Devant la hausse du prix des maisons et la frilosité des banques à leur égard, près du tiers des post-boomers canadiens désespèrent de pouvoir jamais acheter leur habitation. Pourtant, jamais une génération au pays n'a compté autant de propriétaires en ses rangs. Comment? Grâce aux faibles taux d'intérêt et, souvent, avec l'aide de maman et papa.

Selon un sondage Pollara commandé l'hiver dernier par la Banque de Montréal, 29 % des locataires de 18-35 ans au Canada craignent de ne jamais pouvoir s'acheter une maison.

Ce sentiment n'est pas fortuit.

Le prix des maisons a grimpé en flèche depuis cinq ans, beaucoup plus rapidement que les revenus familiaux. Les prêts étudiants, souvent très élevés, sont un autre obstacle à l'accès à la propriété pour les jeunes acheteurs.

«L'endettement des ménages cause du souci depuis 10 ans, particulièrement parmi les jeunes Canadiens qui doivent rembourser des prêts étudiants plus lourds que ceux des générations précédentes», affirme l'association Professionnels hypothécaires du Canada dans une étude publiée en juin dernier.

L'impact de la crise de 2008

Échaudées par la crise du crédit en 2008, les banques ont aussi resserré leurs règles d'acceptation hypothécaire. La belle époque de la fin du millénaire, où il était possible d'acheter sans sortir un dollar de ses poches, est bel et bien révolue.

«Au milieu des années 90, les banques sortaient d'une récession et elles étaient moins exigeantes pour l'acceptation hypothécaire. La mise de fonds pouvait se limiter à 5 % et l'amortissement pouvait s'étendre sur 35 ans. Aujourd'hui, elles demandent plus de garanties», témoigne Karen Kazandjian, courtière immobilière depuis 15 ans dans l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville.

«Ce n'est pas mauvais, croit Yves Doyle, courtier depuis 19 ans dans Rosemont et l'est de Montréal. Quand on pouvait acheter sans aucune mise de fonds, c'était bon à court terme, mais pas à long terme.»

«Aujourd'hui, les acheteurs sont obligés de se faire qualifier à un taux plus élevé si jamais survient une hausse des taux d'intérêt. Les règles ne sont pas aussi définies qu'auparavant. C'est du financement à la tête du client. Les banques se protègent.»

C'est un retour du balancier, indique Paul Cardinal, directeur à l'analyse de marché à la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ). «Si on compare avec la période où les baby-boomers ont acheté leur maison, ce n'est pas nécessairement plus sévère au chapitre des critères d'emprunt. Dans les années 80, il fallait 10 % de mise de fonds. Maintenant, on peut acheter avec 5 % de mise de fonds», rappelle-t-il, en soulignant que les acheteurs actuels ont aussi la chance de bénéficier d'incitatifs fiscaux, comme le RAP, qui permet de retirer une partie de ses REER pour payer l'achat d'une maison.

La mensualité avant tout

Or, malgré toutes ces embûches, les post-boomers achètent leur maison comme ne l'ont jamais fait les générations précédentes. Le taux de propriétaires chez les 18-35 ans a fait un bond de 6 % entre 2001 et 2011, selon Statistique Canada.

Comment expliquer le phénomène?

Une partie de la réponse se trouve dans les très faibles taux d'intérêt.

«Le prix des maisons a augmenté, mais les mensualités sont demeurées les mêmes pour une maison de 300 000 $ que pour une maison de 150 000 $ il y a 20 ans», indique Karen Kazandjian, courtière immobilière. 

Or, les post-boomers se soucient du caractère abordable des mensualités hypothécaires plutôt que du prix d'achat de leur maison, selon le récent sondage Pollara.

Paul Cardinal, de la FCIQ, fait la même analyse. «Au-delà du prix, pour savoir quelle maison ils sont en mesure d'acheter, les ménages basent leur décision sur les mensualités hypothécaires. Toutes les analyses qui comparent simplement le prix des propriétés avec le revenu disponible font croire que le marché est inabordable. Ça occulte le fait que c'est la mensualité qui est la base de la décision du ménage. Avec les taux actuels qui connaissent un creux historique, on peut s'acheter une maison dispendieuse.»

L'aide des parents

Les faibles taux d'intérêt n'expliquent pas tout. L'autre partie de la réponse se situe... dans le compte en banque des parents.

«Les premiers acheteurs sont aujourd'hui plus jeunes, mais ils reçoivent beaucoup d'aide de leur famille. Les baby-boomers croient beaucoup plus en la nécessité de posséder sa maison [que ne le croyaient leurs parents]. Ils voient plus ça comme un investissement. Ils aident donc la génération actuelle», affirme la courtière Karen Kazandjian. 

En moyenne, le tiers des acheteurs d'une première maison (40 % à Montréal) disaient s'attendre à ce que leurs parents ou d'autres membres de leur famille les aident dans leur achat, selon un sondage Pollara de 2014.

Les membres de Professionnels hypothécaires du Canada sont parvenus au même résultat dans leur étude de juin dernier. Ces chiffres sont aussi confirmés dans une enquête Léger menée au Québec en mars 2016 pour l'APCHQ et le Fonds immobilier de solidarité FTQ: dans les cinq dernières années, 19 % des jeunes acheteurs ont bénéficié de l'aide de leur entourage pour la majeure partie de leur mise de fonds.

«Nos enfants ne veulent pas attendre pour avoir ce que tu as. Ils le veulent maintenant, croit le courtier Yves Doyle. Alors, mets un papa retraité d'Hydro-Québec avec une maman enseignante. Ils vont allonger 100 000 $ pour aider leurs enfants. Comme ils disent, ils préfèrent le donner de leur vivant à leurs enfants. Ils n'offriront pas d'argent pour l'achat d'un petit condo de célibataire. Mais quand leurs enfants fondent une famille, ils les aident à acheter la maison nécessaire à leurs petits-enfants.»