Après plusieurs controverses où le ministère de l'Environnement a été montré du doigt au cours des dernières années, le gouvernement du Québec est invité à tenir un sommet sur la biodiversité pour changer le modèle actuel de gouvernance des enjeux environnementaux. C'est la proposition qui sera annoncée ce matin par la Société pour la nature et les parcs (SNAP), qui souhaite «sortir le loup de la bergerie» et mettre fin au «laisser-aller» en matière de protection de la biodiversité. Voici les principales recommandations obtenues en exclusivité par La Presse.

POURQUOI UN SOMMET SUR LA BIODIVERSITÉ ?

La SNAP va proposer aujourd'hui au gouvernement du Québec d'organiser à l'automne un sommet « extraordinaire » sur la biodiversité. Selon son directeur général, Alain Branchaud, le gouvernement actuel fait face à plusieurs enjeux d'importance et semble à la remorque d'un « paquet d'acteurs ». Parmi ces enjeux, la SNAP relève la protection d'espèces en péril comme le béluga, le caribou forestier et la rainette faux-grillon. L'organisation note aussi le retard du Québec en matière d'aires protégées ou encore la difficulté à protéger des milieux naturels d'intérêt dans le sud de la province. « Le gouvernement et le ministère de l'Environnement ne semblent pas capables de prendre le dessus et d'assumer pleinement leur rôle de protection de l'environnement, affirme M. Branchaud. On pense qu'il y a une nécessité de faire le point et de voir comment on peut changer ça. C'est ça l'idée derrière le sommet. »

LES CONSÉQUENCES DU LAISSER-ALLER

Alain Branchaud signale plusieurs cas largement médiatisés qui ont ébranlé la confiance du public à l'endroit des institutions gouvernementales. « Ça crée de l'incertitude et ça retarde toutes sortes de projets, que ce soit pour la conservation ou encore des projets de développements. On commence à voir toutes les conséquences de ce laisser-aller. » Il relève le cas de la rainette faux-grillon à La Prairie où le ministère de l'Environnement s'est obstiné à délivrer des certificats d'autorisation malgré les avis internes de ses experts qui mettaient en garde les autorités contre l'autorisation d'un projet en plein dans l'habitat d'une espèce en péril. « On peut penser que les politiciens n'ont peut-être pas eu toutes les informations dans ce dossier, mais ça faisait aussi leur affaire à ce moment-là qu'il n'y ait aucune conséquence réelle à ce laisser-aller. »

UNE AGENCE INDÉPENDANTE

Une des solutions mises de l'avant par la SNAP est la création d'une agence de protection de l'environnement indépendante, à l'image de l'Agence américaine de protection de l'environnement aux États-Unis (EPA). Selon Alain Branchaud, l'un des problèmes actuels du ministère de l'Environnement, c'est qu'il « accompagne » les promoteurs dans leurs demandes de certificat d'autorisation. « On a trop de gens au Ministère qui travaillent à être des promoteurs au détriment de la mission première qui est de protéger l'environnement. C'est comme si on avait un loup dans la bergerie. Ce n'est pas normal. »

LE MODÈLE AMÉRICAIN

Le DG de la SNAP rappelle que l'Agence de protection de l'environnement américaine, créée en 1970, n'a qu'un seul mandat, soit celui de faire respecter les lois sur l'environnement. Un nouveau modèle de gouvernance est nécessaire selon lui pour permettre une analyse indépendante des dossiers qui soit basée sur la science. « On n'a pas ce genre d'organisation au Québec, qui a la capacité de dire non à des projets. On a plutôt un ministère qui fonctionne avec un niveau d'opacité très élevé, avec peu de moyens et un regard politique très important sur l'ensemble de ses décisions. » Selon Alain Branchaud, le mandat de développement devrait être assuré par d'autres ministères. « Il y a plusieurs ministères au gouvernement dont c'est le rôle, qui ont une vocation économique. »

BIODIVERSITÉ ET CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Alain Branchaud dit aussi remarquer un certain paradoxe alors que le ministre de l'Environnement, David Heurtel, semble beaucoup s'intéresser à l'enjeu de l'heure, celui des changements climatiques au détriment de la protection de la biodiversité. « Au nord de l'Ontario et du Québec, ce sont les endroits où la densité de carbone séquestrée naturellement est la plus élevée au monde. Bref, avoir des aires protégées, c'est très efficace pour lutter contre les changements climatiques. » Pourtant, le Québec n'a toujours que 10 % de son territoire qui est désigné aire protégée, alors que l'objectif était de 12 % pour 2015. La cible internationale a été établie à 17 % pour 2020.