À celle du Vieux-Port, à Québec, c'est un véritable village qui s'active sitôt le retour des beaux jours. Les quais flottants deviennent alors des rues, les bateaux à moteur et les voiliers, des immeubles, tandis que l'été bat son plein dans la capitale.

À celle du Vieux-Port, à Québec, c'est un véritable village qui s'active sitôt le retour des beaux jours. Les quais flottants deviennent alors des rues, les bateaux à moteur et les voiliers, des immeubles, tandis que l'été bat son plein dans la capitale.

Entre les embarcations, les discussions sont franches de part et d'autre des longues allées de bois. Certains plaisanciers mangent, d'autres se prélassent au soleil un verre à la main, comme on le ferait à une terrasse, pendant que les enfants jouent à la table du pont supérieur.

«Pour plusieurs, ça devient leur résidence d'été», constate Kathleen Paré, directrice de la marina de Québec. «C'est un peu comme un chalet!» Avec un achalandage qui atteint 4000 nuitées par saison, le site plaît. Les 410 emplacements sont convoités et ne suffisent plus. Une liste d'attente est en place pour ordonner le passage des vacanciers. «On n'est plus capable de répondre à la demande», souligne Mme Paré.

D'autant plus qu'il y a 320 membres qui sont à l'eau cet été. Si plusieurs ne font que passer, d'autres arrivent sitôt l'ouverture printanière, début mai, pour ne quitter qu'à l'automne, au mois d'octobre.

Goût de l'eau

Voilà quatre ans que les Boucher ont choisi ce véritable mode de vie. L'hiver sur la terre ferme dans leur maison à Beauport, l'été à bord de leur imposant yacht de 40 pieds. «C'était ça ou un de ces condos», lance Alain Boucher, en pointant un complexe résidentiel qui borde le bassin Louise. «Il faut que je sois près de l'eau», précise l'enseignant, dont les racines nautiques tirent leurs origines du Bas-du-Fleuve. «Là-bas, ce serait considéré comme une chaloupe», rigole le capitaine du Northway III. Pourtant, la «résidence secondaire» - qui vaut autour du demi-million $ - n'a rien d'une coque de noix!

Après deux ans sur un navire plus modeste, M. Boucher et sa conjointe Liette ont fait l'acquisition de leur yacht actuel. «Il a fallu trois ans de recherche», rappelle la dame qui travaille également dans le domaine de l'enseignement. «On voulait un bateau qui serait confortable, avec deux chambres», relate la plaisancière. «Et un moteur diesel», complète M. Boucher, en faisant allusion au prix actuel de l'essence.

à bord, toutes les commodités sont réunies. Four à convection, micro-ondes, bain, air climatisé (ou chauffage!), cinéma maison avec télé satellite et Internet sans fil font partie du quotidien.

Ils ont même l'aspirateur central! Le couple admet qu'il n'y a rien d'extraordinaire dans tout ça, si l'on compare avec ce qui est vendu sur le marché pour les motorisés. Des détails qui rendent la vie agréable, peu importe les distances parcourues sur le bitume ou les flots.

«La circulation, les embouteillages, on ne voulait pas faire de la route», explique Liette pour justifier le choix du yacht au lieu de la caravane. D'autant plus que ce moyen de transport permet, au-delà du contact intime avec le fleuve, plus de liberté, juge-t-elle. En effet, selon l'humeur, il sera possible de vivre en bon voisinage à la marina, ou de s'extraire de la société, à l'ancre quelque part sur le Saint-Laurent.

Encore tous les deux à quelques années de la retraite, Liette et Alain apprécient cet air de vacances, qui les envahit, sitôt qu'ils foulent le pont de leur bateau, après le boulot. «J'ai mon rêve au bout du quai», dit M. Boucher.

Camping

«Tu te promènes avec ta maison», illustre quant à elle Diane Lord, une voisine des Boucher dans le Vieux-Port. La femme de Trois-Rivières a établi ses quartiers d'été à Québec, il y a trois ans. Hygiéniste dentaire, elle se déplace avec son petit chien, dès que son horaire le lui permet, en attendant ses vacances d'été. On vient à la marina comme s'il s'agissait d'un terrain de camping, décrit-elle en pointant les voisins, souvent les mêmes de saison en saison, qui animent le secteur où est amarré son yacht.

