Il y a cinéma maison et il y a cinéma maison.

Pour Benoit Beaulieu, sexagénaire énergique et amateur de belles choses, les pièces contemporaines destinées au visionnement de films sont bien jolies, mais elles manquent d'âme. Quand est venu le temps de concevoir une salle pour visionner des films chez lui, il s'est plutôt tourné vers les salles des années 50, celles de sa jeunesse. Quoi de mieux que de revivre ces soirées où on s'habillait chic pour assister à un programme double avec sa fiancée.

Son rêve et celui de sa femme: créer une pièce qui représenterait aussi fidèlement que possible le glamour de ces salles d'autrefois.

Tout a donc commencé par la construction de leur propriété à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, une maison qu'ils voulaient majestueuse à la manière des plantation homes du Sud. Le couple s'est rendu à trois reprises en Louisiane en quête d'inspiration. «Nous aimions ces habitations imposantes avec leurs colonnes et leur vaste terrain», se souvient-il.

Sa femme s'est mise à la recherche des plus jolies. «Nous en avons visité plusieurs, de Baton Rouge au Texas.» Au retour, armés d'une documentation imposante, ils ont conçu tous les plans, «de A à Z».

Ils ont usé de la même rigueur pour créer leur salle de cinéma. La propriété, immense avec ses quelque 15 000 pi2, avait amplement d'espace au sous-sol pour y aménager non seulement une pièce de visionnement, mais aussi un vestibule.

Photo: Robert Skinner, La Presse

La salle de cinéma imite fidèlement une véritable salle des années 50. Les sièges viennent d'un cinéma aujourd'hui disparu.

Son comptoir rouge aux rebords en acier inoxydable est coiffé d'une multitude d'appareils pour approvisionner les cinéphiles: on peut commander des saucisses fumées, des nachos, du Coca-Cola et du maïs soufflé, qu'on peut déguster assis sur des tabourets ou autour de la table bistro.

Au mur, des étagères en verre déploient la collection d'accessoires Coca-Cola accumulée au fil des ans. Le jaune vif, le carrelage noir et blanc ainsi que le papier peint égaient la pièce.

Mais on est là pour voir un film. Pour s'y rendre, il faut ouvrir les deux portes capitonnées et recouvertes de cuir rouge. Alors que le vestibule a des allures enjouées, la pièce de visionnement prend des airs plus formels. On se croirait dans une salle authentique.

«J'ai construit des marches où j'ai installé de petites lumières au sol. J'ai ajouté un podium au-dessus duquel se trouve l'écran. Les tentures s'ouvrent quand le projecteur démarre.»

Les 30 sièges sont alignés comme ils l'étaient dans l'ancien cinéma Berri, rue Sainte-Catherine, d'où les a récupérés M. Beaulieu en 1996.

«Ma femme avait entendu dire que le cinéma fermait ses portes. On a choisi les meilleurs sièges.»

La moquette, fleurie, est dans les mêmes tons que les murs et les tentures, vermillon et dorés. Le plafond est recouvert de tuiles imitant le métal. «Je les ai dénichées en Ontario et je les ai peintes une à une.»

C'est Mme Beaulieu qui a trouvé les matériaux. «Elle en a trouvé un peu partout, c'était une tâche colossale.»

Même la salle d'eau adjacente est inspirée du même décor. Elle est si juste qu'il ne manque qu'une madame pipi!

Les Beaulieu ont profité de leur cinéma maison eux-mêmes et pour recevoir «à guichets fermés».

Il y a quatre ans, M. Beaulieu a vendu sa grande maison après le décès de sa femme.

Les nouveaux propriétaires n'ont rien changé aux pièces du sous-sol, les estimant parfaites.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Derrière les portes capitonnées, la salle de cinéma avec ses sièges authentiques et son grand écran. À noter, d'autres affiches du cinéma américain.