Michaëlle Jean entame aujourd'hui en Suisse une tournée européenne et africaine pour promouvoir sa candidature à la tête de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Au cours des prochains jours, elle se rendra également en France, en Tunisie et au Tchad, où elle rencontrera des représentants politiques.

Hier, l'ancienne gouverneure générale du Canada a dévoilé sa vision pour la Francophonie.

Michaëlle Jean s'inscrit dans la continuité du secrétaire général sortant, le Sénégalais Abdou Diouf, et entend «continuer de tracer, après lui, le chemin de la Francophonie du XXIe siècle», explique-t-elle dans un document d'une vingtaine de pages.

L'économie est au coeur du discours de Michaëlle Jean, qui promet une «éthique du partage» pour «accompagner dans leurs efforts des pays accablés par des situations de grande pauvreté». Elle propose de considérer d'autres modèles comme l'économie solidaire et sociale ou les coopératives.

Michaëlle Jean veut accorder une place de choix aux femmes et aux jeunes, qui sont «les premiers à créer des entreprises liées au secteur de l'économie sociale qui génèrent des milliers d'emplois», écrit-elle. «Donnez du pouvoir aux femmes et aux jeunes et vous verrez reculer la pauvreté, l'ignorance, la violence, les inégalités et l'insécurité.»

Accent sur ses racines antillaises

L'envoyée spéciale de l'UNESCO pour Haïti, son pays natal, insiste sur ses racines antillaises, un argument qui pourrait séduire les dirigeants africains, sensibles au poids des États du Sud dans les organisations internationales. Parmi les 57 membres permanents de l'OIF, qui choisiront le prochain secrétaire général lors du sommet de Dakar, au Sénégal, à la fin du mois de novembre, 29 sont du continent noir.

L'ancien directeur de l'Institut des hautes études internationales de l'Université Laval, Pierre Lemieux, est catégorique: «c'est elle qui a le plus de compétences» pour ce poste. «Si on regarde la mission de l'OIF, il est beaucoup question de gouvernance démocratique, dit le professeur de droit, qui a eu l'occasion de côtoyer Michaëlle Jean lorsqu'elle a présidé le conseil d'administration de l'Institut. Elle est bien placée pour ça, la consolidation de l'État de droit, elle a toujours été impliquée là-dedans.»

Quatre autres candidats sont officiellement dans la course, dont l'ancien président burundais Pierre Buyoya. L'ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë, a longtemps été pressenti, mais à moins de deux mois du sommet de Dakar, il ne s'est toujours pas manifesté.

«Je verrais mal la France à la tête de l'OIF, car ça ferait un peu trop franco-français», dit Pierre Lemieux, qui croit par contre qu'un appui de la France à la candidature de Michaëlle Jean aurait «un poids extrêmement important». Le Canada, le Québec, le Nouveau-Brunswick et Haïti sont pour l'instant les seuls à la soutenir ouvertement.

Les autres candidats

Pierre Buyoya

Voici le candidat derrière qui les États africains pourraient être tentés de se rassembler. Pierre Buyoya, 64 ans, a été deux fois président du Burundi, de 1987 à 1993, puis de 1996 à 2003. Depuis 2012, il est le Haut représentant de l'Union africaine pour le Mali et le Sahel.

Jean-Claude de l'Estrac

Tout comme Michaëlle Jean, l'ancien ministre des Affaires étrangères de l'île Maurice, Jean-Claude l'Estrac, 66 ans, est secrétaire général de la Commission de l'océan indien depuis 2012.

Henri LopEs

Actuel ambassadeur du Congo-Brazzaville en France, Henri Lopes est une figure importante de la littérature francophone d'Afrique. Auteur de huit romans, d'un recueil de nouvelles et d'un recueil d'essais, il a aussi été premier ministre et plusieurs fois ministre.

Agustín Nze Nfumu

Agustín Nze Nfumu connaît bien les rouages de l'Organisation internationale de la Francophonie : il y représente depuis 1996 la Guinée équatoriale. Âgé de 65 ans, il a été interprète au ministère des Affaires extérieures avant de grimper dans la hiérarchie et d'en devenir le ministre. Il a aussi été ministre de la Culture, du Tourisme et de la Francophonie.

Tharcisse Loseke

La candidature de ce médecin du Congo-Kinshasa n'est pas encore officielle, mais elle est audacieuse. Car pour être officielle, elle doit être soumise par son gouvernement. Or, Tharcisse Loseke est membre du parti de l'opposant Étienne Tshisekedi, candidat défait à l'élection présidentielle de 2011. Ce dernier avait été le centre de l'attention du dernier sommet de la Francophonie, à Kinshasa, qui se tenait moins d'un an après la réélection critiquée de Joseph Kabila.