Déjà considéré par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et l'Université Harvard comme un mauvais élève en matière de protection de la biodiversité, le gouvernement du Canada affirme ne pas avoir les effectifs nécessaires pour faire respecter la Loi sur les espèces en péril (LEP) pour protéger notamment le caribou forestier et autres espèces menacées au Canada.

Environnement Canada a fait cet aveu étonnant devant la Cour fédérale, en septembre dernier, dans le cadre d'un recours juridique déposé par la Société pour la nature et les parcs (SNAP).

La SNAP a déposé un recours devant la Cour fédérale en avril 2017 afin de forcer la ministre de l'Environnement, Catherine McKenna, à respecter la Loi sur les espèces en péril, plus particulièrement l'article 63. La SNAP prétend que la ministre et ses prédécesseurs ont manqué à leur obligation de produire plusieurs rapports sur l'état du caribou forestier depuis la publication d'un programme de rétablissement pour cette espèce, le 5 octobre 2012.

Le caribou forestier, population boréale, est une espèce menacée depuis 2003. Plusieurs experts le qualifient d'« espèce canari », c'est-à-dire qui sert d'indicateur de l'état de santé de la forêt boréale au Canada. On le retrouve dans sept provinces et deux territoires canadiens. 

«Faire des choix difficiles»

Dans son mémoire déposé en Cour fédérale, le Ministère conteste « l'interprétation indûment restrictive » de la SNAP au sujet de l'article 63. Mais dans son témoignage devant la Cour, le 25 septembre dernier, le directeur général de l'évaluation et de la réglementation au Service canadien de la faune reconnaît que le ministère de l'Environnement n'a tout simplement pas les ressources nécessaires pour faire respecter la Loi.

« Nous n'avions pas les ressources pour soutenir l'effort supplémentaire [au sujet du caribou forestier] pour nous occuper des exigences prévues au Registre public des espèces en péril en vertu de la Loi sur les espèces en péril, notamment les articles 61 et 63 », a déclaré Robert McLean, alors qu'il était interrogé par l'avocat de la SNAP, Me Frédéric Paquin.

Selon M. McLean, Environnement Canada a dû aussi déployer plusieurs ressources pour gérer entre autres le dossier de la rainette faux-grillon, une espèce en péril pour laquelle Ottawa a annoncé un décret d'urgence en 2016. 

« Ce que je dis, c'est que ce n'est pas tant une question de politique [policy] qu'une considération pragmatique. Nous avons des ressources limitées pour répondre aux exigences du Registre public des espèces en péril. Nous devons donc faire des choix difficiles. »

Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la SNAP, section Québec, rejette ces explications, trop simplistes, selon lui. « Ironiquement, l'effet premier des rapports de protection prévus par la Loi est de stimuler la discussion avec les acteurs provinciaux pour qu'ils s'engagent dans la mise en place de mesures de protection. En omettant de remplir son obligation légale, le gouvernement fédéral ne fait que pelleter en avant et s'enlise dans davantage d'obligations légales. »

Environnement Canada a annoncé que la ministre allait formuler une opinion [concernant le caribou forestier] d'ici avril 2018 et publier un rapport à cet effet.

Les audiences finales devant la Cour fédérale se tiendront les 14 et 15 mai prochain.

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Des multinationales réclament des actions 

En octobre dernier, plusieurs multinationales ont écrit à la ministre fédérale de l'Environnement, Catherine McKenna, et aux premiers ministres de l'Ontario et du Québec, Kathleen Wynne et Philippe Couillard, pour leur demander de prendre des actions pour protéger le caribou. « Nous pressons les gouvernements provinciaux et territoriaux de protéger immédiatement l'habitat du caribou forestier. Nous demandons aussi au gouvernement fédéral d'agir et de protéger les habitats qui sont toujours sans protection », ont écrit les dirigeants de Ben & Jerry's, H&M, Kimberley-Clark Corporation, Procter & Gamble et plusieurs autres entreprises.

88e

Le Canada fait toujours piètre figure en matière de protection des habitats et de la biodiversité. Selon le rapport 2017 du Social Progress Institute, préparé par le MIT et la Harvard Business School, le Canada se classe au 88e rang mondial. Selon une étude de l'Université de la Colombie-Britannique, le Canada ne fait pas respecter ses propres lois pour protéger la biodiversité.

Que dit l'article 63 ?

« Si le ministre [de l'Environnement] estime qu'une partie de l'habitat essentiel d'une espèce sauvage inscrite n'est pas encore protégée à l'expiration d'un délai de 180 jours suivant la mise dans le registre du programme de rétablissement ou du plan d'action dans lequel cet habitat a été désigné, il est tenu de mettre dans le registre un rapport sur les mesures prises pour le protéger à cette date et à des intervalles de 180 jours par la suite jusqu'à ce que la partie visée soit protégée ou que sa désignation soit révoquée. »

2009

Nombre de jours écoulés depuis la publication du plan de rétablissement du caribou forestier, le 5 octobre 2012