Au moment où plusieurs municipalités, dont Montréal, bannissent les sacs de plastique, une étude rendue publique hier par Recyc-Québec révèle que les modèles réutilisables ou biodégradables ne sont pas toujours l'option la plus verte.

Il faut utiliser un sac de polypropylène réutilisable entre 35 et 75 fois pour que son impact sur l'environnement soit équivalent ou moindre qu'un sac de plastique conventionnel, conclut une équipe de chercheurs de Polytechnique Montréal embauchée par l'agence gouvernementale.

Recyc-Québec recommande donc de les utiliser, mais souvent. Et d'éviter de les laisser s'entasser à la maison.

« Le meilleur sac, c'est celui qu'on n'utilise pas », résume la vice-présidente de l'organisme, Sophie Langlois-Blouin.

L'équipe du chercheur Hugues Imbeault-Tétreault a comparé différents types de sacs jetables et réutilisables. Elle a mesuré quatre variables : l'impact de leur production sur la santé humaine et la qualité des écosystèmes, la quantité d'énergie consommée ainsi que les conséquences de leur abandon dans l'environnement.

PAS SI NOCIF

La recherche a produit une conclusion surprenante : sur cinq types de sacs à usage unique, celui en plastique conventionnel est le moins néfaste pour l'environnement lorsqu'on tient compte de l'ensemble de son cycle de vie.

Certes, ces sacs jetables se dégradent lentement et peuvent perdurer des dizaines d'années s'ils sont abandonnés dans l'environnement. Mais leur production ne nécessite que très peu d'énergie et de matériaux, concluent les chercheurs. Et la plupart d'entre eux sont utilisés une seconde fois pour placer des ordures.

Les sacs jetables fabriqués avec des matériaux végétaux comme le bioplastique et les sacs de papier ont l'avantage de se dégrader s'ils sont laissés dans la nature. Mais leur production utilise des produits néfastes pour la santé humaine. Et elle contribue à la destruction d'habitats naturels par l'abattage d'arbres et l'agriculture.

Dans le cas des sacs de papier, il faut utiliser une grande quantité d'énergie pour les produire, ce qui en fait l'option la moins verte des sacs jetables.

LE COTON, LA PIRE OPTION

Quant au sac réutilisable en coton, c'est de loin le choix le plus polluant, selon l'étude. La culture de cette plante entraîne de la déforestation, et elle nécessite de grandes quantités d'eau et de pesticides. La transformation de la fibre consomme d'importantes quantités d'énergie. Les chercheurs estiment qu'un sac en coton doit être utilisé entre 100 et 2954 fois pour que son impact environnemental soit équivalent à celui d'un sac de plastique conventionnel.

INTERDICTION

Au Québec, 10 villes ont interdit les sacs de plastique sur leur territoire. Le règlement est entré en vigueur le 1er janvier à Montréal, et cinq autres municipalités adopteront des mesures semblables en avril.

Le Conseil canadien du commerce de détail appelle le monde municipal à remettre en question l'interdiction tous azimuts des sacs de plastique.

« On a toujours dit qu'on est prêts à travailler avec les décideurs, mais les décisions doivent être prises en fonction des faits », a dit son porte-parole, Jean-Luc Benoît.

L'administration Plante n'entend pas faire marche arrière. Une campagne publicitaire sera d'ailleurs lancée sous peu pour sensibiliser la population, a indiqué le conseiller Jean-François Parenteau.

« Ça ne change rien à notre politique car on ne veut pas que ces sacs-là se retrouvent dans la nature, a-t-il dit. Notre but, c'est un changement de comportement des citoyens. »

Une étude critiquée

La méthode utilisée par les chercheurs de Polytechnique Montréal ne fait pas l'unanimité. Karel Ménard, du Front commun pour la gestion écologique des déchets, fait valoir que l'étude a seulement comparé l'usage de différents types de sacs pour faire des emplettes. Il estime qu'on n'a pas tenu compte des autres usages qu'on peut faire d'un sac réutilisable. « Un enfant de 5 ans pourrait comprendre qu'il s'est passé quelque chose d'incorrect dans le traitement du dossier, a dit M. Ménard. C'est un peu illogique de dire qu'un sac jetable est meilleur pour l'environnement qu'un sac réutilisable. »

- Avec la collaboration de Kathleen Lévesque, La Presse