Au coeur de Lanaudière se niche un camp accueillant des enfants handicapés et leurs parents, venus s'y ressourcer. Les chalets du lieu, vieillissants, ont été brillamment réaménagés avec peu de moyens, mais une abondance de bonne volonté. Une histoire digne d'un conte de fées.

Il était une fois Louise Guertin, bricoleuse autodidacte, à qui il démangeait de se lancer dans un nouveau projet de rénovation pour occuper ses 10 doigts. Il était une fois Sylvianne Renaud, directrice du Camp Papillon, à qui Louise a fait une offre difficile à refuser.

Cette histoire se déroule dans Lanaudière, à Saint-Alphonse-Rodriguez. Autour du lac Pierre, plus précisément, où s'étendent les 40 acres du Camp Papillon. Ce camp de vacances et site de villégiature qui accueille les enfants handicapés est situé à quelques minutes de marche du chalet que le grand-père de Louise Guertin a bâti de ses mains.

Le temps d'une promenade, il arrivait souvent à Louise de bifurquer par le vaste domaine aux routes de terre sinueuses, flanquées de bâtiments disparates. Des installations fonctionnelles, mais souvent brinquebalantes, il faut l'avouer, rafraîchies au petit bonheur la chance, surtout lors des deux grandes corvées du mois de mai, quand on s'attaque aux réparations prioritaires.

Du coin de l'oeil, Sylvianne Renaud la voyait régulièrement, cette Louise, s'aventurer à pied dans les détours du terrain, à l'instar de bon nombre de voisins. Elle en déduit qu'elle habite les alentours. Elles se côtoient de façon cordiale, sans tout de suite franchir le pas des présentations officielles.

Un jour, au printemps 2011, Louise débarque en trombe dans l'édifice qui abrite les services administratifs du camp. Elle salue Sylvianne, montre du doigt la rive du lac sur laquelle s'élève sa maison, lui dit: «J'habite là». Et puis, de but en blanc: «J'aimerais rénover l'un de vos chalets, bénévolement.» Fin du préambule. L'idée s'est solidement implantée dans l'esprit de Louise et depuis, il n'y a plus un seul instant à perdre.

«J'avais terriblement peur qu'elle me dise non! J'ai déballé mon sac en 10 secondes, je voulais la convaincre à tout prix», se remémore Louise Guertin.

Sylvianne l'écoute raconter la genèse de son projet avec un air de connivence: «On a un nombre incalculable de bâtisses à remettre à neuf, de travaux à faire. On a tellement besoin d'aide... Il serait malvenu de «revirer de bord» les gens qui viennent nous voir de leur propre chef pour nous offrir leur énergie, leur enthousiasme, leur générosité. Comment refuser une telle proposition? Bien sûr que j'ai dit oui. Spontanément!»

Du P'tit Louis au Beauregard

La première tâche qui incombe à Louise est de remettre sur pied un chalet installé en bordure du lac Pierre, avec des fenêtres qui s'ouvrent sur l'eau, un peu en retrait des bâtiments principaux. Sa vocation: accueillir les parents d'enfants lourdement handicapés, qui ont choisi de les confier aux bons soins du personnel du Camp Papillon, mais qui préfèrent ne pas trop s'en éloigner. Le chalet a pour fonction d'accorder un répit aux familles, littéralement, pendant qu'on veille, pour eux, tout près, sur leurs petits. Ce dernier est prêté gratuitement.

«Je pensais que mon projet allait aider des gens démunis financièrement, relate Louise Guertin. Mais j'étais dans la méprise. Pour la plupart des familles, ce n'est pas l'argent qui est le problème, mais le manque de ressources, de calme pour reprendre leur souffle. Au début, je voulais simplement peinturer le préfini, moderniser deux ou trois éléments, changer les couvre-lits. Force est de constater que mes plans initiaux ont pris des proportions insoupçonnées...» Son conjoint et son fils, très vite, devant l'ampleur de la tâche, sont venus se mêler de la partie.

Depuis 2011, le P'tit Louis (du nom du garçon de la première famille qui a séjourné dans le chalet fraîchement inauguré) est le cadeau offert par Louise et le Camp Papillon aux parents qui souhaitent prendre «des vacances au bord de l'eau». «Ce qu'il y a de formidable, c'est que de là, on aperçoit souvent les campeurs et moniteurs traverser le lac en chaloupe, en chantant des chansons à tue-tête... En restaurant le P'tit Louis, je m'imaginais le bonheur des parents qui, depuis leur retraite, verraient passer tous les jours cette joyeuse bande de jeunes, et le leur parmi eux.»

