Une dizaine d'experts consultés par Mon Toit risquent des prédictions. Pas de maisons volantes ni de robot pour l'entretien ménager, mais des idées qui changeront notre conception de l'habitation. Les risques de se tromper sont grands, mais c'est avec plaisir, et un peu de folie, que ces spécialistes se sont prêtés à l'exercice.

Une dizaine d'experts consultés par Mon Toit risquent des prédictions. Pas de maisons volantes ni de robot pour l'entretien ménager, mais des idées qui changeront notre conception de l'habitation. Les risques de se tromper sont grands, mais c'est avec plaisir, et un peu de folie, que ces spécialistes se sont prêtés à l'exercice.

1. RETOUR AUX SOURCES

Lorsqu'il parle de la maison de l'avenir, l'architecte Daniel Pearl, cofondateur de la firme l'OEUF, ne parle pas de nouveaux produits ou de prouesses architecturales. Il s'intéresse plutôt à l'environnement, aux moyens de construire des maisons sans le mettre en péril.

«La maison de l'avenir ne vaut pas grand-chose s'il n'y a personne pour vivre dedans.» D'après son équipe et lui, on ne peut plus continuer de consommer au même rythme.

L'avenir est donc aux édifices recyclés, aux solutions écologiques et aux matériaux sains. Les architectes de demain, plus conscients des enjeux environnementaux, pourraient donc construire plus de maisons de ville autour d'espaces verts communs, des appartements dotés de jardins sur le toit et des édifices intégrés à l'environnement. Ils seront fenestrés côté sud, avec un grand arbre qui assure la fraîcheur l'été et qui laisse passer le soleil l'hiver.

Les architectes de l'OEUF croient aussi que les matériaux qui composeront la maison de demain seront plus naturels, plus résistants. Inutile alors de les remplacer régulièrement et de remplir les dépotoirs de matériaux bas de gamme qui ne supportent pas le poids des années.

«Les produits dérivés du pétrole sont encore abordables aujourd'hui, mais à court terme, à cause d'une pénurie inévitable, des matériaux comme le bois ou la pierre coûteront moins cher», espère l'architecte Luc Doucet.

En attendant, pour permettre aux propriétaires de prendre un virage écologique, la firme l'OEUF croit que l'aide du gouvernement est nécessaire. «Ça prend des subventions pour ramener les constructions vertes au prix des autres, affirme Daniel Pearl. Nous voulons prouver au gouvernement que ça coûte moins cher à la société de construire tout de suite d'une manière écologique, plutôt que de réparer les dégâts plus tard.»

La déco verte

Une enveloppe saine et durable, c'est bien, mais la designer d'intérieur Suzon Baron croit que la décoration doit aussi prendre le virage écologique, et vite. Pas dans 50 ans. «Il faut que les propriétaires se réveillent, affirme-t-elle. On ne pourra pas toujours acheter et jeter pour avoir une déco à la mode!»

Selon elle, la maison de l'avenir sera décorée de meubles recyclés. Plus conscientes de l'impact de leurs choix sur l'environnement, les générations futures se tourneront davantage vers des artisans qui mettront leurs meubles au goût du jour.

«Les matériaux naturels comme le bois et la pierre reviendront en force aussi dans nos intérieurs, poursuit M me Baron. Les décors du futur seront très chaleureux, le contraire des espaces artificiels et impersonnels des films de science-fiction!»

2. DES MAISONS QUI RAPETISSENT

En 1987, la superficie moyenne des maisons neuves était de 1200 pieds carrés. En 2005, elle était de 2000 pieds carrés. Dans 50 ans? Elle sera certainement plus petite, croit Sylvain Charrette, technologue pour Dessins Drummond.

«La tendance ne peut que s'inverser», affirme-t-il. D'après lui, le coût grandissant des matériaux dérivés du pétrole et les ménages de plus en plus petits forceront l'industrie à construire des maisons de taille réduite.

