Le consultant en éco-construction Emmanuel Cosgrove s'insurge: «La maison écologique ne s'adresse pas qu'aux bourgeois branchés. Elle est pour tout le monde. On peut rendre chaque maison plus écologique. Dans chaque recoin de la maison, il y a des choix écologiques qui n'ont pas besoin de coûter plus cher.» Vrai? Voyons voir...

Le consultant en éco-construction Emmanuel Cosgrove s'insurge: «La maison écologique ne s'adresse pas qu'aux bourgeois branchés. Elle est pour tout le monde. On peut rendre chaque maison plus écologique. Dans chaque recoin de la maison, il y a des choix écologiques qui n'ont pas besoin de coûter plus cher.» Vrai? Voyons voir...

Petit cours de géothermie.

Ce système puise la chaleur dans le sol pour chauffer la maison. En été, il fait l'inverse en rafraîchissant l'air.

Une installation avec thermo-pompe-géothermique peut coûter de 20 000 $ à 30 000$, selon la surface à chauffer.

Ce système permet de retrancher environ 60 % des frais de chauffage et de climatisation. Certains avancent la proportion de 80 %.

Les coûts du chauffage et l'eau chaude pour une résidence unifamiliale de 158 m 3 chauffée à l'électricité s'élèvent à 1243 $, selon les données d'Hydro-Québec. Avec un système de 20 000 $ qui permet de réduire les coûts de 80 %, on économiserait 994 $ par année. Le coût de l'appareil serait donc amorti en 20 ans, si on ne considère pas le coût des intérêts sur un éventuel emprunt.

Si on prend plutôt les données utilisées par l'Agence de l'efficacité énergétique (coût de chauffage de 2500 $ pour un cottage à Québec), un système de 30 000 $ est amorti en 15 ans.

Bernard Gaudichon, conseiller technique à la SCHL, est très ceptique à l'égard de la rentabilité de la géothermie. «Personne ne me l'a encore démontrée», soutient-il. Les systèmes peuvent décroître en efficacité avec le temps, dit-il. Et on ne tient pas compte du coût de renoncement, c'est-à-dire des intérêts que produirait, s'il était investi, l'argent immobilisé dans le système géothermique. «C'est comme une thermopompe, dit-il. On gagne en confort, mais on n'est pas encore rendu à une solution rentable. Quand plus de gens en installeront, on aura peutêtre des coûts plus raisonnables.» Car une production à plus grande échelle permettrait certainement de réduire les coûts de chaque unité.

Combien ça coûte?

Foyer de masse


Le foyer de masse fonctionne sur le principe du four à pain: la chaleur emmagasinée par sa masse se diffuse lentement par radiation. En raison de la très haute chaleur produite, la combustion du bois est presque complète et ne produit que peu de poussières et pas de créosote. Mais il faut flamber une fortune pour son installation: 8000 $ à 9000 $ s'il est simplement recouvert de crépi, jusqu'à 20 000 $ si la finition est plus élaborée. Par rapport à un foyer normal, on pourrait économiser quelques cordes par année, soit peut-être 400 $ ou 500 $, estime l'entrepreneur André Fiset, de Construction BFG. L'amortissement du surcoût pourrait s'étendre sur 10 à 20 ans.

Isolation verte

L'isolation des murs et plafonds peut être plus verte, sans pour autant être moins efficace ou plus coûteuse. Dans pratiquement tous ses projets, Construction BFG utilise la fibre cellulosique, un matériau en vrac, floconneux. «C'est l'équivalent de la laine isolante, explique André Fiset. Mais ça fait un meilleur travail car elle se répand partout. Le prix est à peu près semblable.»

Plancher sans compromis

La maison saine évite les matériaux qui dégagent des composés organiques volatils- les COV honnis. Les couvre-planchers vinyliques sont donc bannis. Les parquets en bois francs vernis en usine avec un produit au latex- surtout s'il s'agit d'essences locales- ont la cote. Autrement, ils seront huilés in situ. Le prix est sensiblement le même- le parquet doit dans tous les cas être poncé- mais un plancher huilé est plus mat et demande un entretien un peu plus attentif.

Chauffe-eau solaire

Un chauffe-eau solaire domestique- en fait un appareil qui préchauffe l'eau- coûte environ 3000 $, selon Sylvain Blais, ingénieur principal chez Ressources naturelles Canada. Selon cet organisme, il est possible de capter l'équivalent d'environ 2500 kWh (kilowatt-heure) par année. Un chauffe-eau solaire comblera environ la moitié des besoins en eau chaude d'une famille de quatre personnes.

