Après une carrière politique de 17 ans pendant laquelle il a transformé l'Italie, Silvio Berlusconi vient fort probablement d'y mettre un terme en annonçant sa démission. Miné par sa dette, le Bel Paese fait l'objet de multiples pressions des institutions financières internationales, qui doutent de la capacité de M. Berlusconi à imposer les réformes et l'austérité nécessaires. Le premier ministre play-boy a perdu hier sa majorité au Parlement et a annoncé qu'il présenterait sa démission dès que les réformes seraient approuvées.

«Huit traîtres.» C'est ainsi que Silvio Berlusconi, le sulfureux premier ministre italien, a réagi au vote qui a mené à sa chute.

Les huit traîtres en question sont membres du parti de M. Berlusconi mais se sont abstenus de voter en faveur de l'approbation des comptes publics de la dernière année financière. La loi a été approuvée hier, mais avec 308 voix en faveur et 321 abstentions. En d'autres mots, le premier ministre italien avait perdu sa majorité.

La réaction du politicien multimilliardaire a laissé le pays sans voix: après un entretien de 45 minutes avec le président du pays, il a annoncé qu'il présenterait sa démission dès le passage du budget de l'an prochain, qui devra comprendre des réformes importantes pour que l'Italie obtienne le soutien financier de l'Europe et du Fonds monétaire international.

«C'est une manoeuvre inattendue qui rend tout possible», estime Franco Pavoncello, politologue à l'Université John Cabot à Rome. «La tactique est très intéressante. Il oblige l'opposition à accepter des réformes impopulaires mais nécessaires qui feront peut-être passer Berlusconi à la postérité comme l'homme qui a sauvé l'Italie. Si l'opposition tergiverse, il reste au pouvoir. Il gagne sur tous les tableaux.»

Le chef de l'opposition de gauche a d'ailleurs exigé hier que M. Berlusconi démissionne avant la tenue du vote sur les réformes, dénonçant la pression indue sur le débat parlementaire.

Le quotidien romain La Repubblica a avancé que la tactique était préméditée, s'appuyant sur des photos d'un bloc-notes où M. Berlusconi gribouillait durant le vote au Parlement. Sous la mention «huit traîtres», il a écrit «présenter la démission». Cela pourrait signifier qu'il avait déjà cette intention.

Quoi qu'il en soit, les partisans de l'opposition étaient en liesse. «Je crie partout dans l'appartement et ma fille danse», explique Pietro, un jeune père romain joint par La Presse.

Le vote d'hier ne portait pas spécifiquement sur les réformes. Mais comme l'examen d'un nouveau budget ne peut être entamé avant que les comptes de l'année précédente soient fermés, ce vote a souvent été utilisé pour bloquer des réformes ou en guise de vote de confiance. Les abstentions signifient que l'opposition ne voulait pas porter le poids de la suspension des négociations avec l'Europe et le FMI, selon M. Pavoncello.

La Repubblica a rapporté hier que les députés s'attendaient à des élections rapides. Le journaliste qui arpentait le salon des députés au parlement, la salle Transatlantique, observait de nombreuses discussions, notamment entre Massimo D'Alema, éminence grise du Parti démocratique de la gauche (PDS), et Pier Ferdinando Casini, un centriste qui a quitté la coalition de M. Berlusconi en 2008.

Paroles de Berlusconi

«Dans quelques mois, je m'en vais pour m'occuper de mes oignons, ailleurs, je m'en vais de ce pays de merde qui me donne envie de vomir.»

Au cours d'une conversation avec un proche qui faisait l'objet d'une écoute électronique (juillet 2011)

«Je dois vous porter les salutations d'un homme qui s'appelle, qui s'appelle... attendez, c'était quelqu'un de bronzé: Barack Obama!»

(septembre 2009)

«Allez lire Le livre noir du communisme, et vous découvrirez que dans la Chine de Mao, ils n'ont pas mangé les enfants, mais ils les ont fait bouillir pour fertiliser les champs.»

(mars 2006)

«La majorité des Italiens voudrait être comme moi.»

(septembre 2009)

«Je suis dans l'absolu la personne la plus persécutée par la magistrature de tous les temps et de toute l'histoire des hommes dans le monde entier.»

(octobre 2009)

«Nous allons faire une exception pour tous ceux qui nous apportent de jolies filles.»

Au sujet d'un accord entre l'Albanie et l'Italie pour arrêter le trafic d'êtres humains (février 2010)