La décision du président Obama de mettre un frein au programme de bouclier antimissile en Europe confirme que le Canada a eu raison de ne pas participer au projet.

C'est en gros ce qu'affirme Bill Graham, ancien ministre canadien de la Défense dans le gouvernement libéral de Paul Martin.

«Compte tenu des coûts, du fonctionnement du système, de l'environnement politique en Europe et de l'hostilité russe, la décision du président Obama est logique, a dit M. Graham dans un échange de courriels avec La Presse. Ce qui réaffirme le bon sens de notre décision à l'époque.»

 

Retour en arrière. Le jeudi 24 février 2005, le premier ministre Paul Martin annonce que le Canada ne participera pas au projet de développement d'un bouclier antimissile si cher au président américain George W. Bush.

Cette décision survient après des mois de déchirements tant au sein du cabinet que des troupes libérales depuis l'arrivée de M. Martin au poste de premier ministre, en décembre 2003.

Au début de son mandat, le chef libéral se montrait ouvert à une coopération, soulignant qu'il s'agissait de la défense de l'Amérique du Nord et pas seulement des États-Unis. Quelques semaines plus tard, son nouveau ministre de la Défense, David Pratt, allait encore plus loin, évoquant une participation financière canadienne.

En juillet 2004, à la suite des élections fédérales où les libéraux de Martin forment un gouvernement minoritaire, Bill Graham remplace M. Pratt (battu dans sa circonscription) à la Défense. Les libéraux sont toujours aussi divisés sur la question. Puis, en février 2005, à 10 jours d'un congrès national s'annonçant houleux, M. Martin renonce à toute participation canadienne. Au nom de Washington, l'ambassadeur Paul Cellucci manifeste son irritation.

À leur arrivée au pouvoir en février 2006, les conservateurs laissent ouverte la porte à une réouverture du dossier. Mais ce timide appel du pied n'a jamais eu d'écho. Dans leurs premiers contacts, au téléphone et en personne, ni le président Bush ni Stephen Harper n'abordent le sujet. Les deux pays consacrent bien davantage de temps à leurs différents commerciaux, dont le bois d'oeuvre.

L'économie d'abord

Et aujourd'hui, l'économie semble toujours le sujet de préoccupation numéro un des deux nations.

«Qui s'intéresse au bouclier antimissile? La loi Buy American, ça, c'est important!» lance Michel Fortmann, professeur de sciences politiques et directeur du Groupe d'étude et de recherche sur la sécurité internationale à l'Université de Montréal.

À l'époque de la Guerre froide, dit-il, les Américains avaient besoin du territoire canadien pour déployer un système de défense (la fameuse ligne DEW) contre la menace soviétique. Alors qu'aujourd'hui, les systèmes de détection sont déployés dans l'espace.

En ce sens, l'appui que cherchait le président Bush auprès du Canada pour ce projet était davantage politique que stratégique. Et le refus canadien aura, somme toute, fait bien peu de vagues dans l'ensemble des relations bilatérales.