Forte de son expérience, l'apprentie a récidivé l'année suivante avec un deuxième projet de plus grande envergure: la rénovation du Beauregard, un chalet spacieux situé lui aussi aux abords du lac, avec un accès à un quai privé. Depuis cet été, il est offert à la location pour tous les estivants (au prix de 500$ du vendredi au dimanche). Tous les profits sont directement versés au Camp Papillon.

S'il lui a fallu ruser et souvent recourir au «système D» pour porter à bout de bras ses ambitions, difficile de ne pas être impressionné par le résultat. Et les quelques obstacles survenus en cours de route sont loin d'avoir découragé Louise. Bien au contraire. À preuve, Sylvianne vient de lui confier la rénovation du Pam, qui fait office de dortoir pour les monitrices. Une salle commune à aire ouverte, quadrillée de lits superposés. Des murs recouverts de graffitis, des espaces sanitaires pour le moins rudimentaires. Enjoliver les lieux, disons-le, représente un certain défi. «Je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre. Pour le moment, ça me donne le vertige. Mais je suis entêtée et je parviens toujours à mes fins», commente Louise. Prochain volet de l'histoire à suivre l'an prochain.

Le nouveau Beauregard

L'entorse budgétaire a été plus difficile à faire dans le cas du Beauregard, notamment en raison de l'ajout d'une véranda annexée à la maison. Pour amasser l'argent nécessaire, une collecte de fonds, sous la forme d'un brunch, a été organisée, ce qui a permis d'amasser quelque 7000$ (des 12 457$ que totalisent les dépenses). Familles et amis se sont déplacés pour déguster le petit-déjeuner préparé par les employés du Camp Papillon, en échange de 40$ par personne.

En plus de jouer sans équivoque avec l'esprit Nouvelle-Angleterre, le chalet contient quelques astucieuses idées, comme la récupération d'une palette de bois en version étagère, des pots Mason percés en guise de luminaires, pendus au-dessus de l'îlot de la cuisine, ou encore le lit superposé à trois étages, peint en rouge, dans l'une des chambres à coucher (une oeuvre d'Hugo, le fils de Louise). À l'extérieur, il a fallu redresser la toiture, dont la légère inclinaison ne manquera pas d'interloquer ceux qui ont le niveau dans l'oeil. «Mais on vit avec du vieux, ça fait partie du jeu, explique Sylvianne Renaud. Le toit est croche, mais il a été renforcé par un professionnel, il était impossible de lésiner à cette étape. Il a donc été solidifié tout croche, mais il est solidement croche, alors il n'y a pas d'inquiétude.»

Le P'tit Louis rajeuni

On estime que la structure qui accueille l'actuel P'tit Louis (autrefois le Mafalda) a été construite autour des années 50. «On a tout arraché, détaille Louise Guertin. Le plancher était recouvert de trois ou quatre sortes de tuiles de prélart différentes. Des rideaux sombres obstruaient les fenêtres. Quand je les ai tirés et que j'ai découvert la vue imprenable qu'on avait sur le lac, je me suis dit qu'il me faudrait travailler pour la mettre en valeur. J'avais carte blanche.»

Réalisé avec un budget modeste (les dépenses totalisent 5360$), le chalet est le résultat d'un certain effort de calcul, combiné à un heureux mélange de dons monétaires et matériels (les portes et fenêtres), sollicités auprès d'amis et de détaillants de Lanaudière, et de biens que le camp possédait déjà (les électroménagers). Le revêtement extérieur a été refait au complet, tandis qu'à l'intérieur, une mezzanine a été dégagée et tous les murs peints en blanc, pour gagner en espace, en luminosité et en ouverture. Certaines contorsions ont permis d'économiser, comme les rideaux de la salle de bains qui sont en fait... des foulards, ou la porte de la chambre à coucher, qui se donne des airs d'antiquité et qui a été patinée à la main. «On se débrouille!, s'exclame-t-elle. Et la logique du bénévolat fonctionne bien avec le côté bric-à-brac des lieux parfaitement assumé.»