L'Afrique du Sud a annoncé mardi son intention d'évacuer plusieurs centaines de rhinocéros du célèbre parc Kruger pour tenter de les soustraire au braconnage qui décime l'espèce depuis plusieurs années.

«Nous avons pris une décision sur cette question de leur déplacement», a annoncé la ministre de l'Environnement Edna Molewa, confirmant la décision de capturer et d'envoyer des centaines d'animaux vers d'autres réserves du pays plus sûres ou à l'étranger.

«Nous pourrons en déplacer jusqu'à 500», a précisé Sam Ferreira, scientifique attaché à SANParks (Parcs nationaux sud-africains), qui était aux côtés de la ministre pour la conférence de presse.

Interrogé sur le coût de l'opération, le directeur des services vétérinaires à SANParks Markus Hofmeyer a indiqué que la capture d'un rhino revenait en moyenne à environ 1000 euros, en coût de main-d'oeuvre et de produit anesthésiant, mais hors coût du transport.

Le coût peut être fortement alourdi, a-t-il concédé, s'il est nécessaire d'utiliser un hélicoptère pour pister l'animal.

«Nous estimons pouvoir capturer 6 à 8 animaux par jour pendant les mois les moins chauds», a expliqué le vétérinaire.

Lors du dernier recensement réalisé en 2013, la population des rhinos dans le parc Kruger, d'une superficie à peine moindre que celle de la Belgique, était estimée entre 8400 et 9600 individus.

Sur les six premiers mois de l'année 2014, 370 rhinos y ont été tués (pour 558 rhinos dans l'ensemble de l'Afrique du Sud), essentiellement par des braconniers venant du Mozambique frontalier.

Pour éviter d'être repérés, ils utilisent souvent des anesthésiants et non des armes à feu pour immobiliser les rhinos. Ils les décornent à la hache, vivants. L'animal se réveille ensuite et meurt d'une longue agonie des suites de sa blessure.

77 ans de prison

Le braconnage s'est généralisé à la fin des années 2000, où la demande pour la corne de rhinocéros a brutalement explosé, essentiellement au Vietnam et en Chine. La poudre de corne se vend aujourd'hui à prix d'or sur le marché noir de la médecine asiatique, où on lui prête différentes vertus, jamais démontrées par la science.

Jusqu'à présent, l'Afrique du Sud avait déployé des moyens militaires dans le parc pour tenter de dissuader les braconniers. Mais l'ampleur du massacre a poussé le gouvernement à envisager d'autres moyens.

Le déplacement de ces placides herbivores qui peuvent peser plus d'une tonne, très faciles à approcher - et donc à tuer - n'est que l'un des volets du plan de sauvegarde de l'espèce annoncé mardi par la ministre Molewa.

La lutte contre le braconnage continuera de s'intensifier, a-t-elle dit, et des services de renseignements seront utilisés pour infiltrer et démanteler les réseaux. À plus long terme, le gouvernement veut créer les conditions durables de la protection des zones naturelles, en impliquant plus et mieux les populations locales dans le projet économique des parcs.

Depuis le début de l'année, 62 braconniers ont été arrêtés en Afrique du Sud et la justice a parfois eu la main lourde. Le 23 juillet, un tribunal a prononcé une condamnation record de 77 ans de prison contre un Sud-Africain coupable d'avoir tué trois jeunes rhinocéros.

Le parc Kruger est le plus grand, le plus célèbre et le plus visité des parcs naturels d'Afrique du Sud. On rencontre sur ses deux millions d'hectares tous les animaux endémiques de la région, dont les «Big Five», lions, léopards, éléphants, buffles et rhinocéros.

Pour l'instant, les massacres d'éléphants constatés en Afrique orientale et au Mozambique, pour l'ivoire, n'ont pas encore touché le Kruger. Mais au moins deux carcasses d'éléphants aux défenses arrachées ont été récemment découvertes dans le nord du parc, la zone la plus proche du Mozambique.