La protection des forêts, un moyen efficace de sauver le climat, devra être inscrite dans le futur accord des Nations unies contre le réchauffement. Reste à inventer les mécanismes adaptés et s'assurer de leur respect.

Vivement débattue, la réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD) constitue l'un des rares points susceptibles d'enregistrer une percée à Poznan, où la conférence sur le climat des Nations unies prépare la négociation du futur traité qui devra être conclu fin 2009 à Copenhague.

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues à la déforestation comptent pour 20% du total, un trésor de guerre dont la communauté internationale ne saurait se passer à l'heure où les scientifiques recommandent de diviser par deux au moins les GES d'ici 2050 (par rapport à leur niveau pré-industriel) pour endiguer l'envolée du thermomètre global.

«On ne peut plus s'en passer ni se payer le luxe de se planter», résume Benoît Faracco de la Fondation française Nicolas Hulot pour la nature et l'homme. «En substance, il faut donner aux populations rurales davantage d'argent que ce que l'industrie leur proposerait pour couper leurs forêts et faire du soja ou de l'huile de palme», comme au Brésil ou en Indonésie.

L'invention du programme REDD (Reduced Emissions from Deforestation and Degradation) est aussi la meilleure façon d'associer les pays en développement au nouvel accord et leur permettre de contribuer à la lutte contre le changement climatique, soulignent les experts.

Pourtant, si tout le monde est d'accord pour l'intégrer dans le futur traité, chacun insiste sur la nécessité de garde-fous.

«Inclure la REDD conduira à un accord beaucoup plus ambitieux, à condition qu'elle soit efficace et équitable», souligne Frances Seymour du CIFOR, le Centre international de recherches sur les forêts. Il faut garantir la transparence du mécanisme, les mesures de vérification et de contrôle et s'assurer que l'argent va bien aux communautés concernées.

«Il faudra fixer clairement les règles avant d'arrêter les objectifs», a reconnu un négociateur européen avant l'ouverture des discussions.

«Le principal écueil à éviter, juge Benoît Faracco, est que le mécanisme de REDD ne soit prétexte à faire de la compensation pour se soustraire à de réels efforts de réduction des émissions». Au même titre que les indulgences du Moyen-Age payées à l'Eglise dispensaient de toute vertu.

Au total dans le monde, les forêts stockent 400 milliards de tonnes de carbone dans les sols et l'y garder s'avère peu coûteux: «La REDD est la moins chère des activités de réduction des GES et la plus rentable», remarque Arild Angelsen, universitaire norvégien et expert du CIFOR.

Une étude réalisée pour la Commission européenne estime de 15 à 20 milliards d'euros le coût d'une réduction de moitié de la déforestation mondiale d'ici 2020 soit -- grossièrement -- 5 à 10 euros la tonne de CO2 évitée, contre 40 euros environ pour une tonne de CO2 émise par une centrale au charbon, selon la présentation faite au G8 l'été dernier au Japon.

Mais le stockage du carbone est loin d'être le seul service rendu à l'humanité par les forêts, fait valoir Bruno Locatelli, spécialiste des ressources forestières au CIFOR.

«La forêt agit sur le cycle de l'eau, la biodiversité, elle est souvent l'unique ressource des communautés et régule même les maladies grâce aux parasites qu'elle abrite», énumère-t-il en rappelant que «même un changement mineur» de climat peut accroître sa vulnérabilité.