La campagne présidentielle de Dominique Strauss-Kahn, favori parmi les candidats socialistes potentiels, peut-elle capoter avant même d'avoir été véritablement lancée... à cause d'une balade en Porsche?

La question est analysée avec le plus grand sérieux depuis 10 jours par le gratin politico-médiatique hexagonal, qui n'en finit plus d'analyser une photographie parue sur le web à la fin du mois d'avril.

Prise par l'Agence France-Presse, elle montre l'actuel directeur général du Fonds monétaire international et sa femme, la journaliste Anne Sinclair, en train de monter dans une luxueuse Porsche Panamera lors d'un récent passage à Paris.

La voiture appartient en fait à un conseiller en communications de «DSK», qui avait offert de conduire le couple à destination après une rencontre de travail, un détail apporté plusieurs jours après la publication du cliché.

D'abord diffusé sur l'internet, il a été repris un peu partout, entraînant un florilège de questions et de railleries sur le train de vie de l'ancien ministre. Ainsi que des interrogations sur sa compatibilité avec les attentes de l'électorat français en général, et de l'électorat de gauche en particulier.

La marque des puissants

«L'image a un caractère spectaculaire, car Porsche, c'est la marque du luxe et des puissants. Pour lui, c'était le truc à ne pas faire», analyse en entrevue Denis Muzet, sociologue spécialiste des médias, qui s'interroge sur l'impact potentiel de cette «erreur». Dans une société où le rapport à l'information s'est sensiblement dégradé, les images prennent une importance démesurée, explique-t-il, en relevant le fait, ironique, que c'est un conseiller en communications qui a précipité le faux pas.

«Aujourd'hui, tout peut basculer très vite. L'opinion est hypersensible à des symboles forts. Le principal risque qui guette DSK est de paraître, dans le sillage de Nicolas Sarkozy, comme une personne très proche de l'argent, proche des pouvoirs financiers, avec le même style bling-bling», note-t-il, reprenant l'expression qu'on utilise en France pour dénoncer les penchants du président actuel pour le luxe tape-à-l'oeil.

Le cliché de la Porsche, selon M. Muzet, donne du combustible à ceux qui voudraient convaincre la gauche française que l'actuel directeur général du FMI n'est pas un bon candidat à l'élection présidentielle.

Le chef de file de ses critiques, Jean-Luc Mélanchon, du Front de gauche, a déclaré que l'attention accordée à l'incident de la Porsche est déplacée et témoigne de la «décadence de la politique». Ce sont les mesures «brutales»exigées par le FMI en Grèce, en Irlande ou au Portugal qui expliquent d'abord et avant tout pourquoi DSK ne peut pas représenter la gauche, insiste-t-il.

»Dans la lessiveuse»

L'attention que suscite le train de vie de DSK risque aussi de compliquer pour lui les primaires socialistes, qui doivent se tenir à l'automne. Les prétendants doivent déclarer leur candidature avant la fin juin, et il semble désormais acquis que DSK sera du nombre.

Toujours favori, il voit se rétrécir l'écart avec l'actuelle première secrétaire du parti, Martine Aubry, et son prédécesseur, François Hollande, en forte hausse.

M. Hollande, qui s'est déjà déclaré candidat à l'investiture socialiste, a interdit à ses proches d'évoquer la question du train de vie de son rival. Son entourage n'en souligne pas moins qu'il circule à Paris en... scooter.

La droite, elle, se régale des déboires de DSK, qui devancerait largement Nicolas Sarkozy si l'élection présidentielle avait lieu aujourd'hui. Selon Le Parisien, Sarkozy a récemment déclaré avec satisfaction devant ses proches que Strauss-Kahn allait «passer dans la lessiveuse». Il peut difficilement critiquer publiquement son adversaire potentiel sur son train de vie, mais sa garde rapprochée ne s'en prive pas: «En 1981, le symbole des socialistes, c'était le poing et la rose. Aujourd'hui, c'est la Porsche», a notamment relevé l'ex-ministre Brice Hortefeux en référence à la première victoire de François Mitterrand, qui est aussi l'avant-dernière élection présidentielle remportée par la gauche.