Un chauffe-eau standard consommera près de 400 $ d'électricité par année pour cette même famille. Une réduction de 50 % produit donc une économie de 200 $. Il faudra ainsi plus de 10 ans pour amortir le surcoût du chauffe-eau solaire par rapport à un chauffe-eau conventionnel.

Citerne enfouie

L'installation d'une citerne enfouie pour récupérer les eaux de pluie coulant du toit et de l'entrée de garage peut coûter de 5000 $ à 7000 $, estime André Fiset. Or, rares sont les municipalités qui facturent la consommation d'eau au compteur. Un exemple: la Ville de Nicolet demande 0,70 $ par 1000 litres consommés. La consommation moyenne d'une petite famille atteint 26 000 litres par mois, soit une facture annuelle de 210 $. Dans ces conditions, il faudrait près de 30 ans pour amortie le coût de la citerne.

On comprend vite qu'on ne creuse cette solution que par pure conviction altruiste. Toutefois, on réduit la consommation d'eau et on utilise moins les coûteuses infrastructures publiques. Cet impact favorable à (très) long terme devrait être encouragé par les instances gouvernementales, croient certains. «On paie collectivement pour nos infrastructures, avance l'architecte Vouli Manfredis, du Studio MMA. En récupérant l'eau de pluie, ça coûte moins cher à la collectivité.»

Matériaux récupérés ou recyclés

L'utilisation de matériaux récupérés est un des poncifs de la maison verte. «Il n'y a pas d'économie à faire, indique toutefois André Fiset. Payer des gens à 50 $ de l'heure pour enlever des clous dans de vieux morceaux de bois, ce n'est pas rentable.» Le propriétaire doit mettre la main à la pâte. Et encore, il ne faut pas compter les heures...

Fenêtres à haute efficacité

«Changer les fenêtres pour économiser de l'énergie n'est pas rentable», énonce Wendy Pollard, conseillère principale, recherche et diffusion de l'information, à la SCHL. «Un cordon de calfeutrant entre les plinthes et le plancher procurera de meilleurs résultats.»

Mais s'il faut les changer, il vaut la peine d'opter pour des fenêtres de bonne qualité, insiste-t-elle. La norme Novoclimat prévoit des fenêtres à vitrage double, avec un enduit à basse émissivité, remplie à l'argon ou autre gaz lourd, et dotées d'intercalaires isolants.

Selon Mario Canuel, les fenêtres à triple vitrage trouveront une utilité du côté nord de la maison ou face aux grands vents, où elles pourront éviter les problèmes de condensation.

Panneaux photovoltaïques

Le fin du fin en termes écologiques: les panneaux solaires à cellules photovoltaïques. «Il faut compter environ 8000 $ par kilowatt produit», estime Sylvain Blais. Il faut un minimum de 3 kilowatts pour une maison autonome, soit 24 000 $. «Ce n'est pas du tout rentable», assure le consultant Emmanuel Cosgrove, pourtant un mordu d'écologie.

Une opinion que partage Sylvain Blais, de Ressources naturelles Canada: «Il coûte beaucoup moins cher d'améliorer l'enveloppe du bâtiment que d'installer des panneaux photovoltaïques.»

Récupérateur de chaleur

Tous les systèmes écologiques ne coûtent pas des milliers de dollars, et ne prennent pas des décennies à rentabiliser. Un des plus efficaces est le récupérateur de chaleur des eaux grises. Ce charmant dispositif s'installe sous la bonde de la douche. Grâce à un serpentin enroulé autour de la conduite d'évacuation, l'eau courante est réchauffée par les eaux qui s'écoulent de la douche avant de gagner le chauffe-eau. L'appareil coûte moins de 1000 $ et permet de récupérer jusqu'à 80 % de la chaleur de l'eau de douche.

Ce qui ne coûte rien (ou presque)

Prises au bon moment, certaines décisions ne coûtent presque rien et rapportent beaucoup. La plus flagrante est l'orientation de la maison- un choix évidemment plus facile en dehors des milieux urbains. En orientant la maison et ses principales fenêtres au sud, on bénéficie de l'apport solaire en hiver. Des arbres bien placés et des ouvertures aux vents dominants d'ouest rafraîchiront la maison, réduisant d'autant les besoins de climatisation.

«Il y a des travaux que n'importe qui peut faire simplement en regardant l'état des fenêtres et des portes, indique François Boulanger, coordonnateur du programme d'efficacité énergétique chez Équiterre. On en retire des bénéfices immédiats en termes d'économie et de confort.» Quelques dizaines de dollars en pâte à calfeutrer et coupe-froid suffisent pour obtenir des économies d'énergie non négligeables.

Le programme Énerguide demande en moyenne des investissements de 5000 $, qui procurent une subvention d'environ 600 $. L'économie d'énergie peut atteindre 700 $ par année, soutient M. Boulanger.

