Avant, on n'en faisait pas de cas. Mais depuis que la «fierté a un nom» et la beauté, tant de défenseurs, les militants pour un environnement sans fils sont plus nombreux. À commencer par les municipalités.

Avant, on n'en faisait pas de cas. Mais depuis que la «fierté a un nom» et la beauté, tant de défenseurs, les militants pour un environnement sans fils sont plus nombreux. À commencer par les municipalités.

«Les acheteurs d'une maison qui sont épris d'un quartier ne renoncent pas à le faire en raison de la présence de fils aériens. Mais, s'ils sont enfouis, ils y voient un souci du détail et de finition qui leur plaît», pense Patricia Deguara, agente immobilière affiliée au service de Re/Max 1er Choix de Québec. Elle conclut donc à une valeur ajoutée, inséparable toutefois de celle du quartier où l'enfouissement est uniformisé.

Par ailleurs, les municipalités encouragent le «réseautage» souterrain. Il en résulte un gain d'espace à vivre et à embellir. De leur côté, les promoteurs, joignant le mouvement, proposent «aux futurs propriétaires un milieu de vie répondant davantage aux exigences de la vie moderne», tel qu'on peut le lire dans le Guide en matière de distribution souterraine (Réseaux câblés), paru en 2004 et produit de concert par Hydro-Québec, l'Union des municipalités du Québec, la Fédération québécoise des municipalités, Bell, Cogeco, Telus et Vidéotron.

«Il y a 30 ans, on a commencé à enfouir les fils, mais directement. Ensuite, on les a gainés de métal ou de béton. Après quoi, on les a mis dans des conduits. D'abord, en ABS, maintenant, en polyéthylène. Ce matériau est souple et d'une durée de vie utile de 50 ans», explique Langis Simard, conseiller en gestion de projets reliés à l'enfouissement du réseau chez Hydro-Québec Distribution.

Même tranchée

Jusqu'à ces dernières années, précise-t-il, chaque fournisseur de service tenait à sa tranchée, tantôt derrière les lots, tantôt aux extrémités latérales des pâtés de maisons. On n'avait pas l'esprit au voisinage.

À présent, sur la bande de terrain municipal bordant la rue, les compagnies d'électricité, de téléphone et de télédistribution, partagent la même tranchée. «Mais chacune son conduit», insiste M. Simard.

Leurs fils respectifs émergent du sol dans autant de boîtiers, installés devant ou derrière les maisons. Les particuliers entourent souvent ceux-ci d'un écran d'arbustes sur trois côtés. Parfois sur les quatre, mais à leurs risques. «Car le quatrième doit être exposé afin de permettre aux techniciens d'y accéder pour l'entretien», détaille le conseiller en gestion de projets.

Boischatel

Mais ces petits «monuments» devraient bientôt céder le pas à une borne multifonctionnelle architecturale (créée et commercialisée par Structures MCM) surmontée d'un lampadaire en agrégats exposés. En cela, l'utile joint l'agréable.

C'est la municipalité de Boischatel, près de Québec, qui a été la première à l'adopter, en décembre 2003.

Les rues des Grenadiers, du Bataillon et du Régiment du Domaine Montmorency, en surplomb du boulevard Sainte-Anne, en sont pourvues. Aussi bien que la nouvelle rue des Turquoises, au nord.

La borne comprend quatre cabinets distincts, chacun accessible par une solide portière en acier. Le premier comprend la filerie d'éclairage du lampadaire; les trois autres, le dispositif de liaison à chaque domicile de l'électricité, de la téléphonie et du câble, respectivement.

Dans la rue des Turquoises, dont s'enorgueillit l'administration de Boischatel, on a surtout préféré les arbres aux poteaux. Puisqu'on a voulu en conserver le plus possible à l'orée de laquelle s'élèvent des maisons.

«L'enfouissement des fils dans l'emprise publique a épargné de la dévastation des arbres situés dans le pourtour des résidences. Car l'excavatrice et autres machines en auraient délogé plusieurs», explique Carl Michaud, directeur de l'urbanisme de la localité située à 10 km de Québec.

Autre avantage de l'enfouissement, plaide M. Michaud : la protection des fils contre les vents violents et autres intempéries, dont le verglas. «Aux vents violents, aux arbres ou à leurs branches heurtant les fils aériens sont attribuables 40 % des pannes de courant au Québec», renchérit Langis Simard.

En revanche, continue-t-il, jamais plus il y aura enfouissement de fils derrière les maisons. De la sorte, on préservera le plus possible le couvert forestier, on n'aura plus besoin de s'y introduire pour les réparations, lesquelles seront, le cas échéant, effectuées de la rue.

«Les terrains, en ville, sont petits. On ne veille plus sur le perron comme dans le bon vieux temps, mais dans la cour. C'est là que, l'été, on vit et on reçoit. Avec les servitudes de fils en moins, les particuliers se sentiront plus libres chez eux. Les machines n'auront plus à y retourner au risque d'endommager, ne serait-ce que localement, l'aménagement paysager», estime M. Simard.

Faubourg

À l'automne 2004, l'ensemble résidentiel Faubourg Le Raphaël, au nord du boulevard Chauveau, entre les boulevards L'Ormière et Saint-Joseph, a été mis en oeuvre. Il s'agit d'un projet de 2200 habitations échelonné sur 10 ans, avec enfouissement.

Pour les 288 terrains de la première phase, les fils ont été enfouis derrière les maisons et latéralement. Pour la phase subséquente, déjà amorcée, les «câbles» sont réunis, dans une même tranchée, selon la norme en vigueur. «Mais sans couplage de bornes et lampadaires. Nous n'en sommes pas encore là», révèle Henri Gélinas, président de Gely Construction et promoteur du projet.

«À l'origine, la Ville de Québec a exigé que les fils soient enfouis. Les propriétaires occupants actuels pavoisent. Certains se sentent plus à l'aise dans leur cour puisqu'il n'y a pas de fil de raccordement qui passe au-dessus de la piscine», résume-t-il.

Quant au prix additionnel de 7000 $ à 10 000 $ des terrains pour couvrir les frais d'enfouissement, M. Gélinas croit qu'il ne dissuade pas les acheteurs. Selon lui, ils sont conscients qu'il s'agit d'une valeur sûre qui, de surcroît, améliore sur-le-champ leur qualité de vie.

Opportun

Avi Friedman, professeur à la faculté d'architecture de l'Université McGill et spécialiste de renommée mondiale en matière de maisons évolutives, à coût abordable, au diapason du développement durable et de l'ère de l'information, trouve l'enfouissement opportun.

Cette façon de faire lui paraît écologique parce qu'elle contribue à la préservation et la mise en valeur des arbres et des espaces verts dans les quartiers. Sans compter qu'elle est un vecteur d'embellissement et de bien-être accru.

D'autre part, sa mise en place est économique, puisqu'on creuse les tranchées au moment où l'on fait les rues. C'est sans compter la diminution probable des pannes. Déjà que l'absence de poteaux induit un bien-être nouveau.

«Mais, insiste le professeur Friedman qui s'adressait au Soleil depuis Montréal, il faut que tout projet d'enfouissement soit très méthodiquement et très consciencieusement planifié.»