Le premier ministre Philippe Couillard émet des doutes sur les nouvelles cibles du Canada à la Conférence sur les changements climatiques à Paris, la COP21.

La ministre fédérale de l'Environnement, Catherine McKenna, a indiqué dans une séance à huis clos que le réchauffement climatique devait être limité à une moyenne de 1,5 degré Celsius plutôt qu'à 2 degrés, qui est la cible sur laquelle les pays tentent de s'entendre actuellement dans les négociations.

Même son collègue aux Affaires étrangères, Stéphane Dion, a dit lundi qu'il trouvait l'objectif très ambitieux, mais pas trop. L'Ontario a pour sa part minimisé le changement de position d'Ottawa.

En point de presse, lundi, après un entretien d'environ 30 minutes avec le président français François Hollande à l'Élysée, M. Couillard a pour sa part semblé sceptique, alors que le Québec est pourtant souvent vanté comme un meneur en matière environnementale.

Le premier ministre exige que le nouvel objectif fédéral soit «bien documenté», en rappelant qu'actuellement les projections d'émissions donneraient davantage un réchauffement de 2 degrés et quelques dixièmes, selon les engagements pris actuellement par les parties.

«Il faut placer la cible au bon endroit pour être certain, ou relativement certain, d'y parvenir. (...) Il faut bien cibler l'ambition, il faut la cadrer», a-t-il dit.

Le chef du gouvernement du Québec a rappelé que 2 degrés était ce qui était recommandé comme une nécessité par le consensus scientifique.

Il se réjouirait si on arrivait à surpasser la cible, a-t-il dit, tout en faisant valoir que la cible devait être «praticable pour tous les pays».

Cependant, M. Couillard estime que la cible ne sera pas un enjeu qui va faire ou défaire cette conférence jugée cruciale par beaucoup d'observateurs. Ce sont davantage les questions de financement des mesures de lutte aux changements climatiques, et l'équilibre des efforts entre le Nord et le Sud, qui risquent de faire capoter les pourparlers.

Pour sa part, l'Ontario n'a pas fait grand cas de ce revirement dans la position canadienne. Le ministre ontarien de l'Environnement, Glen Murray, ne s'en est pas formalisé. Selon lui, l'objectif du 1,5 degré ne changerait pas grand-chose.

«La science la plus récente soutient qu'il faut que ce soit 1,5 degré, mais on change la cible pour arriver à un consensus plus large», a-t-il indiqué lundi soir à La Presse Canadienne, au cours d'une soirée organisée par des organisations écologiques canadiennes, non loin des lieux de la Conférence des Nations unies.

M. Murray a dit avoir parlé à plusieurs reprises à Mme McKenna afin que l'objectif reste sous les 2 degrés Celsius. Il s'agit là du consensus établi parmi les provinces, a-t-il assuré.

Au-delà du chiffre de la cible, «nous gérons les risques, a rappelé le ministre, et plus c'est (le chiffre de la cible) bas, mieux c'est».

Catherine McKenna devait être à cette soirée à laquelle assistaient d'ailleurs les premiers ministres Philippe Couillard, Kathleen Wynne, de l'Ontario, et Greg Selinger, du Manitoba. Elle aurait pu alors clarifier sa position, mais elle a dû annuler sa présence.

Sa porte-parole, Caitlin Workman, a indiqué par courriel que la ministre a dû rencontrer le ministre français Laurent Fabius, qui préside la COP21 et qui l'a chargée d'être facilitatrice dans les négociations.

Mais à Ottawa, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, a cautionné les plus récents signaux envoyés par sa collègue à Paris, tout en reconnaissant que la marche est très haute.

«Ce serait merveilleux, a-t-il déclaré à des journalistes. C'est très ambitieux, (...) je ne dirais jamais que ce serait trop ambitieux. C'est un objectif que le monde doit atteindre, mais c'est très ambitieux.»

La cible correspondant à un réchauffement de 1,5 degré Celsius constitue un objectif partagé par d'autres groupes de pays et vigoureusement défendu par des États insulaires, qui pourraient subir de façon désastreuse les perturbations climatiques.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, n'est pour sa part pas convaincu de la détermination du gouvernement libéral à lutter contre les changements climatiques, même si la ministre McKenna a évoqué une cible plus ambitieuse pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

M. Mulcair a souligné que le premier ministre Justin Trudeau n'a pas voulu s'engager, lundi à la Chambre des communes, à réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada en 2016.

«Le Canada va de promesse brisée en promesse brisée depuis plus de 20 ans. (...) Il faut arrêter de dire n'importe quoi. Il faut avoir un plan complet pour réduire les gaz à effet de serre et j'étais, comme beaucoup de Canadiens, déçu aujourd'hui d'entendre le premier ministre Trudeau refuser de dire si l'année prochaine le Canada va avoir commencé à réduire ses gaz à effet de serre», a dit le chef néo-démocrate.