Pièces thématiques, glissade du rez-de-chaussée au sous-sol, décoration inattendue: les exemples ne manquent pas pour illustrer les excentricités avec lesquelles composent les courtiers immobiliers quand vient le temps de vendre une maison répondant aux goûts... «particuliers» des propriétaires.

Divertissant pour l'oeil, mais...

Résultats de l'audace d'un architecte, du brin de folie d'un designer ou du besoin d'expression d'un artiste, les éléments uniques de certaines propriétés marquent les courtiers à jamais. Trois spécialistes de l'immobilier racontent certains de leurs souvenirs les plus surprenants.

L'an dernier, Jospeh Montanaro a vendu une maison où toutes les pièces respectaient une thématique déco: salle à manger d'inspiration japonaise, salon marocain, boudoir rétro digne des années 70 et chambre à coucher peinte en noir, du plancher au plafond, murs compris! «Elle était grande, avec une magnifique vue et plusieurs atouts, mais les acheteurs n'arrivaient pas à voir son potentiel, en raison de la très grande personnalisation des différentes pièces», évoque le courtier chez Sotheby's.

Un effet extraordinaire, mais déstabilisant, voilà comment Évelyne Labrosse décrit une propriété du Plateau Mont-Royal bâtie sur quatre étages, avec un puits de lumière d'environ 100 pi2 au centre. «Dans la cuisine, on retrouve trois murs de verre et des passerelles pour aller de chaque côté, se souvient la courtière de Via Capitale. C'est une architecture assez particulière!»

La maison de la famille Miron est remplie de caractéristiques hors de l'ordinaire. À commencer par le bar Kon-Tiki au sous-sol et par la mosaïque murale signée Alfred Pellan, qui vaut des centaines de milliers de dollars.

«Personne ne va payer l'oeuvre pour acheter la maison. Par le passé, la vente a été rapide à trois reprises, quand les acheteurs fixaient un prix juste, sans inclure le bar et la mosaïque dans leur estimation», affirme Christine Gauthier, de RE/MAX.

Une maison dont le plafond a été peint à la main par un artisan européen, ça vous dit? M. Montanaro a dû travailler fort pour vendre une maison qui bénéficiait de cet «atout». «Cette oeuvre très chargée a coûté une fortune au vendeur, qui en était très fier, dit-il. Sa valeur se reflétait dans le prix, mais la majorité des acheteurs voulaient repeinturer le plafond en blanc... Finalement, on a trouvé le bon candidat qui est tombé en amour avec la maison à cause de la peinture.»

Certaines maisons restent figées dans le temps, comme cette propriété d'Ahuntsic-Cartierville construite à la fin des années 50 et qui n'a jamais été rénovée. «C'est l'fun pour une visite, car c'est comme un retour dans le passé, souligne Christine Gauthier. Mais peu d'acheteurs veulent vivre dans ce décor aujourd'hui. Ils veulent tous la rénover.»

Quand Joseph Montanaro a pris en charge la vente de la résidence de Céline Dion et de feu René Angélil à Laval, il a immédiatement fait retirer un élément: la piste de go-kart devant la maison! «Il fallait enlever ça pour réussir la vente, dit-il. C'était trop personnalisé.» 

Pour le meilleur... et pour le pire

L'originalité et le caractère extraordinaire de certaines propriétés transforment le travail des courtiers immobiliers, et pas toujours pour le mieux!

Évelyne Labrosse, de Via Capitale, observe un buzz autour des maisons dites «signatures».

«On retrouve une clientèle bien nantie qui recherche exclusivement ce genre de produit. C'est presque devenu une forme d'expression, comme le style vestimentaire ou la voiture qu'on conduit.»

Photo David Boily, La Presse

Maison sur le bord de la Rivière des Prairies à Ahuntsic. La piscine intérieure est dotée d'une murale en céramique d'Alfred Pellan.

Lors de la revente, les courtiers peuvent alors mettre l'accent sur plusieurs caractéristiques accrocheuses du design, contrairement aux maisons qui ont manqué d'amour et d'entretien. «On a parfois la chance de charmer d'un seul coup d'oeil des acheteurs potentiels, qui achètent beaucoup sous le coup de l'émotion.»

Par contre, ces maisons faites sur mesure ne sont pas nécessairement adaptées aux besoins du marché. «Cela peut avoir une incidence directe sur la valeur de la propriété ou le délai de vente qui s'allonge», ajoute la courtière. 

Elle cite en exemple un condo luxueux sur deux étages avec une seule chambre à coucher, une maison de plusieurs étages avec un escalier flottant et une rampe épurée qui ne convient pas aux enfants, ainsi qu'une propriété sur trois niveaux avec un étage pour les enfants, un pour les parents avec un accès à la terrasse sur le toit et un pour les pièces communes (cuisine, salon, salle à manger). 

«C'est bien, car chacun bénéficie de son espace. Mais on vient de se couper entièrement de la clientèle typique. Les parents n'aiment pas être séparés par un étage complet de leurs jeunes enfants. Et les gens n'apprécient pas de devoir passer par la chambre à coucher avec les invités pour aller sur la super terrasse.» Une telle maison risque de rester longtemps sur le marché et d'être vendue en dessous de sa valeur marchande. 

Joseph Montanaro croit que plus on personnalise une propriété, plus on limite le nombre d'acheteurs potentiels. «Quand les gens investissent beaucoup d'argent pour rénover à leurs goûts, ils souhaitent récupérer leurs sous à la revente. Mais les futurs acheteurs n'aiment pas généralement ce qu'ils ont fait. L'excentricité complique les choses. Des fois, ce n'est même pas à cause du prix. C'est juste too much

Photo tirée de Centris

De l'extérieur, la maison possède l'architecture typique des années 50 et 60. «On observe de belles lignes épurées et de grandes fenêtres, qui invitent à une belle luminosité.»