La demande mondiale de pétrole joue en faveur des sables bitumineux et les craintes au sujet du réchauffement climatique commencent à s'estomper, soutient le ministre des Ressources naturelles Joe Oliver. Le ministre Oliver ne voit pas de limite au marché du pétrole bitumineux

De passage à La Presse hier pour une entrevue éditoriale, M. Oliver s'est appuyé sur l'Agence internationale de l'énergie pour faire un portrait radieux de l'avenir de l'industrie la plus controversée au pays.

«On sait que l'Agence internationale de l'énergie dit que la demande va augmenter de 36% surtout dans les pays émergents, dit-il. Et on a l'occasion de participer à cette croissance, mais il faut se dépêcher.»

Cependant, cette même agence affirme aussi qu'il faut laisser dans le sol 70% des réserves d'hydrocarbures si on veut stabiliser le climat à plus 2 degrés Celsius et éviter des «changements climatiques dangereux», selon les termes de l'Accord de Copenhague sur le climat.

«Si nous voulons atteindre l'objectif mondial de 2 degrés Celsius, notre consommation, d'ici à 2050, ne devra pas représenter plus d'un tiers des réserves prouvées de combustibles fossiles», affirme l'Agence dans son sommaire décisionnel publié le 12 novembre dernier en même temps que sa publication-phare, le World Energy Outlook.

C'est la deuxième année consécutive que l'agence affirme que l'humanité s'engage de plus en plus dans un cul-de-sac énergétique. Le ministre Oliver affirme ne pas avoir lu cette partie du rapport. «Je n'ai aucune idée, je n'ai pas lu cette conclusion», a-t-il dit.

«Je pense que les gens ne s'inquiètent pas autant qu'avant d'un réchauffement de 2 degrés», a ajouté M. Oliver. Il mentionne que selon lui, «les scientifiques nous ont dit récemment que nos peurs (sur les changements climatiques) sont exagérées». Il n'a pas voulu citer quels scientifiques sont de cet avis.

Le ministre a fait référence au «Met Office», l'agence météorologique et climatique britannique. Cependant, cette agence n'a jamais fait de déclaration de la sorte. Au contraire, elle a publié un rectificatif très détaillé quand le Daily Mail, un journal britannique, a voulu lui faire dire le contraire. L'article du Daily Mail a été relayé dans des médias qui donnent une large place aux négationnistes de la science climatique, comme Fox News.Pressé de s'expliquer, le ministre a assuré qu'il croyait que les changements climatiques étaient un «problème fondamental».

Pas de plafond pour les émissions

Le ministre Oliver a vanté les efforts du Canada pour améliorer les technologies dans le domaine des hydrocarbures, comme la capture et séquestration de carbone.

Cependant, malgré l'injection de 2 milliards en fonds publics fédéraux et albertains dans cette filière, aucun projet n'a vu le jour, faute d'une forme de taxe ou de marché sur le carbone.

M. Oliver a défendu cette dépense, en dépit de cet échec. «Vous n'allez pas dire que les investissements en sciences sont mauvais», a-t-il dit. Du même souffle, il a fermé la porte à toute forme de plafond aux émissions de gaz carbonique ou de taxe carbone.

«Nous avons été très clairs là-dessus pendant la campagne électorale, nous avons été élus et nous ne sommes pas près de changer d'idée».

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Pour le ministre Oliver, la priorité est l'ouverture des marchés mondiaux pour le pétrole lourd albertain.

«Les États-Unis sont notre seul client pour le gaz et achètent 98% de notre brut, dit-il. Le prix est moins élevé et cela coûte 50 milliards par année à l'économie canadienne.»

Il a affirmé que les Européens auraient avantage à consommer le pétrole bitumineux, même s'ils jugent celui-ci trop polluant. «Les Européens prétendent que le brut canadien est sale, mais le brut russe crée tout autant de gaz à effet de serre».

Et il ne faut pas pour autant négliger le projet pipeline Keystone XL vers les États-Unis. «C'est important pour le Canada que Keystone XL soit approuvé».

«À mesure que les années passent, l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 2 °C devient de plus en plus onéreux et difficile à atteindre.»

- Agence internationale de l'énergie, novembre 2012

«Je pense que les gens ne s'inquiètent pas autant qu'avant d'un réchauffement de 2 °C.»

- Joe Oliver, avril 2013