Bordé par le fleuve, avec le montagne qui la domine, Montréal se distingue déjà par un «site naturel extraordinaire». L'architecture ajoute à cela. «Montréal est une très belle ville. Avec tous les projets qui s'y font, elle change, on sent qu'elle vit, que nous ne sommes pas dans un musée», observe celui qui travaille à son compte depuis six ans.

Bordé par le fleuve, avec le montagne qui la domine, Montréal se distingue déjà par un «site naturel extraordinaire». L'architecture ajoute à cela. «Montréal est une très belle ville. Avec tous les projets qui s'y font, elle change, on sent qu'elle vit, que nous ne sommes pas dans un musée», observe celui qui travaille à son compte depuis six ans.

L'architecte de 39 ans a obtenu le prix Métropole de l'Institut- ex aequo avec l'équipe derrière la TOHU, la cité des arts du cirque- pour ses travaux rue Saint-Urbain, dans la Petite Italie. Il a transformé un ancien entrepôt en trois logements. L'un d'eux est le sien. Ceux qui passent par là auront remarqué la façade de brique noire et d'acier oxydé de couleur orangée, très minimaliste, de l'immeuble.

M. Cleinge ne croit pas que les plus belles maisons et les plus beaux quartiers de la ville soient nécessairement à Outremont ou Westmount. S'il aime beaucoup le Vieux-Montréal, il considère d'autres secteurs, comme le Plateau, «plus intéressants». «J'aime le mélange hétéroclite. C'est pour ça que j'aime les quartiers à l'est de la montagne. On sent le côté cosmopolite dans l'architecture, les différentes époques. Il y a beaucoup de couches et ça rend le tout très éclectique», lance l'architecte, volubile sur le sujet.

Ville d'adoption

Montréal, il est venu y habiter non pas pour le travail, mais pour la ville elle-même. Une ville dynamique, dont il parle presque avec amour. «C'est comme au niveau des restaurants, ici, on peut goûter à plusieurs saveurs de la vie», remarque l'architecte.

Né à Paris, d'un père belge et d'une mère d'origine égyptienne, Henri Cleinge et sa famille traversent l'Atlantique lorsqu'il a 9 ans pour s'établir à Ottawa.

C'est à la fin de ses études à l'Université Carleton qu'il choisit de vivre dans la métropole québécoise. «Ottawa a un autre esprit. Je crois qu'en général, Montréal est plus éclaté. Il y a plus de risques qui se prennent ici, et ce, dans toutes les disciplines», dit-il.

Ce qui vaut, bien sûr, pour l'architecture. Selon lui, ses artisans ont le devoir de faire un virage vers la modernité et de se réinventer. «Je dis souvent que, si on écrit un livre, on va le faire dans un style contemporain et non pas plagier un ancien style», croit Henri Cleinge.

Il souhaiterait seulement voir davantage de projets architecturaux audacieux, un peu comme la Grande Bibliothèque du Québec. «Montréal devrait favoriser les architectes qui ont une vision plus contemporaine plutôt que de préserver une vision traditionnelle», croit-il.

Toutefois, pas question de tout raser, le nouveau et l'ancien pouvant se côtoyer sans détonner. «Les architectes réussissent très bien à marier les deux. Je crois qu'on peut utiliser un langage contemporain, plus dépouillé, plutôt que classique, avec des moulures et des colonnes par exemple», croit le Montréalais à l'accent indéfinissable.

Aussi, il estime qu'il faudrait davantage promouvoir le talent local, montréalais ou québécois, plutôt que d'engager des architectes étrangers de renom pour des projets d'envergure.

Selon Henri Cleinge, la ville n'est ni américaine ni européenne, en étant un peu des deux tout à la fois. Un caractère unique, donnant d'ailleurs lieu à «l'architecture montréalaise», qui se distingue de celle de Vancouver ou Toronto. «On a un modernisme montréalais, on parle de simplicité. Le volume est très simple, bien pensé, c'est subtil comme expression. Beaucoup de rénovations se font et on garde des matériaux comme le béton et l'acier», explique ce passionné.

Cette tendance, on la retrouve dans les travaux d'architectes comme ceux de Saucier+Perrotte, qui ont créé la Cinémathèque québécoise et l'usine C, ou encore ceux de l'Atelier In situ.

Maison de rêve

Lui-même n'échappe pas aux influences montréalaises avec le projet 6747 à 6759 Saint-Urbain, qui lui a valu le prix de l'Institut de design.

C'est en 2003 que Henri Cleinge visite cet ancien entrepôt de vins, dans la partie industrielle de la Petite Italie. L'endroit était dénué de charme, se rappelle-t-il, sa seule qualité étant l'espace, avec ses quelque 80 pieds de façade. Ce qui ne l'a pas empêché d'être inspiré par l'endroit. «Après ma visite des lieux, de retour au bureau, j'ai fait des croquis.»

Comme, pour ce projet, il était à la fois architecte et client, Henri Cleinge a joué d'audace en y incorporant notamment des matériaux peu utilisés. «Je voulais explorer et m'exprimer», dit celui qui travaille surtout à des projets résidentiels.

Après une «transformation extrême» des lieux, il a fait de l'entrepôt trois logements. L'un d'eux est devenu son nouveau chez-soi, où toutes les pièces sont à aire ouverte, à l'exception de deux petites chambres fermées à l'étage. «C'est l'ampleur de l'espace qui comptait le plus. À l'intérieur, il y a un puits de lumière, qui fait une ouverture vers le ciel», dit Henri Cleinge.

L'endroit fera envie à plusieurs. Peut-être moins pour sa façade de brique noire et d'acier oxydé que pour sa gigantesque bibliothèque, haute de 16 pieds! Une passerelle permet d'atteindre les tablettes supérieures. L'amateur de livres, qui collectionne autant ceux traitant de l'art que de l'architecture, y range des milliers d'ouvrages. «Plusieurs d'entre eux appartenaient à mon père. J'ai d'ailleurs d'autres bibliothèques dans la maison!», note l'inconditionnel de Milan Kundera.

Il aimerait, encore une fois, laisser son imagination complètement guider ses croquis. Des projets destinés à d'autres plutôt qu'à lui-même, toutefois, car l'architecte veut profiter au moins quelques années de sa «maison de rêve urbaine».