Paul Lewis, professeur à l'Institut d'urbanisme de Montréal, s'interroge aussi sur la grandeur des logements. «En même temps que la taille des ménages a diminué, la grandeur des logements a augmenté, constate-til. Il n'est pas rare de voir deux personnes partager un grand logement de sept ou huit pièces.»

Le grand défi du futur? Faire plus avec moins: des maisons plus petites, mais avec plus de rangement et plus de possibilités d'aménagement.

3. UNE MAISON INTELLIGENTE

Vous revenez de travailler par une journée glaciale, quelque part en 2051. Vous êtes épuisé. Qu'à cela ne tienne, votre maison vous attend et sait ce qui vous ferait plaisir.

Au moment où vous mettez la main sur la poignée de la porte, l'ordinateur central vous reconnaît. Automatiquement, l'ambiance de la maison se plie à vosmoindres désirs. Les lumières s'allument à 75% de leur intensité dans le passage et le salon, mais complètement dans la cuisine. Puis, la température ambiante grimpe à 23 degrés Celsius. La cafetière se met en marche et votre sélection musicale joue en sourdine pendant qu'un feu s'allume dans le foyer au gaz.

Rien à régler. Seulement relaxer.

Et si votre ado était là avant vous et que ses réglages n'étaient pas tout à fait compatibles avec les vôtres ? L'ordinateur pourrait établir une hiérarchie, et vous donner préséance sur lui. Ainsi, sa musique néo-hip-trash ne sera diffusée que dans sa chambre, comme vous en aurez préalablement convenu avec lui.

«C'est comme dans le film Retour vers le futur, quand un personnage dit "fruit" et que le plateau de fruits arrive, explique Jocelyn Ayotte, propriétaire de Technitel Solutions. La technologie est là, mais les propriétaires n'en voient pas encore la nécessité.»

D'après lui, la domotique la gestion automatisée des composantes de la maison est perçue à tort comme un luxe inutile. Au-delà des petits réglages personnels, cette technologie permet de grandes économies d'énergie.

«Par exemple, les propriétaires peuvent déjà demander à un ordinateur de baisser l'intensité de leurs lumières, tous les jours à 21h, raconte M. Ayotte. C'est encore anecdotique, mais dans un avenir rapproché, la grande majorité de la population optera pour la domotique.»

Le coût? Très abordable, assure-til. Actuellement, Technitel Solution installe un ordinateur central qui règle l'éclairage et le chauffage pour 800$. Dans les prochaines décennies, de plus en plus d'appareils pourront être reliés à l'ordinateur central, comme le four, les appareils audio, la télévision... et un aspirateur automatique qui se range tout seul après avoir complété sa besogne. Pourquoi pas?

Sécurité intelligente

D'après Jocelyn Ayotte, les propriétaires de demain bénéficieront d'un système d'alarme central pour protéger tous leurs biens : la voiture, la maison, le chalet, le bateau... Ainsi, chaque fois qu'une anomalie surviendra quelque part, ils seront avisés par téléphone immédiatement.

«Tous les systèmes d'alarme fonctionneront avec la reconnaissance vocale, croit M. Ayotte. Nous pourrons activer certaines zones de protection à distance, sans avoir à nous déplacer pour permettre à quelqu'un d'entrer chez nous.»

Ainsi, dans quelques décennies, un propriétaire pourra demander à son système d'alarme central de déverrouiller la porte principale de sa maison pour laisser entrer un visiteur, mais ne lui permettre d'accéder qu'au salon et à la salle de bains.

4. CE WEEK-END, ON CHANGE LES MURS DE PLACE!

Dans la seconde moitié du XXIe siècle, la naissance d'un enfant n'entraînera pas nécessairement un déménagement. En une journée, les parents pourront déplacer des murs, en ajouter un ou deux en quelques tours de tournevis, et hop! une nouvelle chambre apparaîtra.

