ils s'attendent à ce que le prix de la propriété convoitée soit réaliste. »

Une évaluation sur mesure



Stéphane Mongeau a lui-même payé 500 $ pour déterminer le prix de son cottage de cinq chambres. « J'ai eu recours à un évaluateur agréé pour avoir une idée précise de la valeur marchande de ma maison, dit-il. J'estime que ce sont des dollars bien investis. »

Le gestionnaire est convaincu qu'une maison « mal listée » reste « beaucoup plus longtemps » sur le marché avant de trouver preneur.