L'Afrique du Sud, confrontée à un massacre sans précédent de ses rhinocéros, envisage des mesures radicales pour stopper le cercle infernal, comme l'interdiction totale de la chasse légale, ou même le décornage des animaux pour décourager les braconniers.

Lundi matin, la ministre de l'Environnement Edna Molewa a consacré une conférence de presse au sort de ces animaux, pourchassés pour leur corne.

La mesure la plus efficace, a-t-elle dit, serait d'imposer immédiatement un moratoire sur la chasse légale, qui donne lieu à des abus dans l'attribution des permis.

Par ailleurs, le ministère attend les résultats d'une recherche sur la possibilité d'amputer les rhinos de leur corne. «Nous n'avons pas dit que nous allons les décorner», a précisé la ministre, mais une étude sur l'impact d'un décornement a été lancée, et les conclusions en seront connues dans les trois prochains mois».

Fin août, 279 rhinos avaient été tués illégalement en Afrique du Sud depuis le début de l'année, uniquement pour alimenter en corne le marché de la médecine traditionnelle asiatique. En 2010, le bilan s'était établi à 333 animaux tués, contre treize en 2007.

Les guérisseurs asiatiques, chinois et vietnamiens notamment, lui prêtent des vertus variées. Les scientifiques répondent que la corne est faire de kératine, la même matière que les ongles humains, et ne présente strictement aucune propriété thérapeutique connue.

Et pourtant, selon une estimation de l'ONU, la corne de rhino se vend actuellement à peu près au prix de l'or, autour de 50.000 euros le kilo.

A ce rythme de braconnage, estiment les experts, le maintien de la population sera menacé d'ici moins de deux ans.

«La chasse illégale et les abus dans le système des permis sont probablement les principales menaces sur la survie des rhinos à l'état sauvage dans un proche avenir», a assuré Mme Molowa, qui a demandé aux gouvernements provinciaux «d'étudier la possibilité d'instaurer un moratoire sur la chasse au rhino».

En 2011, 130 chasseurs possèdent un permis pour abattre des rhinos, et chaque chasseur n'a droit en principe qu'à un seul rhino dans l'année. Mais les fraudes sont apparemment nombreuses. Et la ministre a demandé la mise en place d'un système de prélèvement d'ADN sur les animaux tués, afin de contrôler systématiquement leur identité.

L'Afrique du Sud autorise la chasse au rhinocéros blanc, dont la population est estimée à 18.800 têtes. Cette activité avait rapporté en 2009 environ 49 millions de Rands, soit 4,8 millions d'Euros.

Jusqu'à présent, le pays a surtout compté sur la répression pour tenter de ralentir l'hécatombe. Depuis avril, l'armée a même été déployée pour patrouiller dans le célèbre parc Krüger, le long de la frontière avec le Mozambique. En quelques mois, 15 braconniers ont été tués, 9 blessés et 64 arrêtés au cours d'accrochages avec l'armée.

La lutte contre le braconnage ne résout toutefois qu'une partie du problème. Car la demande explose en Asie. «La récente flambée du braconnage a été attribuée à l'augmentation de la demande au Vietnam, où certains praticiens ont fait courir la rumeur que la corne de rhino était efficace dans le traitement du cancer», explique Alona Rivord, porte-parole de l'association écologiste WWF.

La Chine, de son côté, a officiellement prohibé son utilisation dans la médecine, mais l'Empire du milieu reste un grand importateur, l'interdiction n'étant guère respectée, selon les défenseurs des animaux.