«Plusieurs grandes entreprises utilisent déjà des murs amovibles pour créer des espaces de bureau. L'apparence de ces murs va s'améliorer, et les propriétaires pourront à leur tour décider eux-mêmes des divisions de leur maison», croit Avi Friedman, directeur du programme de la maison abordable à l'Université McGill et auteur d'études sur l'autoconstruction.

D'après lui, dans les prochaines décennies, les consommateurs achèteront des ensembles de fabrication de murs à bas prix dans les magasins à grande surface. Le procédé sera aussi simple que demonter un meuble.

Technologue pour Dessins Drummond depuis 20 ans, Sylvain Charrette croit lui aussi que la maison de demain sera plus flexible. «C'est aberrant d'avoir à entreprendre des travaux importants juste pour agrandir ou ajouter une pièce, affirme-t-il. Dans l'avenir, les familles, les célibataires et les couples pourront adapter leur intérieur selon leurs besoins, au fur et à mesure que leur situation changera.»

Le coût des maisons pourrait alors baisser, espère Avi Friedman. «Les nouvelles constructions pourraient n'avoir presque aucune cloison à l'intérieur, conçoit-il. Les acheteurs ajouteraient des pièces au fur et à mesure qu'ils en auraient les moyens financiers. C'est comme ça qu'on permettra à de plus en plus de personnes d'accéder à la propriété.»

5. ADIEU RIDEAUX!

Dans le futur, l'homme pourrait bien ne plus avoir à épousseter ses stores. À l'aide d'un simple interrupteur, il lui sera possible d'éclaircir ou d'opacifier le verre des fenêtres. La fin des rideaux? Plutôt le début d'une tendance déco.

Ce type de fenestration, appelée Priva-Lite, existe déjà. Le fabricant belge Saint-Gobain n'a toutefois pas encore réussi à rendre son produit abordable. Une fenêtre de 15 pieds carrés coûte 3000$, installation non comprise.

Cependant, Marc-André Corbeil, président d'Euroverre, détaillant des produits Saint-Gobain, est persuadé que dans l'avenir, ce verre sera moins cher, et que les propriétaires le préféreront aux rideaux.

«Avec ce type de fenêtre, on peut dire adieu à la poussière!» lance-t-il.

Pour arriver à passer d'un verre opaque à un verre totalement transparent, l'entreprise y a inséré un film de cristaux liquides. Lorsqu'il n'y a aucun courant, les molécules de cette mince couche sont désordonnées et créent un voile givré qui bloque la vue. Avec une faible tension électrique, elles s'alignent et rendent le verre aussi transparent qu'une vitre conventionnelle.

Des hôpitaux ont déjà opté pour le verre Priva-Lite plutôt que pour des rideaux qu'il faut entretenir. Des entreprises s'en servent aussi comme écran de projection design.

«Pour le moment, l'utilisation de ce verre est encore marginale, note M. Corbeil. Par contre, dans l'avenir, on verra de plus en plus de personnes l'intégrer à leur décor. Ça va commencer par des demi-fenêtres, et à mesure que les prix vont baisser, de plus en plus de consommateurs vont pouvoir en installer dans toutes leurs fenêtres.»

6. VERS DES AMPOULES DURABLES

Présentement, une poignée d'entreprises essaient, à coup de milliards, de gagner une course cruciale. C'est à qui rendra l'éclairage des diodes électroluminescentes (DEL) aussi efficace et abordable que celui des ampoules incandescentes.

«L'avenir de l'éclairage passe inévitablement par les DEL», affirme Robert Lanteigne, designer en éclairage. Beaucoup moins énergivore, petite et durable, cette ampoule, qui sert surtout de voyant lumineux sur les appareils électroniques, possède tous les atouts pour un jour séduire les consommateurs.

