Après cinq années de délais et de reports, le gouvernement Couillard a finalement déposé hier un projet de loi sur la conservation des milieux humides. Il prévoit que les promoteurs devront verser une compensation financière à l'État lorsqu'ils détruiront des marais, cours d'eau ou tourbières.

La pièce législative présentée hier par le ministre de l'Environnement, David Heurtel, enchâsse le principe « d'aucune perte nette ». Il vise à freiner la destruction des milieux humides, dont la grande majorité a disparu de la vallée du Saint-Laurent.

Québec souhaite que les promoteurs versent une compensation chaque fois qu'ils détruisent ou endommagent un milieu humide. Le montant sera calculé en fonction de la taille du site, de sa valeur foncière et de sa valeur écologique.

Les redevances se retrouveront dans le nouveau Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique, créé de la scission du Fonds vert. Cette cagnotte financera entre autres des programmes de restauration et de construction de milieux humides.

« Cette somme d'argent va être réinvestie, mais par les meilleures personnes pour mettre en oeuvre une conservation, une restauration, une création de milieux humides », affirme M. Heurtel.

Le projet de loi prévoit par ailleurs une protection légale spéciale aux sites jugés « remarquables » par leur intégrité écologique, par leur taille ou par la présence d'espèces menacées.

UNE LOI « ARBITRAIRE »

La protection des milieux humides est régie par une loi « temporaire » depuis 2012. Le gouvernement Charest l'avait adoptée à toute vapeur parce que les règles édictées en 2006 avaient été invalidées par les tribunaux.

Cette loi laisse une grande place à « l'interprétation » et à « l'arbitraire », a convenu M. Heurtel. Un promoteur peut acquérir un terrain pour compenser la destruction d'un milieu humide ailleurs. Mais la formule de compensation varie d'une région à l'autre.

Le système de redevances sera plus simple, plus clair et plus prévisible, selon M. Heurtel.

Le Ministère a prolongé à deux reprises l'application de l'ancien régime, une première fois en 2015 et une seconde la semaine dernière. Il souhaitait adopter la refonte de la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE) avant de s'attaquer aux milieux humides.

Or, soulignent les partis de l'opposition, les deux réformes touchent les mêmes articles de loi. Ils s'expliquent mal que M. Heurtel n'ait pas légiféré pour protéger les milieux humides à l'occasion de la réforme de la LQE.

« C'est une occasion ratée, a déploré le député du Parti québécois, Sylvain Gaudreault. On se retrouve encore avec des délais d'une année supplémentaire pour la loi transitoire. »

« On va rouvrir la loi pour réintroduire une nouvelle section, a ajouté le député de la Coalition avenir Québec, Mathieu Lemay. Ça n'a pas de bon sens. »

En revanche, les groupes de conservation ont salué la réforme présentée hier.

« Le principe d'aucune perte nette, on y tenait, a indiqué Jean-Paul Raîche, vice-président du Regroupement des organismes de bassins versants. C'est très positif. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

David Heurtel, ministre de l'Environnement