«Une maison écologique n'a pas nécessairement besoin de coûter plus cher, si les gens s'informent», avise pour sa part Emmanuel Cosgrove. «Une peinture non toxique n'entraîne pas de surcoût.» Ou si peu.

Vérification chez la Maison du peintre: la peinture Sico Écosource, qui n'émet pas de COV, coûte 42,95 $ à 48,95 $ le contenant de quatre litres. Par comparaison, la peinture de haute qualité Sico Suprême Perle au latex, qui ne montre pas le même civisme, coûte de 39,99 $ à 46,99 $.

La maison à haute efficacité énergétique

Les maisons R2000 ou Novoclimat, à haute efficacité énergétique, coûtent de 2 à 5 % de plus qu'une maison standard. Cet écart se rapproche maintenant davantage de 2 %, soutient Barbara Mullally Pauly, chef du programme d'habitation de Ressources naturelles Canada, parce que l'industrie commence à s'ajuster à ces normes.

On estime généralement les économies d'énergie à 20 % pour la maison Novoclimat et à 30 % pour la maison R2000.

«Dès le premier jour, leur coût est inférieur, affirme André Fauteux, éditeur du magazine La maison du 21e siècle. Mais avant tout, l'avantage est du côté de la santé et de la durabilité à tous les niveaux.»

L'Agence de l'efficacité énergétique a effectué le calcul pour un cottage de 2184 pi² dans la région de Québec. En considérant un amortissement sur 25 ans, le surcoût de 4300 $ à l'achat entraînait une augmentation des paiements hypothécaires de 327 $ par année. Mais les économies d'énergie de 682 $ produisaient un gain net de 355 $ par année.

Prochaine étape: «Nous visons une maison qui pourrait subvenir à ses propres besoins, qui pourrait redistribuer l'énergie qu'elle produit à l'intérieur d'une communauté écologique», expose Sylvain Blais, de Ressources naturelles Canada.

Une récente étude du magazine Protégez-vous, réalisée en partenariat avec l'Agence de l'efficacité énergétique du Québec, a démontré que sur 40 maisons neuves, 90 % montrait au moins un élément non conforme aux normes et codes en vigueur.

C'est l'avantage de la maison certifiée Novoclimat: elle subit trois inspections indépendantes durant sa construction. «Le surcoût est surtout relié à l'inspection, observe Emmanuel Cosgrove. Mais la qualité est assurée.»

De l'efficacité à revendre?

Le surcoût d'une maison écologique ou efficace est-il récupéré lors de sa revente? Pour l'instant, les données manquent pour l'affirmer. Mais l'évaluateur André Morin tente de mettre sur pied avec l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec une étude de cas qui en apporterait la preuve. «On veut démontrer qu'il y a une valeur contributive», indique-t-il.

Aux États-Unis, une étude réalisée à la fin des années 90 a montré que chaque dollar de réduction annuelle de coût d'énergie pouvait accroître la valeur de la maison de 10 $ à 25 $.

Chose certaine, c'est le marché qui dicte le prix. Si l'acheteur ne reconnaît pas une valeur supplémentaire à une construction saine et à une plus grande efficacité énergétique, le prix de vente ne s'en ressentira pas. Or, comme vient de le dévoiler un sondage réalisé pour la Société d'habitation du Québec, 87 % des Québécois ayant l'intention d'acheter une maison au cours des cinq prochaines années seraient prêts à payer plus cher pour une maison consommant moins d'énergie. Ces préoccupations se refléteront-elles sur le marché de la revente?

Voir plus loin que l'argent?

La motivation première de la maison verte n'est pas financière. «Quel est le prix du confort? demande Barbara Mullally Pauly, de Ressources naturelles Canada. C'est un argument qui n'est pas pris en compte dans les considérations économiques.»

Pourtant, dit-elle, le confort est la justification des conducteurs qui s'offrent sans rechigner des sièges en cuir ou l'air climatisé dans leur voiture.

«La grande question n'est pas de diminuer le coût initial, affirme l'architecte Vouli Manfredis. C'est plutôt de voir comment financer cette stratégie, qui finira par être rentable à long terme.» Il s'agit d'aborder le financement de façon plus créative. Elle donne l'exemple de systèmes géothermiques qui pourraient être loués par l'installateur- plutôt que vendus-, qui s'assurerait de leur entretien.

Un ventilateur-récupérateur de chaleur pour salle de bains coûte 1500 $, plutôt que 150 $ pour un ventilateur ordinaire, fait valoir André Fiset.

«Il est plus facile de trouver de l'argent pour une centrale électrique que pour subventionner ces produits, déplore-t-il. Si chacun réduit sa consommation, ce n'est pas long qu'on économise une centrale.»