Pour amener des sans-abri à sortir de la rue, deux architectes montréalais veulent transformer des conteneurs en unités d'habitation. Ils imaginent ces logements au centre-ville, le fief des itinérants. Ils ne sont pas les seuls à vouloir donner une vocation résidentielle aux conteneurs. Ce concept suscite beaucoup d'intérêt à travers le monde. Même au Québec, des projets intégrant ces fameuses boîtes de métal se concrétisent.

Beaucoup de sans-abri ne veulent pas vivre dans un logement traditionnel. Pour les amener à sortir de la rue, les architectes Jacques Antoine St-Jean et Guillaume Lévesque ont imaginé un tout autre type d'habitation, fait avec des conteneurs. Assemblées les unes sur les autres, les boîtes de métal formeraient un tout original, hors norme, davantage à leur image.

«C'est un type de logement flyé que les itinérants pourraient aimer, estime Jacques Antoine St-Jean, l'instigateur du projet. Pour eux, ce pourrait être cool d'habiter dans un conteneur. Il y a un aspect de squat.»

«Les conteneurs seraient une coquille dans laquelle ils pourraient réapprendre à vivre avec une certaine dignité», renchérit Guillaume Lévesque.

Le projet, appelé «Le toit», est encore très préliminaire. De 16 à 20 personnes pourraient habiter dans les conteneurs, assemblés verticalement et perpendiculairement. Il y aurait environ 7 unités d'habitation, trois salles communautaires et un bureau pour les intervenants, répartis sur trois étages. Des jardins et un toit terrasse compléteraient le tout.

Au coeur du concept: l'idée d'installer les conteneurs au centre-ville, où se trouvent les itinérants, pour faciliter leur réinsertion sociale. Selon les créateurs, le projet pourrait prendre forme au-dessus de l'autoroute Ville-Marie, à proximité de la station de métro Champ-de-Mars, entre l'avenue Viger et la rue Saint-Antoine. À l'est de la rue Saint-Denis, trois parcs sont en effet inutilisés par les citoyens. Les sans-abri ont déjà pris possession des lieux, font remarquer les architectes.

Cette forme d'habitation est destinée à des itinérants qui veulent s'en sortir. «Il y a une part de rééducation à faire, explique Jacques Antoine St-Jean. Quand des gens sont entrés dans la rue à 14 ou 15 ans et veulent en sortir 15 ans plus tard, ils ne connaissent rien du logement. Il y a un apprentissage à faire, qui pourrait s'échelonner sur deux ans.»

Jacques Antoine St-Jean parle d'expérience, ayant lui-même vécu dans la rue pendant six mois, en 2001. Il attribue sa descente aux enfers à la consommation de cocaïne. Il est très reconnaissant de l'aide qu'il a reçu du père Emmet Johns (Pops) et de son organisme Dans la rue, ainsi que du soutien de l'équipe de Cactus Montréal. Il apprécie aussi le soutien de l'association Narcotiques anonymes, qui lui a redonné le goût de vivre sans consommer de drogue. À son tour, il veut aider des hommes et des femmes à adopter un autre mode de vie.

«Cela fait longtemps que j'y pense, dit-il. Depuis 2005.»

Guillaume Lévesque est quant à lui très impliqué au sein de l'association à vocation humanitaire Architectes de l'urgence. Il partage son temps entre Montréal et le nord du parc de La Vérendrye, dans la communauté algonquine de Kitcisakik. Touché par les conditions précaires dans lesquelles vivent les habitants, sans eau ni électricité, il les aide à se prendre en main afin d'améliorer le niveau de leurs habitations et les amener à développer une certaine autonomie.

«Ils font face aux mêmes préjugés que ceux qui vivent dans la rue, constate M. Lévesque, dont l'arrière-grand-mère était iroquoise. J'ai voulu faire un projet qui va rejoindre les itinérants et les mener vers une plus grande autonomie. C'est une belle occasion d'aider des gens dans le besoin, tout près de nous, en ville.

«L'itinérance est un passage, précise-t-il. Ce n'est pas une destination. Le conteneur est un symbole du voyage qui amènera l'itinérant ailleurs, vers une autre étape de sa vie.»

La Ville de Montréal et l'arrondissement de Ville-Marie sont très sensibles à la problématique des sans-abri. L'administration Tremblay compte d'ailleurs lancer la semaine prochaine son plan d'action pour contrer l'itinérance.

L'arrondissement de Ville-Marie a été approché pour la première fois le 24 septembre. «Le projet a été reçu favorablement», révèle Sylvain Villeneuve, chef du service d'urbanisme de l'arrondissement.

«C'est une nouvelle formule d'habitation qui s'adapte à la clientèle visée, estime-t-il. La réutilisation d'une structure industrielle pour lui donner une forme urbaine est innovatrice.»

Des rencontres supplémentaires devront être organisées avec la direction de l'habitation et la direction de la diversité sociale pour trouver un site approprié et significatif.

«Le site proposé, aux abords du parc Viger, n'est pas exclu, précise M. Villeneuve. Mais il faut regarder différentes solutions, surtout lorsqu'il est question d'occuper le domaine public, qui est la propriété de la Ville.»

La réalisation d'un tel projet est possible, croit-il. Car lorsqu'une habitation répond aux besoins d'une clientèle spécifique, Montréal dispose de leviers réglementaires pour en autoriser l'implantation.