Le Front national, qui fait depuis longtemps figure d'épouvantail sur la scène politique française, a poursuivi sa transformation en prévision des élections régionales de dimanche sans pour autant changer grand-chose à ses orientations de base.

La mue en cours passe par l'ascension de la plus jeune des filles de Jean-Marie Le Pen, Marine, qui espère prendre la tête de la formation avant la fin de l'année.

 

La femme de 41 ans multiplie les apparitions dans les médias, sensiblement moins rétifs à son égard qu'ils ne le sont envers le père, adepte de formules provocatrices qui lui ont valu nombre de poursuites et de condamnations.

La présence médiatique de l'avocate de formation, candidate dans le Nord-Pas-de-Calais, irrite certains de ses adversaires politiques, comme le socialiste Daniel Percheron, président de la région.

La «mise en scène permanente» de Marine Le Pen, accuse-t-il dans une entrevue publiée sur le site Rue89 cette semaine, «tend à banaliser le Front national en mettant en avant la silhouette et en oubliant le côté néofasciste à la française» de la formation, obsédée par la question de l'immigration.

France et minarets

Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, pense que le changement de garde qui se prépare n'est pas porteur de chambardements majeurs sur le plan idéologique.

«Marine Le Pen est plus souple dans sa présentation, elle démontre plus d'intelligence dans son interaction avec les médias, ce qui peut donner l'impression que le parti devient plus modéré. Mais ce n'est pas du tout le cas», dit-il.

Selon l'analyste, le fondateur du parti, âgé de 81 ans, utilise souvent dans ses interventions des références historiques qui «ne veulent plus rien dire» pour les jeunes.

Il a parlé notamment de «fellaghas» - un terme qui désignait les partisans de l'indépendance algérienne - pour dénoncer les milliers de jeunes qui ont manifesté à Marseille, l'automne dernier, à la suite de la défaite de l'équipe de soccer de l'Algérie contre l'Égypte. Des drapeaux français avaient été brûlés ou déchirés à cette occasion.

S'inspirant de cet incident, le Front national utilise dans sa campagne une affiche censée dénoncer «l'islamisme» qui montre la France couverte du motif du drapeau algérien et transpercée de minarets.

Marine Le Pen, qui évite les termes outranciers de son père, a insisté, en cherchant à justifier l'affiche, sur le fait que sa formation a le devoir de défendre le drapeau national et les «valeurs républicaines».

Rebondir avec Marine Le Pen?

Le ministre de l'Immigration, Éric Besson, qui s'est fait accuser de courtiser l'électorat d'extrême droite en lançant un débat sur l'identité nationale, assure que l'État doit traiter de ces questions s'il veut éviter la répétition du scénario de 2002, alors que Jean-Marie Le Pen était passé au second tour de l'élection présidentielle.

Le stratagème a bien marché en 2007: une fraction importante des partisans de l'extrême droite a choisi de se rallier au candidat gagnant de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy. Le Front national a ensuite connu d'importantes difficultés financières qui ne sont pas résolues.

Bien que Marine Le Pen cherche à faire valoir à ces anciens militants qu'ils ont été «cocufiés» par le président, les sondages ne laissent pas présager de revirement déterminant aux élections régionales.

Selon M. Camus, le parti devrait récolter quelque 10% des voix à l'échelle nationale et se maintenir au second tour de l'élection dans «cinq ou six» régions, un résultat largement inférieur à l'objectif que vise Marine Le Pen.

Le fondateur du Front national, qui est candidat en Provence-Alpes-Côte d'Azur, aimerait que les résultats dépassent les attentes des analystes, ce qui démontrerait que sa fille va reprendre un parti en train de rebondir.

Quoi qu'il advienne, il est d'ores et déjà acquis qu'il ne disparaîtra pas du jeu politique. «Il faudra encore compter avec moi.Je n'ai pas fini d'embêter mes adversaires», promet Jean-Marie Le Pen.