Vers 2050, les températures auront grimpé de 1,9 °C à 3 °C l'été, dans le sud du Québec. La Montérégie aura le climat actuel de l'Illinois. La Capitale-Nationale, celui de l'État de New York. Et Lanaudière, celui du Wisconsin.

Ce réchauffement climatique augmentera la présence d'insectes nuisibles dans les cultures du Québec, selon la première étude qui s'intéresse au problème. L'arrivée de la pyrale - ennemi numéro un du maïs sucré - et du doryphore - capable de détruire complètement un champ de pommes de terre - sera plus hâtive. Des générations plus nombreuses d'insectes verront le jour au cours du même été. Quant à l'efficacité des méthodes de lutte contre ces ravageurs, elle diminuera, selon le rapport du consortium sur la climatologie Ouranos.

«On peut s'attendre à une augmentation de l'utilisation des insecticides et même des fongicides, prévoit la biologiste-entomologiste Annie-Ève Gagnon, l'une des auteures de l'étude. C'est notre grande préoccupation.»

Exemple: en Montérégie, région où l'on cultive le plus de maïs sucré au Québec, les champs sont traités aux insecticides tous les sept à huit jours. Vers 2050, il faudra plutôt le faire tous les trois à cinq jours. La pression sera forte pour que les agriculteurs adoptent des variétés de maïs sucré génétiquement modifiées pour résister à la pyrale, si ce n'est déjà largement fait - elles sont offertes au Québec depuis l'an dernier.

Plus de champignons dans le blé

L'impact des changements climatiques sur les agents pathogènes - surtout des champignons, au Québec - est moins clair. «Le principal facteur climatique qui va les affecter, ce sont les précipitations, pour lesquelles il est plus complexe de faire des prévisions fiables», explique Mme Gagnon.

La fusariose de l'épi, champignon qui affecte le blé, risque tout de même d'être «plus performante et dommageable», prédit l'étude. Les conditions nécessaires à son développement seront optimisées durant la période de floraison, et sa survie sera plus grande l'hiver. Ce n'est pas banal: la Pennsylvanie - à laquelle le Bas-Saint-Laurent ressemblera en 2050, côté climat - a connu des épidémies sévères de fusariose de 2009 à 2011. De 50% à 60% du blé en a été si affecté qu'il n'aurait pu être commercialisé selon les normes canadiennes.

Mais comment se fier à ces prévisions pour 2050, alors qu'on ne sait pas quel temps il fera le mois prochain? «Vous ne savez pas quand vous allez mourir, mais vous savez que l'espérance de vie augmente, fait valoir Mme Gagnon. Ce sont des données fiables, des moyennes. C'est la même chose pour la météo. On connaît la moyenne climatique et on sait qu'elle augmente.»

Cultiver du maïs au Lac-Saint-Jean

Ce réchauffement ne sera pas que dommageable. «Nos régions sont avantagées, si on se compare à d'autres plus au sud, qui auront des sécheresses, convient la biologiste. Peut-être qu'on pourra cultiver du maïs au Lac-Saint-Jean. Mais est-ce que ça va être positif dans la balance, en prenant en compte les impacts sur les ennemis des cultures? On ne le sait pas.»

Il faut maintenant élaborer une «stratégie d'adaptation» aux effets des changements climatiques sur les ennemis des cultures du Québec, selon le rapport. Un meilleur dépistage des insectes, la rotation des insecticides et une promotion accrue des outils de lutte biologique sont notamment recommandés.

«On dit souvent que l'agriculture a toujours su s'adapter, souligne Mme Gagnon. Mais maintenant, tout se passe à vitesse grand V. Notre pouvoir d'adaptation est moins grand qu'avant. Il va falloir davantage prévoir qu'éteindre des feux.» Une conférence sur les changements climatiques et leurs consé quences pour l'agroalimentaire aura lieu demain à Montréal, à l'occasion du 19e Forum économique international des Amériques.