Les espèces en péril auront-elles encore l'oreille du gouvernement du Québec au cours des prochaines années? Plusieurs groupes environnementaux en doutent après avoir appris que le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a décidé de suspendre les rencontres des équipes de rétablissement qui travaillent à la protection de 29 de ces espèces.

Mardi dernier, le Ministère a prévenu les présidents des 14 équipes de rétablissement de la suspension temporaire de leurs rencontres au moins jusqu'au 1er avril 2015. Cette mesure s'inscrit dans le «contexte de révision des programmes gouvernementaux et des mesures administratives en vigueur au sein du secteur de la faune et des parcs du MFFP», peut-on lire dans une lettre datée du 7 octobre.

Le budget annuel des 14 équipes totalise 140 000$. Les sommes servent essentiellement à l'organisation des réunions et à la tenue de certaines activités de sensibilisation. Ces équipes travaillent à la protection de 29 espèces menacées ou vulnérables au Québec, dont le caribou forestier, la rainette faux-grillon et le bar rayé.

«On prend pour prétexte la révision des programmes pour ça? Ce sont des économies de bouts de chandelles, dénonce Christian Simard, directeur général de Nature Québec. Tout ça a plutôt des relents de coupes ciblées pour des raisons idéologiques.» Les équipes de rétablissement font un travail important, signale-t-il. Il cite l'exemple du caribou forestier, tout en rappelant du même souffle qu'en campagne électorale, le chef du Parti libéral, Philippe Couillard, a affirmé qu'il ne «sacrifierait pas une seule job dans la forêt pour les caribous.»

«Les équipes de rétablissement pourront poursuivre leur travail», affirme pour sa part Jacques Nadeau, porte-parole du MFFP. La directive du Ministère précise d'ailleurs que «certains travaux ne nécessitant pas de déplacements pourraient se poursuivre par le truchement de communications électroniques ou visioconférence. Les activités des équipes de rétablissement devraient pouvoir reprendre normalement le 1er avril 2015.»

Pas de pause pour les espèces en péril

Le directeur général de la Société de la nature et des parcs (SNAP) au Québec, Patrick Nadeau, qui est aussi membre de l'équipe de rétablissement du caribou forestier, s'est dit stupéfait d'apprendre cette nouvelle. «On parle ici d'espèces en déclin et leur déclin se poursuit, même si on suspend les équipes de rétablissement. Il n'y a pas de bouton pause pour ces espèces-là.»

M. Nadeau s'inquiète aussi des suites qui seront données à un rapport de son équipe de rétablissement, qui doit être déposé en décembre prochain. «Ce document va proposer des lignes directrices pour l'aménagement de la forêt afin de mieux protéger le caribou. Qu'est-ce qui va arriver dans ce contexte?»

Même son de cloche du côté du chargé de projets au Centre d'information en environnement de Longueuil, Tommy Montpetit, également membre de l'équipe de rétablissement de la rainette faux-grillon. «Nous venons de terminer le dernier inventaire de la rainette en Montérégie. Nous avons maintenant des données très solides pour les 10 dernières années et nous aimerions les présenter à l'équipe de rétablissement.» Ces inventaires incluent notamment La Prairie, où un projet immobilier évalué à 300 millions menace cette espèce dans ce secteur, identifié par les experts comme l'un habitats les plus importants au Québec pour la minuscule grenouille.

Cette décision survient quelques semaines après l'annonce qu'une cinquantaine de personnes allaient perdre leur emploi parmi les biologistes et les agents de la faune au MFFP, et cela créée un déséquilibre, signale la directrice générale de l'Initiative boréale canadienne au Québec, Suzanne Méthot. «Dans un contexte où le gouvernement veut relancer le Plan Nord et investir dans le développement des ressources naturelles, on est en droit de s'inquiéter», dit-elle.

Rappelons que les équipes de rétablissement sont généralement composées de représentants des gouvernements fédéral et provincial et d'experts venant de différents organismes sans but lucratif. Leur mandat est de soumettre des recommandations au gouvernement pour assurer le rétablissement des espèces menacées protégées par la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables.

Les espèces menacées au Québec

• 38 espèces fauniques, dont 20 sont menacées et 18 sont vulnérables.

• 78 espèces floristiques, dont 57 sont menacées et 21 sont vulnérables.