«C'est la vie au fil de l'eau», résume Liette, avec une étincelle dans le regard. C'est tout ce qui fait la beauté du nautisme, indique à son tour le discret propriétaire d'un imposant voilier de 48 pieds. Désirant conserver l'anonymat, l'homme de Québec s'enthousiasme à l'idée de mettre enfin à l'eau le navire qu'il restaure depuis plus de 20 ans! Au-delà de 15 000 heures à peaufiner son rêve qui devrait devenir une réalité sur le fleuve au mois d'août.

Conscient que la vie sur un bateau possède ses contraintes, il n'en minimise pas moins les plaisirs. Bien au contraire. «On dit qu'un voilier rapetisse d'un pied par jour en mer», lance mi-sérieux le passionné de voile. Ça reste un espace clos, mais qui donne sur tout l'extérieur! Et c'est ce contraste, axé sur la vie en plein air, qui attire les plaisanciers, pense-t-il. Notamment, la voile qui compterait plus de familles dans ses adeptes depuis quelques années, observe-t-il. Il se réjouit que la navigation de plaisance se démocratise enfin.

Dans l'aménagement de son navire, il s'est fait plaisir en maximisant l'espace habitable, avec soin. Vie professionnelle oblige, il ne compte pas déménager à bord. Cependant, il a bien l'intention d'en faire une fabuleuse résidence secondaire. Une demeure bien méritée après tout ce temps dépensé à faire revivre le grand voilier.

Conseiller maritime

Achat important à ne pas prendre à la légère, un navire qu'on habite ne s'acquiert pas sur un coup de tête. Et pour s'assurer que tout soit fait dans les règles de l'art, il est possible de recourir à l'aide de spécialistes. Raymond Hébert, d'Hébert et Associés à Montréal (www.hebertmaritime.com), est un des oiseaux rares du domaine au Québec.

Recherche de titre de propriété, immatriculation ou rapatriement de navire acheté à l'extérieur du Canada ne sont que quelques-unes des tâches qui occupent le quotidien de l'équipe Hébert.

Une espèce d'agent d'immeubles pour bateaux? «Pas tout à fait», clarifie M. Hébert. «On agit plutôt comme un chef d'orchestre pour s'assurer que tout est en règle.» Au total, 12 000 transactions ont été effectuées depuis 16 ans. «Disons qu'on a une certaine réputation», affirme sur un ton modeste celui qui se présente comme un «conseiller maritime» et qui se spécialise dans «les cas compliqués».

Sa clientèle est constituée de gens qui s'entichent habituellement de bateau de 50 000 $ et plus. «Bref, quand ça commence à être stressant», laisse tomber l'ancien banquier. Sinon, la démarche s'apparente sensiblement à celle de l'achat d'une maison, offres d'achat et tout, raconte M. Hébert. Quelque 11 400 embarcations à moteur et à voile de plus de 30 pieds seraient enregistrées au Québec, selon les données obtenues en 2004 par les sondeurs du Print Measurement Bureau.

Au Mouvement Desjardins, une «hypothèque maritime» est offerte pour l'achat de navires commerciaux, tandis que les particuliers doivent se tourner vers un prêt personnel assorti d'une hypothèque mobilière, moins restrictive. Des transactions qui demeurent tout de même marginales aux caisses, évalue Nathalie Genest, porte-parole pour l'institution financière.

Et nul besoin d'être millionnaire pour prendre le large. Une question de choix, fait remarquer Alain Boucher, qui n'a pas hésité à travailler de longues heures pour vivre son rêve. Car comme il le souligne, à chacun ses passions. Alors que le prix d'une saison à quai oscille habituellement entre 1200 $ et 1800 $, le capitaine du Northway III fait cette comparaison : «Une fois le bateau acheté (un investissement qui perdrait bien peu de sa valeur, paraît-il), les frais d'opération sont moins élevés que ce que ça nous coûterait si on jouait au golf!»

Et à voir le plaisir du couple à bord, il est évident qu'il ne troquerait pour rien au monde la barre pour un putter.