Partira, partira pas? Sans annoncer ses intentions, Donald Trump a indiqué par l'entremise de Twitter mercredi soir qu'il ferait connaître jeudi à 15h00 sa décision sur la participation des États-Unis à l'accord de Paris. Selon certains médias américains, un retrait serait probable.

En attendant de connaître sa décision, voici trois raisons pour lesquelles certains environnementalistes estiment que Trump devrait dire oui au traité, et trois autres pour lesquelles il devrait dire non.

POURQUOI LES ÉTATS-UNIS DEVRAIENT-ILS RESTER DANS L'ACCORD DE PARIS?

1. L'effet domino

«Si les États-Unis quittent le traité, le financement du Fonds vert va en souffrir et les pays en voie de développement vont se désintéresser de l'accord», estime David Victor, spécialiste du droit international environnemental à l'Université de Californie à Davis. Ce fonds est prévu par l'accord pour aider les pays en voie de développement à réduire leurs émissions de GES et à s'adapter aux changements climatiques.

«Les pays émergents, dont les émissions augmentent, vont probablement rester parce que leur population veut de toute façon moins souffrir de la pollution. Mais les pays les plus vulnérables, envers lesquels les pays riches ont une obligation morale, n'auront plus d'avantage concret à participer à l'accord. C'est un problème, parce que les négociations climatiques sont fondées sur un consensus entre tous les pays.»

2. La Chine



La Chine et l'Europe ont annoncé cette semaine une coopération accrue dans la lutte contre les changements climatiques et son financement. À la fin de l'an dernier, le politicien français Nicolas Sarkozy a proposé une taxe sur les exportations de pays ne respectant pas l'accord de Paris.

Cette possibilité pourrait amener les États-Unis à craindre un isolement commercial s'ils sortent de l'accord, selon Luke Kemp, de l'Université nationale australienne à Canberra, qui juge par ailleurs que les États-Unis peuvent être moins dangereux pour l'accord s'ils le quittent que s'ils y restent. De plus, souligne-t-il, la Chine pourrait devenir le champion industriel des énergies solaire et éolienne si elle profite de l'effet de levier de l'accord.

3. Rex Tillerson

David Victor ne partage pas les inquiétudes de Luke Kemp quant au potentiel de nuisance des États-Unis s'ils restent dans l'accord de Paris. «Il y a, au département d'État, une équipe rompue aux négociations sur le climat qui vont aider à améliorer l'accord même si le président Trump veut lui mettre des bâtons dans les roues. Et j'ai confiance en la capacité [du secrétaire d'État] Rex Tillerson d'agir pour le long terme.»

M. Tillerson n'est-il pas honni des écologistes parce qu'il a longtemps dirigé la pétrolière ExxonMobil? «Ce n'est pas mère Teresa, mais il est tout à l'opposé des ténors anti-environnementaux comme Stephen Bannon. Avec Tillerson, quoi qu'il arrive, l'accord de Paris sera meilleur au fil des années.»

POURQUOI LES ÉTATS-UNIS DEVRAIENT-ILS QUITTER L'ACCORD?

1. Miner de l'intérieur

S'ils restent dans l'accord, les États-Unis pourront le diluer ou en retarder la progression. Il vaudrait donc mieux, dans l'optique de lutter contre les changements climatiques, qu'ils partent. C'est la position iconoclaste qu'a défendue, à la fin du mois de mai dans la revue Nature Climate Change, le politologue Luke Kemp.

«Contrairement au traité de Kyoto, l'accord de Paris n'a pas d'engagements légaux, dit M. Kemp. Trump n'aurait aucune conséquence s'il n'atteint pas les cibles de l'accord. De plus, comme il n'y a pas d'engagements formels, un autre président pourrait réintégrer l'accord de Paris sans demander la permission au Congrès.»

David Victor n'est pas d'accord et estime que même si un autre président pourrait théoriquement réintégrer l'accord de Paris par simple décret présidentiel, il y aurait probablement un délai, parce qu'il y aurait d'autres priorités politiques.

2. La Chine (encore)

Ce printemps, l'auteur de la plateforme environnementale de Donald Trump, Kevin Cramer, a publiquement appuyé une participation américaine à l'accord de Paris. Pour ce politicien républicain du Dakota du Nord, l'un des premiers à appuyer Trump, rester dans l'accord permettrait de remettre le charbon au goût du jour, en mettant au point, conjointement avec la Chine, des technologies de «charbon propre», soit la capture et la séquestration du CO2 émis par les centrales au charbon.

Mais comme cette technologie est encore loin d'être commercialement rentable, cela signifierait qu'une portion importante du financement de la lutte contre les changements climatiques serait consacrée au charbon - ou alors que les émissions de CO2 continueraient pendant longtemps.

3. Un allié pour les trouble-fêtes

L'une des preuves avancées par Luke Kemp à l'appui de sa thèse exposée dans Nature Climate Change est le rôle qu'a joué l'Arabie saoudite depuis le début des négociations climatiques, lors du Sommet de Rio en 1992. «Les Saoudiens ont toujours tenté de ralentir les négociations. Les États-Unis sous Trump pourraient faire de même et aussi appuyer les pays qui apposent leur droit de veto à certaines décisions prises durant les négociations climatiques, comme la Russie.»

En avril, le secrétaire américain de l'Énergie, Rick Perry, ancien gouverneur du Texas, a ainsi demandé que l'accord de Paris soit «renégocié». «Ça pourrait repousser aux calendes grecques la prochaine étape du resserrement des émissions prévue par l'accord de Paris, qui devrait normalement entrer en vigueur en 2018», dit M. Kemp.

Patrick Bonin, spécialiste des négociations climatiques à Greenpeace Québec, doute cependant que les États-Unis puissent imposer unilatéralement une renégociation de l'accord de Paris.