Sophie (nom fictif) a acheté à l'automne 2004 un appartement au Sopra, une ancienne manufacture entièrement rénovée, dans le quartier Villeray. Selon les premières prévisions de Cortim, le promoteur, elle devait y emménager au printemps 2005. C'est finalement un an plus tard qu'elle déménagera, si aucun autre pépin ne survient.

Sophie (nom fictif) a acheté à l'automne 2004 un appartement au Sopra, une ancienne manufacture entièrement rénovée, dans le quartier Villeray. Selon les premières prévisions de Cortim, le promoteur, elle devait y emménager au printemps 2005. C'est finalement un an plus tard qu'elle déménagera, si aucun autre pépin ne survient.

«Quand j'ai signé le contrat, j'étais super excitée, dit-elle. Au début, je passais souvent devant le chantier pour voir s'il évoluait, mais plus le temps passait, plus je me rendais compte que mon appartement ne serait pas prêt à temps. J'étais de plus en plus déprimée. Un an et demi plus tard, je n'ai même plus le goût d'aller voir l'immeuble.»

En attendant la livraison de son appartement, la jeune femme habite chez un ami qui lui a gentiment offert le gîte... ainsi qu'à deux autres copains en peine d'amour. Elle vit donc avec trois autres personnes dans un logement de quatre pièces. «Je devais y habiter de façon temporaire, et j'y serai resté environ un an», calcule-t-elle.

Pas question d'annuler

Sophie renonce toutefois à annuler son contrat la liant avec Cortim. Même si l'enthousiasme du début s'est effrité, elle n'a pas la moindre envie de chercher un autre appartement.

Rencontré sur le chantier du 55, rue Molière, le président de Cortim, François Milani, admet que de tels délais peuvent être irritants pour les acheteurs. «La situation est loin d'être drôle, mais au bout du compte, nos clients auront un produit de qualité et ils seront heureux», dit-il.

Depuis un an, les pépins s'accumulent sur le chantier du Sopra: décontamination à la suite d'une fuite d'huile inopinée, excavation plus pénible que prévu, pluie incessante en novembre, délais de trois mois pour l'obtention de permis de la Ville de Montréal...

«Tu as beau travailler avec des ingénieurs d'expérience, il survient toujours des problèmes quand on recycle un édifice, poursuit M. Milani. Les acheteurs plus âgés, qui ont déjà rénové, comprennent notre retard.»

Dans l'arrondissement d'Outremont, Le Vésinet accuse près de trois mois de retard, malgré une structure neuve. Les premiers propriétaires emménagent dans leur condo ces jours-ci.

«J'ai eu un problème de gestion sur le chantier, admet d'emblée Michel Goudreau, promoteur. J'ai délégué cette responsabilité et ça n'a pas fonctionné comme je l'aurais souhaité. Ce fut une expérience traumatisante. Je m'y prendrai autrement la prochaine fois.»

Très mal à l'aise de livrer ses appartements en retard, M. Goudreau est allé jusqu'à dédommager quelques acheteurs qui se retrouvaient à la rue en attendant la fin de la construction. Il en a aidé certains à trouver un toit pendant quelques semaines, le temps que leur appartement soit prêt.

Trop peu

Au Québec, les plans de garantie offerts pour les constructions de quatre logements superposés et moins prévoient un montant maximal de 5000 $ pour dédommager les acheteurs en cas de retard. Cette somme couvre les frais d'entreposage, de déménagement et d'hébergement (selon la taille des ménages).

Avec tous les reçus en main, le promoteur en retard doit donc rembourser ces frais. L'an dernier, sur 20 000 ménages couverts par la Garantie des maisons neuves, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ) n'a réglé que 12 différends entre des promoteurs et des acheteurs.

Ceux qui achètent un appartement dans une tour d'habitation ou dans un édifice recyclé n'ont, à priori, pas droit à une indemnisation de retard. Chaque promoteur offre ses propres dispositions au contrat. La plupart du temps, les clients n'ont droit à rien.

Claude Coursol, avocat spécialisé en droit immobilier, croit qu'indemnisation ou pas, le retard de livraison est une situation intenable pour les acheteurs. «Ils planifient leur déménagement de façon à ne pas payer deux hypothèques en même temps, explique-t-il. Quand une construction n'est pas terminée, ils sont mal pris parce qu'ils ont vendu leur maison et qu'ils doivent partir à une date fixe. J'ai vu une famille vivre dans un garage parce qu'elle ne pouvait pas se permettre d'aller ailleurs. Cinq mille dollars, c'est vite dépensé.»

Comment éviter une situation pareille? C'est difficile, estime l'avocat. Il recommande de vérifier depuis combien de temps un promoteur est en affaires avant d'acheter. Quant aux projets immobiliers de plus de quatre étages, leur envergure entraîne souvent des délais inévitables. Mieux vaut prévoir le coup.