Votre bouleau se meurt et vous ne comprenez pas pourquoi? Eh bien vous n'êtes peut-être pas au bout de vos peines... Heureusement, il y a de l'espoir!

Plusieurs amateurs de jardinage appréhendent la mi-avril. Même ceux qui, comme moi, ont aménagé leur jardin dans le but d'attirer les oiseaux. Dans quelques jours, le pic maculé fera son apparition. On devrait avoir toutes les raisons de se réjouir, d'autant plus qu'il nous arrive d'aussi loin que d'Amérique centrale ou des Antilles. Mais voilà, ce pic est un vampire!

Contrairement à ses cousins à long bec qui se contentent d'insectes ou de petits fruits, le pic maculé préfère sucer le «sang» de nos arbres. Tous ces petits trous bien alignés, autant à l'horizontale qu'à la verticale, dans l'écorce de votre bouleau, de votre pommier ou de votre pin, c'est lui. D'innombrables espèces végétales figurent à son menu, même les palmiers. Notre vampire boit la sève qui s'échappe de ces minuscules cavités, que l'on compte parfois par centaines sur un arbre. Théoriquement, à son arrivée, en avril, il se nourrit surtout de fourmis qu'il trouve dans le sol. Mais il faut se rendre à l'évidence: sous nos latitudes, les insectes sont encore rares à cette époque de l'année, alors que les arbres regorgent de sève.

Le pic poursuit son festin tout l'été jusqu'à son départ, en début d'automne. Plus encore: quand il se nourrit de cinq ou six petits d'insectes, un repas riche en protéines, il ne manque pas d'y ajouter chaque fois quelques gouttes de sève. Il niche généralement à proximité de ses arbres préférés.

L'extrémité de sa langue en forme de pinceau lui permet une récolte facile. Certains chercheurs estiment que l'oiseau produit une substance qui empêche la plaie de sécher trop rapidement, exactement comme le vampire - pas le célèbre Dracula de Transylvanie, mais les vraies chauves-souris vampires de l'Amérique tropicale.

Et pour continuer l'analogie, le problème n'est pas tant le fait que le pic maculé extirpe de la sève; c'est qu'il nuit au système circulatoire de l'arbre, ce qui le rend plus faible, plus sujet aux maladies et à l'attaque d'insectes. Dans le cas extrême où les trous font une barrière tout le tour du tronc, la circulation du précieux liquide nourricier ralentit considérablement ou s'arrête. La victime meurt à petit feu.

Des bouleaux vulnérables

À la fin des années 60, une étude menée dans le Maine pendant cinq ans a permis de constater que 51% des bouleaux blancs et 67% des bouleaux gris attaqués fréquemment par le pic maculé finissaient par mourir. Heureusement, la majorité des autres espèces semblait moins touchée.

Évidemment dans une forêt où les essences sont nombreuses, ce taux de mortalité a probablement peu d'importance. Mais sur votre terrain, quand vous avez un seul bouleau qui sert de garde-manger au vampire à plumes, c'est l'affolement. D'autres études indiquent que l'oiseau a tendance à s'en prendre aux arbres qui ont déjà des problèmes de santé.

Photo Cephas, Wikimedia Commons

Ce boulot blanc est vraisemblablement mort à la suite d'attaques répétées du vampire à plume.

Par ailleurs, ces écoulements de sève ont un côté positif, car plusieurs autres espèces animales vont aussi se servir, notamment le colibri à gorge rubis, qui profite des repas gratuits au moment où le nectar de fleur est rare. Les parulines, les sittelles et d'autres oiseaux vont aussi profiter de la manne liquide, comme c'est aussi le cas des écureuils, des chauves-souris et de nombreux insectes. Mais tous ces bienfaits ne viendront pas compenser les torts causés à votre arbre.

J'ai déjà perdu un pin sylvestre mature à cause du pic maculé, et le seul qui reste sur mon terrain est attaqué sans relâche depuis des années. Les méthodes dissuasives ont eu plus ou moins de succès. Soulignons que les pics sont protégés partout aux États-Unis et au Canada en vertu de la loi sur les oiseaux. Interdiction de l'abattre et de détruire son nid, ses oeufs ou sa progéniture.

Photo fournie par Monique Rémillard

Mélèze laricin endommagé par le pic maculé.

Pour éloigner l'oiseau maléfique...

GOUSSES D'AIL

Gousses d'ail, eau bénite et crucifix, tous excellents contre Dracula et ses disciples, ne vous seront d'aucune utilité contre notre vampire.

TANGLEFOOT

Le produit le plus efficace, à mon avis, est le Tanglefoot, une colle que l'on applique sur l'écorce de l'arbre convoité, notamment sur les plaies et autour d'elles. Avant de procéder à l'opération, vous devez vous assurer que le produit est maintenu dans un endroit suffisamment chaud pour le rendre malléable. Selon mon expérience, l'application exige un certain doigté, surtout si l'arbre est de bonne taille et que l'écorce s'enlève facilement, comme c'est le cas de certains conifères. À l'aide d'un morceau de bois ou d'un autre instrument de votre invention, étendez la colle aux endroits touchés. Une petite quantité suffit. L'oiseau ne reviendra pas si la sensation éprouvée aux pattes lui est désagréable. N'ayez crainte, la bête ne restera pas prise. Tanglefoot a tendance à noircir, mais l'application est bonne pour au moins un an.

BANDE DE TISSU

Plusieurs groupes de protection de la faune suggèrent de couvrir la plaie d'une bande de tissu ou d'un ruban adhésif, sans trop serrer. On enlève la protection à la fin de l'été, après la migration.

BALLON

Des ballons sur lesquels sont dessinés de gros yeux seraient aussi efficaces, d'autant plus qu'ils bougent au vent. Vendus au Centre de conservation de la faune ailée (CCFA), rue de Bellechasse, à Montréal (www.ccfa-montreal.com).

LANGUETTES

Des languettes de papier d'aluminium pendantes aux branches peuvent donner de bons résultats. On en trouve au CCFA. Sinon, des assiettes d'aluminium peuvent convenir.

LE BRUIT

Évidemment, vous pouvez faire du bruit pour effaroucher l'oiseau quand il se perche sur vos arbres.

Photo Domici Sherony, Wikimedia Commons

La tache rectangulaire blanche sur l'aile est un des traits distinctifs du pic maculé. Seul le mâle a la tête et le cou rouges.

Ses victimes

FEUILLUS

Bouleau

Blanc, jaune, noir et gris. Malgré plusieurs attaques, aucun bouleau n'est mort sur mon terrain.

Peuplier faux-tremble

Chez moi et dans le parc attenant, de nombreux arbres, jeunes ou vieux, se sont brisés à la suite d'un coup de vent, toujours à l'endroit où les pics avaient fait leurs trous.

Pommier, cerisier et autres arbres fruitiers.

Érable

Rouge, à sucre, de Norvège.

Chêne

Plusieurs espèces. Dans ma cour, un grand chêne blanc criblé de milliers de trous de pic se porte miraculeusement bien, malgré tout.

Orme, saule, magnolia, amélanchier, ginkgo

CONIFÈRES

Sapin, épinette, pruche

Mélèze

Laricin et européen.

Pin

Plusieurs espèces. Dans le centre et le sud des États-Unis, la victime la plus fréquente serait le pin sylvestre.

Photo Ulf Eliasson, Wikimedia Commons

Même les magnolias sont attaqués par le pic maculé. Ci-contre, le Magnolia sieboldii.