Ne reste qu'à créer la technologie. Les diodes sur le marché ne servent que d'éclairage d'appoint, et doivent être regroupées pour éclairer suffisamment une pièce. Elles coûtent aussi au moins trois fois plus cher qu'une ampoule conventionnelle.

Actuellement, des chercheurs mettent au point une DEL plus puissante, qui consomme cinq watts d'énergie, et dégagera autant de lumière qu'une ampoule incandescente de 100 watts. En prime, elle sera au moins 10 fois plus durable.

«La DEL consomme tellement peu d'énergie qu'un simple panneau solaire pourra un jour permettre d'éclairer la maison le soir venu, croit M. Lanteigne. C'est énorme comme progrès !»

Et la couleur fut!

Autre avantage de la diode: elle peut recréer toutes les couleurs du spectre de la lumière. «Dans l'avenir, la diode électroluminescente pourra remplacer la peinture, lance Fabrice Pellegrino, président de Vertex, une entreprise spécialisée dans la mise au point d'éclairages. On n'aura qu'à en installer dans un mur transparent, et décider au jour le jour de la couleur du décor !»

Robert Lanteigne ajoute qu'à la limite, en utilisant les principes de chromothérapie, les générations qui suivent pourront soigner leurs maux physiques et psychologiques en s'exposant à des diodes colorées pendant leur sommeil.

7. DU VERRE DU PLANCHER AUX FENÊTRES

La prochaine génération pourrait bien prendre un bain de soleil... confortablement assise dans son sous-sol ! Le verre, omniprésent dans l'enveloppe des bâtiments, fera une percée dans les revêtements de planchers au cours des prochaines décennies.

«On voit de plus en plus de personnes qui installent des dalles de verre dans leur plancher. Cette insertion permet à la lumière de passer directement à l'étage en dessous. C'est comme une fenêtre, finalement», explique Marc-André Corbeil, président d'Euroverre.

Dans l'avenir, croit-il, les planchers de verre pourraient gagner en popularité. Pour leur esthétisme, d'abord, mais aussi pour leurs qualités énergétiques.

Le verre laisse passer les précieux rayons du soleil, et permet ainsi de diminuer la consommation d'électricité pour s'éclairer. Mieux, il peut maintenant être lui-même une source de chaleur. Le verre chauffant existe déjà, et peut même être utilisé comme fenêtre.

«C'est tellement design et pratique à la fois! Je suis persuadé que ce produit aura un brillant avenir. Déjà, on voit des personnes se procurer des panneaux de verre radiants pour remplacer leurs calorifères», poursuit M. Corbeil.

Actuellement, ces plinthes chauffantes coûtent environ 1800$ chacune. Marc-André Corbeil peut par contre aisément concevoir que dans 50 ans, ce produit se retrouvera dans la majorité des foyers.

8. L'EFFET «BABY-BOOMERS»

Qu'arrivera-t-il lorsque les baby-boomers auront 100 ans? Les générations qui suivent hériteront-elles d'un surplus de maisons? Kevin Hughes, économiste à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, croit que seule une immigration importante pourra empêcher une chute des prix.

«Je pense qu'il peut y avoir une montée considérable de la revente quand les babyboomers vont quitter leurs maisons, croit M. Hughes. On peut donc anticiper que la construction de maisons individuelles sera moins importante dans les prochaines décennies.»

Pas de panique, tempère-t-il. Les gouvernements, en favorisant la venue d'immigrants pour combler cet écart démographique, peuvent éviter la catastrophe. Il croit par contre que dans l'avenir, on verra davantage de maisons louées et même prêtées à leur successeurs par des personnes âgées.

«Si elles veulent toutes vendre en même temps pour partir en appartement ou en foyer, on n'échappera pas à une correction majeure du marché, explique M. Hughes. Cependant, tout porte à croire que les baby-boomers vont retarder le plus possible le départ de la maison, en préconisant les soins à domicile. Dans ce cas, le déplacement démographique se fera graduellement et dérangera moins le marché immobilier.»