Gabriel Gauthier construit et rénove avec le matériau «chanvre et chaux», à temps plein depuis 2005, à la tête de son entreprise, ArtCan.

«Le chanvre procure le confort d'une maison naturelle, explique cet artisan, paysagiste de formation devenu entrepreneur en construction. On dit qu'il "respire" parce qu'il laisse diffuser la vapeur d'eau.» À la fonction isolante s'ajoute une bonne masse thermique, apportée par la chaux. «Sur le plan de l'environnement, le chanvre se renouvelle rapidement et constitue un puissant puits de carbone», ajoute l'artisan.

Va pour le confort et l'écologie. Mais qu'en est-il de la performance énergétique de ce matériau, utilisé pour l'isolation et la finition?

À la Société canadienne d'hypothèque et de logement, le recherchiste Don Fugler répond que le chanvre est un isolant efficace, comparable au ballot de paille, lequel a fait l'objet de centaines d'études concluantes. «La qualité de l'isolation, ajoute Gabriel Gauthier, dépend ensuite de la qualité de la construction et de la mise en oeuvre du chanvre.» Pour éprouver cette qualité, M. Gauthier a testé une de ses réalisations à la thermographie, cette technique qui traduit en couleur, sur une photo, les différences de température des surfaces de la maison.

L'examen a eu lieu dans un agrandissement de 22 pieds sur 22, sur deux étages, d'une maison de Bolton datant des années 70. «La thermographie a permis de confirmer que les murs de chanvre et chaux ont atteint le degré d'isolation visé, explique le thermographe Guy Gauthier (pas de lien de parenté), de Thermographie GG. Elle laisse voir également les éléments faibles, comme un pont thermique dans un angle du plafond.»

«Cela nous indique où améliorer l'enveloppe de la maison, ajoute Gabriel Gauthier. Nous avons également décelé des faiblesses dans l'ancienne partie, bien qu'elle ait été isolée, il y a quelques années, au polyuréthane de soya.»

Coûts, confort et santé

La journaliste Claire Bélisle, qui vit avec son fils Sam, 16 ans, dans une maison plus que centenaire à Rigaud, a fait rénover au chanvre et chaux la pièce de 200 pieds carrés qui lui sert de bureau de travail. «J'étais très motivée par l'aspect santé, relate-t-elle, car je suis allergique à de nombreux polluants.»

Après avoir mis à nu la structure en pièce sur pièce, et posé à l'horizontale les lattes récupérées comme support au chanvre, «ils ont posé cette espèce de gruau figé, en trois pouces d'épaisseur, relate Mme Bélisle. Deux mois de séchage plus tard (décembre 2009 et janvier 2010), Gabriel est venu poser l'enduit de finition, couleur coquille d'oeuf.»

La maison de Claire Bélisle est chauffée par une thermopompe électrique couplée à un système à air pulsé, en plus d'une fournaise au mazout. Priée par La Presse d'examiner ses factures d'énergie, la propriétaire a été agréablement surprise: «En 2009, ça m'a coûté 1300$ en électricité et 700$ en mazout, rapporte-t-elle. En 2010, le compte d'électricité se chiffre à 950$, et celui du mazout à 440$.» «La douceur de l'hiver 2010 y est pour quelque chose, souligne Gabriel Gauthier, mais le chanvre a sa part de mérite.»

«Sur le plan du confort, c'est le jour et la nuit, affirme l'occupante. On y est bien au chaud, même pendant les grandes vagues de froid. Mes allergies ont beaucoup diminué et j'ai réduit ma médication. Notons que le nouveau plancher en linoléum aide, lui aussi. Et j'utilise encore un humidificateur, vieille maison oblige.»