Malgré l'expansion urbaine, malgré le remblayage d'une partie du fleuve pour la construction, entre autres, du boulevard Champlain, le Cap-Blanc a conservé une discrétion qui en fait l'un des quartiers les plus singuliers à Québec.

Malgré l'expansion urbaine, malgré le remblayage d'une partie du fleuve pour la construction, entre autres, du boulevard Champlain, le Cap-Blanc a conservé une discrétion qui en fait l'un des quartiers les plus singuliers à Québec.

Le Cap-Blanc, c'est d'abord la paroisse Notre-Dame-de-la-Garde. Il s'agit d'une petite agglomération linéaire de moins de deux kilomètres de long sur une centaine de mètres de large. Il y 50 ans, ce quartier était encore plus «mince». Les vagues se déversaient jadis là où le boulevard Champlain se fraie maintenant passage. «Son territoire n'était guère mieux, à l'origine, qu'une épave repoussée au bord de l'eau», lit-on dans un livre de l'abbé Honorius Provost, publié en 1977 pour le 100e anniversaire de la paroisse.

Sans le boulevard Champlain, Notre-Dame-de-la-Garde aurait tout d'un petit village.

«C'est sans doute le quartier le plus différent des autres à Québec, dit l'historien Réjean Lemoine. Il est à part géographiquement et socialement, car il provient de la construction navale.» À l'époque, les maisons étaient situées en bordure du fleuve. Des quais de bois permettaient l'accès à l'eau.

Comme le boulevard Charest dans le quartier Saint-Sauveur, le boulevard Champlain est aujourd'hui bordé de «fausses façades« qui, à l'époque, avoisinaient les berges.

Une autre réalité est frappante : le Cap-Blanc a deux visages. À l'est de l'escalier qui le relie aux plaines d'Abraham, les résidences rappellent celles du Vieux-Québec. En pierre, elles évoquent le petit Champlain, et même Saint-Roch. À l'ouest, les maisons, la plupart en bois, sont beaucoup plus modestes. Souvent aussi âgées que leurs cousines de pierre, elles ont subi de nombreuses rénovations au fil des ans. Sur la petite rue Champlain, qui traverse le quartier, on passe de la ville au village en un clin d'oeil.

Jadis, la partie est, habitée par les Irlandais, se nommait Près-de-Ville. Comme l'explique Jean-Pierre Pelletier, un retraité qui a toujours habité Notre-Dame-de-la-Garde, le côté ouest était majoritairement francophone... et misérable. «Je me souviens, quand j'étais jeune, que les vieux-vieux appelaient ça le village des chiens. Parce que c'était une place pauvre. C'étaient des gens qui travaillaient dans le port ou dans les chantiers maritimes. Dans ce temps-là, quand t'allais dans une banque et que tu disais que t'étais débardeur, c'était dur de sortir de l'argent», raconte-t-il.

Aujourd'hui, la population du Cap-Blanc est dans la classe moyenne, souvent très à l'aise financièrement. Plusieurs fonctionnaires et professionnels s'y installent. La colline parlementaire n'est pas loin. Le cap peut être gravi depuis 1869 grâce à un escalier, qui, avec ses 398 marches, est le plus long de Québec. Une bonne façon de se garder en forme !

Une vie bien paisible à l'ombre du cap Diamant Photo Le Soleil

Le fleuve s'éloigne

Dans les années 1950, le Cap-Blanc change de visage. La gare maritime apparaît dans le décor. Un projet de tunnel ferroviaire sous Québec est dans l'air. La rue Champlain connaît donc un engouement qu'elle ne peut soutenir. En 1961, Jean Lesage est présent pour la première pelletée de terre du boulevard Champlain.

Ronald Martin tient l'un des seuls commerces du coin, une quincaillerie. Il habite la paroisse depuis sa naissance, c'est-à-dire 53 ans. À l'époque, «c'était mieux qu'aujourd'hui, dit-il. On n'avait pas le boulevard. Après le trottoir, c'était le chemin de fer, et après, le fleuve. Les gens se baignaient. Jeune, on passait la journée dehors.»

Aujourd'hui, une plage méconnue est toujours accessible à l'anse Brown. «La journée où on va aménager l'anse, ça va être LE spot», prédit Réjean Lemoine. Les travaux pour le 400e le permettront.

Un quartier tranquille

Les résidants rencontrés par Le Soleil ont fait la paix avec le boulevard. Ce n'est pas si bruyant, disent-ils. «C'est quasiment la campagne en ville, illustre Jean-Pierre Pelletier. C'est loin du bruit de la ville, mais c'est à mi-chemin entre le centre-ville de Québec et Sainte-Foy. On ne peut pas être mieux situés que ça.»

Ça fait 20 ans que Pierrette Ellefsen habite le Cap-Blanc. «C'est très tranquille, il n'y a que des personnes âgées. Et moi, je suis une des plus vieilles», dit la dame de 90 ans, qui en fait 25 de moins.

Pendant son entrevue avec Le Soleil, Karen Vallée, une native du coin, salue des voisins : son oncle et sa tante, qui se promènent sur la rue Champlain. Le Cap-Blanc, c'est aussi une affaire de famille.

Un peu plus tard, un peu plus loin, René Gingras, 76 ans, parle de son quartier avec enthousiasme. Il habite à Près-de-Ville, mais il est né à côté de l'église Notre-Dame-de-la-Garde. Ses souvenirs mériteraient un livre. «On apprenait à parler l'anglais avec les Irlandais, se souvient-il. Peut-être qu'anciennement, il y avait deux clans, mais pas dans mon temps.»

Karen passe alors en voiture avec son copain Robert. Ils rigolent un peu avec M. Gingras. «C'est ma petite nièce», dit l'homme. Une histoire de famille, disais-je !