La douche est plutôt froide. Et si certains croient être indifférents à ce genre de situations, d'autres le sont moins. Tracy Dandurand et Serge Gagnon l'ont vécu il y a quelques années, dans les Laurentides. Leur coup de coeur a vite passé. «Ç'a a cassé notre trip», ont-ils témoigné devant le comité disciplinaire de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ). Car ils ont déposé une demande d'enquête...

La douche est plutôt froide. Et si certains croient être indifférents à ce genre de situations, d'autres le sont moins. Tracy Dandurand et Serge Gagnon l'ont vécu il y a quelques années, dans les Laurentides. Leur coup de coeur a vite passé. «Ç'a a cassé notre trip», ont-ils témoigné devant le comité disciplinaire de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ). Car ils ont déposé une demande d'enquête...

Comme chaque acheteur qui la visite, une maison a sa petite histoire. Autour d'elle flotte une aura parfois rose, parfois noire. Certains accordent beaucoup d'importance à ces «bonnes ou mauvaises ondes», selon leur religion, leurs croyances, leur culture et leurs superstitions. Mais à quel point agents et courtiers doivent-ils informer leurs clients de tout ce qui pourrait les affecter?

A priori, les acheteurs posent bien peu de questions, sinon aucune, sur l'historique de la maison, indique Luc Mailloux, directeur de Royal LePage InterQuébec, bureau de Sainte-Foy. Selon lui, le «vécu» de la propriété a un impact sur une infime portion de la population.

Arlette Imbert, copropriétaire de Remax 1er Choix, est plus nuancée. L'effet sur l'acheteur n'est pas le même selon ce qui est annoncé. Il y a des drames qui stigmatisent la maison. Mme Imbert affirme que 98 % des gens n'y sont pas indifférents. «Même que 70 % disent non d'office quand il y a eu un meurtre ou un suicide.» Si l'événement s'est produit il y a de nombreuses années, l'impact est moins grand, croit pour sa part M. Mailloux.

Mais peu importe les questions ou les dispositions des clients, il faut les informer, s'entendent les experts. L'agent immobilier a en effet le devoir de le faire, rappelle l'ACAIQ. «La transparence ne fait pas mal. Ce n'est pas l'agent qui a à décider ce qui est bon ou non pour l'acheteur», insiste le syndic de l'Association, François Pigeon.

La propriétaire qui a vendu sa maison aux Dandurand-Gagnon est agente immobilière et était alors l'«agent inscripteur». Le comité a statué qu'elle avait failli aux articles 26 et 28 des règles de déontologie de l'ACAIQ en déclarant aux acheteurs que son fils était mort dans un accident de voiture et non qu'il s'était suicidé. «Elle n'a pas informé avec objectivité les contractants pressentis d'un fait pertinent à la réalisation de la transaction et/ou d'un facteur dont elle avait connaissance qui pouvait affecter défavorablement les parties ou l'objet même de la transaction», est-il écrit dans la décision publiée dans le site www.acaiq.com.

En 2004, deux autres agents ont été reconnus coupables des mêmes manquements concernant un suicide, indique M. Pigeon. L'un d'eux a déjà reçu sa sanction et a dû payer une amende de 2000 $. Les gens qui ont déposé une demande d'enquête à l'ACAIQ n'ont reçu aucune compensation (on est ici en droit disciplinaire). Mais ils cherchaient à tourner la page et ne voulaient pas que d'autres se retrouvent dans la même situation.

L'impact peut être bien réel quand les copains de l'école disent au fils que sa maison est hantée, que la petite gardienne n'est jamais disponible le soir, rapporte Mme Dandurand. Si son mari et elle avaient su, jamais ils n'auraient acheté, dit-elle. Le couple a finalement déménagé après avoir vendu au premier acheteur. Mme Dandurand évalue à 7000 $ les pertes encourues dans toute cette histoire.

Il ne semble pas y avoir de jurisprudence civile à l'effet qu'une vente ait été annulée pour ce type de raison (qui ne serait d'ailleurs pas un vice caché). Mais le risque d'être poursuivi existe, rappelle M. Pigeon.

S'il s'est produit dans la maison un meurtre ou même une mort accidentelle, par exemple si le propriétaire est décédé en manquant une marche de l'escalier, il faut aussi le dire, ajoute-t-il. Les morts naturelles ne sont toutefois pas à signaler. Quant aux présumés fantômes, si on a entendu parler de quelque chose, on n'a pas à le cacher, croit le syndic.

M. Pigeon précise que les membres de l'ACAIQ ont l'obligation d'entreprendre des démarches pour découvrir toute information susceptible d'affecter leur client. «Mais la question (sur un événement tragique) n'est pas clairement posée dans le formulaire de déclaration du vendeur. On ne parle pas de problèmes psychologiques, mais plutôt de problèmes affectant l'immeuble. Il reste toujours la section «Autres», mais rien n'est précisé.» Le syndic pense toutefois que ce type de déclaration deviendra obligatoire.

Par ailleurs, la valeur d'une maison où s'est produit un meurtre ou un suicide ne chute pas forcément. L'évaluateur agréé Carl De Rico indique que le prix d'achat peut diminuer jusqu'à 10 %, mais pas de façon automatique. Pour vendre immédiatement, le veuf ou la veuve peut cependant être prêt à baisser le prix, indique l'évaluateur. Tout dépend en fait de la situation et de la violence des événements, si le crime a été médiatisé, etc.

Maison de célébrité

Voilà pour le côté plus sombre dans la petite histoire d'une maison. Mais il y a aussi toutes ces demeures dont les murs ont été témoins de belles et grandes choses. Si un personnage historique ou une célébrité a habité les lieux, l'impact est alors bien différent. Il soulève avant tout de l'intérêt, de la curiosité, croit Mme Imbert.

«Les gens s'imaginent alors s'asseoir à la même fenêtre inspirante que tel ou tel grand nom. Les visites sont souvent plus longues. Les clients veulent s'imprégner de l'atmosphère et de l'histoire. Les Québécois sont très sensibles à ça.»

L'attrait s'arrête là. La valeur de la maison n'augmente pas pour autant, précise M. De Rico.

Les propriétaires du 91 bis, rue D'Auteuil, où René Lévesque louait un appartement, ne pensent pas que leur demeure ait pris du galon parce que l'ex-premier ministre québécois (qui était leur ami) y a vécu. Et ce, même avec la plaque honorifique fixée au mur extérieur et les nombreux touristes qui s'y arrêtent. «Après tout, il y a bien des fédéralistes qui ne l'aimaient pas», dira avec humour la propriétaire. La maison est appréciée pour ce qu'elle est, point, croit-elle. D'ailleurs, l'espace est actuellement loué à un député... libéral.

Sur la rue de l'Espinay, l'histoire d'une maison a toutefois conquis un acheteur français. La demeure apparaît dans le film La Loi du silence, d'Hitchcock. Ce «charme» particulier l'a incité à signer l'acte de vente il y a plusieurs années. «Lui avait été très sensible à ça», raconte l'actuelle propriétaire, Isabelle Simard, qui a conservé des clichés de la séquence du film montrant la demeure.

Propriétaires, gardez donc les annales de votre maison. On ne sait jamais.