De prime abord, la copropriété est synonyme de sécurité et, surtout, de soucis d'entretien éliminés. Mais voilà, plusieurs bâtiments en copropriété - dont les grands immeubles construits dans les années 80 - accusent leur âge. Résultat? Des cotisations parfois salées sont exigées pour payer des travaux de réfection d'importance. Pas étonnant, certains copropriétaires reviennent sur terre brutalement.

De prime abord, la copropriété est synonyme de sécurité et, surtout, de soucis d'entretien éliminés. Mais voilà, plusieurs bâtiments en copropriété - dont les grands immeubles construits dans les années 80 - accusent leur âge. Résultat? Des cotisations parfois salées sont exigées pour payer des travaux de réfection d'importance. Pas étonnant, certains copropriétaires reviennent sur terre brutalement.

«À Montréal, des cotisations atteignant parfois 25 000$ ont été exigées auprès de chacun des copropriétaire d'un immeuble, révèle Yves Joli-Coeur, avocat expérimenté en droit de la copropriété. Ce sont des cas extrêmes, mais réels», ajoute l'auteur du nouvel ouvrage Le fonds de prévoyance: gage de réussite en copropriété (Éditions Wilson&Lafleur), lancé au Salon de l'immobilier et de la copropriété, un événement qui se tenait le week-end dernier au Palais des congrès de Montréal.

Ces dernières années, quelques histoires d'horreur ont frappé l'imaginaire des copropriétaires, au Québec. Exemple éloquent? Celui de la copropriété cossue présentée à l'émission La facture à l'antenne de Radio-Canada, en 2006. En raison d'un fonds de prévoyance insuffisant, les copropriétaires de cet édifice ont vu leurs charges communes exploser. Elles sont passées de 600$ à 1400$ par mois.

Conséquence: ces histoires effroyables ont changé les mentalités des copropriétaires, observe Jan Towarnicki, directeur général d'AutoGestion des immeubles Verrières (phases I, à V), situés à L'Île-des-Soeurs. Ce spécialiste de la gestion immobilière est entré en fonction en 1991, au moment où les syndicats de copropriétaires de trois des cinq phases des Verrières ont décidé de s'unir et d'embaucher des gestionnaires professionnels. Leur motivation? Assurer une pérennité de l'entreprise de gestion et des avoirs de la copropriété. «Ainsi, quand c'est la même équipe qui gère le fonds de prévoyance, il y a une constance qui rassure tout le monde», explique-t-il.

N'empêche, une certaine insouciance régnait à l'époque. Plusieurs personnes ne voyaient pas l'importance d'investir dans un fonds de prévoyance. «Je ne serai plus de ce monde ou j'aurai déménagé lorsque viendra le temps de réparer l'immeuble!» Ce genre de commentaires étaient fréquents, il y a une quinzaine d'années.

Aujourd'hui, Jan Towarnicki n'entend plus ces remarques. Au contraire, le fonds de prévoyance est devenu un puissant argument de vente. «Le question numéro un des acheteurs concerne l'état du fonds de prévoyance de la copropriété, affirme M. Towarnicki. S'il n'est pas suffisant, ils vont préférer acheter un appartement dans un immeuble neuf. La compétition est forte, vous savez.» Autre conséquence: Si les espaces communs d'une copropriété laissent à désirer, les appartements ne pourront être vendus à leur juste prix.

«Traditionnellement, les acheteurs de maison unifamiliale sont plus sensibles à la sauvegarde de leur actif, fait remarquer Me Yves Joli-Coeur. Autrement dit, ils se soucient de l'entretien de leur résidence et craignent qu'elle ne perde de la valeur.»

«L'acheteur d'une maison fait bien souvent appel à un inspecteur en bâtiment pour négocier le prix selon l'estimation des travaux, enchaîne Me Christine Gagnon, notaire spécialiste en copropriété. Dans le cas de l'achat d'un appartement dans un immeuble en copropriété, il est difficile d'en faire autant. D'où l'importance d'un fonds de prévoyance bien garni», résume-t-elle.

Selon Jacques Saint-Pierre, titulaire de la chaire SITQ d'immobilier ESG à l'UQAM, si on n'a pas l'équivalent de 2,5 ou 3% de la valeur de l'immeuble, on fait face à des problèmes considérables advenant un imprévu.

Avoir un bon fonds...

Depuis la Réforme du Code civil du Québec en 1994, toute collectivité de copropriétaires est obligée de constituer un fonds de prévoyance dans le but de planifier le financement des dépenses pour les réparations majeures et le remplacement des parties communes de l'immeuble. Malgré les (bonnes) intentions du législateur, l'objectif d'éviter un dysfonctionnement financier des copropriétés n'a pas été atteint, lit-on dans l'ouvrage Le fonds de prévoyance: gage de réussite en copropriété.

Selon l'auteur et cofondateur du Salon de l'immobilier et de la copropriété, trop de copropriétaires s'en tiennent à un strict minimum et sous-évaluent les besoins spécifiques de leur immeuble.

Dans l'article 1072 du Code civil, il est écrit: «La contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance est d'au moins 5% de leur contribution aux charges communes.» Aux yeux d'Yves Joli-Coeur et de Christine Gagnon, ce pourcentage est insuffisant. «Les gens oublient que c'est un seuil minimal!» renchérit l'avocat qui précise que la solution se trouve à une centaine de kilomètres du Québec. Ah oui, où ça?

Des dispositions similaires à celles de la loi ontarienne devraient être adoptées, souligne l'avocat. «Depuis 1982, une contribution minimale de 10% au fonds de prévoyance y est imposée», explique-t-il.

Mais LE point fort de cette législation est le suivant: l'obligation d'effectuer des études de fonds de prévoyance sur une base régulière. «En Ontario, la loi oblige le conseil d'administration des syndicats de copropriétaires d'embaucher des professionnels du bâtiment (ingénieurs, architectes, technologues) qui peuvent évaluer froidement les besoins de l'immeuble», précise Me Joli-Coeur.

«Plus nous raffinons notre connaissance de l'immeuble grâce à des professionnels, plus nos calculs des coûts de remplacement des éléments comme les fenêtres sont réalistes», constate Jan Towarnicki.

Mais cette obligation d'effectuer des études de fonds de prévoyance influencera-t-elle nos dirigeants? Selon Sylvain Clermont, vice-président de l'Association des syndicats de copropriété du Québec (ASCQ), le gouvernement du Québec devra apporter des amendements à notre législation lorsque des copropriétés en très mauvaise situation financière deviendront pratiquement inhabitables. «Entre-temps, il existe un programme de prêts bancaires (Banque Royale) réservé aux syndicats de copropriétaires», tient-il à préciser.

Enfin, les propriétaires et les copropriétaires (copropriété divise) de plus de 60 ans peuvent obtenir un prêt sur la valeur de leur habitation. C'est le principe de l'hypothèque inversée. «Un prêt atteignant jusqu'à 40% de la valeur d'une résidence peut être alloué, explique Éric Bisaillon, directeur général du Programme de revenu résidentiel CHIP, une entreprise canadienne présente au Salon de l'immobilier et de la copropriété de Montréal. L'avantage d'un tel programme? L'obtention de liquidités sans l'obligation d'effectuer des paiements. Cet argent sert généralement à enrayer des dettes, à hausser un niveau de vie ou à payer une cotisation reliée à des travaux de réfection. «La valeur minimal du prêt est de 20 000$, précise Éric Bisaillon, et le remboursement s'effectue lors du déménagement ou du décès du client.»