Au moment de se lancer, les gens me posent souvent la même question: «Quoi faire? Par où commencer?» Ils ont déjà fait un bout de chemin. Mais ils ont besoin d'aide pour continuer.

Au moment de se lancer, les gens me posent souvent la même question: «Quoi faire? Par où commencer?» Ils ont déjà fait un bout de chemin. Mais ils ont besoin d'aide pour continuer.

Ma façon d'aborder un projet résidentiel est très personnelle. Elle ne convient pas à tous, mais elle peut certainement servir de repère.

Pour nous aider à réaliser la maison de nos rêves, il ne faut pas hésiter à consulter quelques livres et revues.

Bâtir son environnement, c'est modifier sa vie. On ne réalise pas à quel point les espaces conditionnent notre façon d'être. J'ai vécu quelques années à l'étranger et j'ai toujours été fasciné de constater que les gens ne sont pas tout à fait les mêmes selon la ville, le lieu où ils se trouvent. Il suffit d'observer ses amis au chalet pour se rendre compte qu'ils ne sont pas les mêmes qu'en ville. La vie s'organise différemment.

Il y a des lieux où l'on se sent bien, d'autres, moins. Réaliser sa maison, c'est vouloir édifier un chez-soi où la vie apparaîtra sous un jour meilleur, où les espaces correspondront le mieux possible à notre façon d'être et d'évoluer. La volonté de passer à l'action résulte souvent de changements à venir: l'arrivée des enfants, la préretraite, le travail à domicile. Un élément déclencheur nous pousse alors à s'embarquer dans l'aventure d'une maison sans trop savoir ce qui nous attend.

Temps et énergie

Dès le départ, il faut réaliser qu'un tel projet demande temps et énergie. On ne veut pas faire faire le projet entièrement par d'autres, car le résultat ne ressemblera pas à ce qu'on avait imaginé. Il faut donc s'investir pour bien définir ce que l'on veut et adapter les plans à nos exigences et à notre budget. Les gens sont souvent étonnés d'apprendre que le temps de conception de la maison est généralement aussi long que celui de la construction.

Il importe d'abord, entre les futurs occupants, de définir leurs rêves et de les harmoniser. Deux personnes ou les membres d'une même famille n'ont pas nécessairement les mêmes besoins. C'est pourquoi, dès la première rencontre et même quelques fois par la suite, j'aime bien réunir tout le monde. C'est étonnant comme parfois la réflexion d'un enfant peut modifier le cours des choses. L'échange, l'écoute sont très importants.

Le but de la démarche n'est donc pas esthétique. On cherche à créer un milieu de vie, pas un look à la mode dont on se lassera rapidement. Un projet réussi, c'est la rencontre d'un rêve partagé, d'un site approprié et d'un concepteur.

L'architecte met en forme tout cela. Il crée des espaces qui rendront la vie plus agréable. Pas trop d'espace, ni trop peu. Il doit trouver l'équilibre qui conviendra aux occupants.

Je suis toujours étonné de constater la diversité des désirs. Des grandes chambres ou des petites, des espaces en double hauteur, des séjours ouverts, des cuisines fermées...

En famille, il faut tenter de décrire la maison dont on rêve en fonction de ce que l'on veut y faire.

Il faut imaginer le scénario idéal d'une journée, du lever au coucher: prendre le café avec le soleil du matin tout en regardant le jardin, préparer le dîner en écoutant de la musique, faire les devoirs avec les enfants dans le coin bibliothèque, prendre l'apéro avec les amis autour de l'îlot de la cuisine, lire auprès du feu...

Un site inspirant

Le choix du site est également un élément clé dans toute cette entreprise. À la ville, à la campagne, jardin avec vue ou jardin secret, la relation au site est pour moi un des éléments qui font toute la différence.

Une maison plus petite judicieusement ouverte sur son environnement donne un sentiment d'espace comparable à des habitations beaucoup plus grandes, mais qui ne connectent pas avec le milieu.

L'architecte sait créer cet effet d'interrelation avec l'extérieur au besoin. Choisir un site, c'est trouver un lieu qui nous inspire.

Choisir un architecte, c'est trouver un professionnel qui sera de bon conseil et qui saura écouter et guider. Il faut pendre le temps d'en rencontrer quelques-uns pour discuter et sentir si le courant passe bien.

Pour ma part, lors des premières rencontres, je montre des photos, des dessins et des maquettes qui peuvent inspirer les futurs propriétaires.

Petite liste

Je leur demande aussi de constituer un petit recueil de ce qu'ils aiment. Cette phase préparatoire pourrait se résumer ainsi.

D'abord, on tente individuellement de résumer sur une page les éléments qu'on juge importants dans le projet. Ensuite, on présente ses points au conjoint ou au reste la famille. On doit toujours rester à l'écoute des besoins de chacun, même si on est en désaccord.

Avec le temps et plusieurs discussions, il faut en arriver à une liste conjointe ou même partagée sur papier. Pour s'aider, il ne faut pas hésiter à consulter quelques livres et revues pour se constituer un recueil.

Après cet exercice, tout est beaucoup plus facile quand je rencontre les gens. Il est souhaitable de partager la même vision du projet, car sinon, le choc risque d'être pénible.

Un peu plus tard dans la démarche, je leur fais parfois visiter un projet réalisé pour en discuter avec eux et leur faire «goûter» l'espace.

À ce stade des choses, il est important de ne pas se perdre dans les détails et la quincaillerie. Il faut se concentrer sur des objectifs communs, le type d'espace qu'on désire.

De cette vision partagée découleront bien des choix et donc un projet plus cohérent.

J'espère que vous comprenez à quel point il importe de s'engager dès l'étape préliminaire et qu'elle garantit, bien souvent, le résultat.

Dans la chronique du mois prochain, il sera question de la relation avec le site choisi.

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Pierre Thibault, architecte renommé de Québec, a accepté l'invitation du Soleil de livrer une série de chroniques sur son métier et de partager son expérience du milieu de l'habitation. Diplômé de l'Université Laval en 1982, M. Thibault y enseigne aujourd'hui. Il a réalisé une vingtaine de projets d'envergure, surtout des bâtiments à caractère scientifique ou culturel. Il donnera dans les prochains mois sa vision de l'architecture résidentielle, qu'il aborde de façon très personnelle. Pierre Thibault proposera aussi à l'occasion une incursion dans l'architecture étrangère.